Et qu'accessoirement la musique pop en France mis à part Kat Onoma était peu propice aux sentiers non battus, condamnant de fait le groupe à vivoter dans une niche.

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Dans le grand chapelet de terminologies musicales, le terme "folk" a souvent été malmené voire affublé d'extensions absconses. Passe pour la scène acid-folk de Frisco encapsulée par Jefferson Airplane dans la bascule des seventies ; mais quid de la scène antifolk US du début des années 2000 qui désignait une espèce de punk acoustique certes, débraillé et lo-fi. Et que dire du courant neofolk de la décennie précédente.....de la folk sans doute mais plus blafarde et austère qu'autre chose ; en tout cas que vient faire le préfixe "neo" là-dedans. Dont acte.
Lorsque Douglas Pearce crée l'entité Death In June au début des années en compagnie de deux acolytes dont il se séparera très vite, sa musique est celle d"une synth pop industrielle très mélodique entre Cabaret Voltaire à son plus martial et...Depeche Mode à son plus primesautier. A partir de The Wörld Thät Sümmer (1986), tout est consommé et l'ancien punk anarchiste du groupe Crisis se retrouve seul aux manettes de son "groupe" phare, occasionnellement secondé par son complice David Tibet de Current 93 ; nous y revenons. Dorénavant, Death In June sera en outre largement associé à la scène gothique.
Il faut revenir sur le contexte sulfureux autour du groupe et de la personnalité de son leader. Déjà ce patronyme qui bien que son créateur s'en défende mollement fait référence à la Nuit des longs couteaux, synonyme de purge Hitlérienne envers ses opposants nazis. Mais Joy Division n'avait pas fait autre chose en s'affublant d'un nom dédié aux bordels das camps de la mort. La comparaison avec le légendaire groupe mancunien ne s'arrête pas là puisque dans cette 7ème oeuvre considérée comme la plus aboutie de Death In June, une statue issue d'un complexe sportif celui-là issu du Foro Italico de Rome, orne la pochette.
Douglas Pearce est un personnage torturé , connu pour ses outrances revendiquées : uniformes et decorum renvoyant à l'esthétique nazie, obsession pour les écritures runiques, une homosexualité exacerbée et assumée, la part sombre de l'homme, la guerre.... Cette dernière sert d'ailleurs de champ lexical à nombre de textes très noirs de But, What Ends When The Symbols Shatter? comme par exemple "The giddy edge of light". Les "disappointment", "dust", "sorrow" (l'admirable et hanté "The golden wedding of sorrow") abondent. Les guitares folk cristallines uniques sont désormais la marque de fabrique de Pearce sur ses disques, qui ne lésine pas ici sur les effets sonores et sur certaines enluminures de cuivres et de cordes qui lui confèrent une patine onirique. L'autre versant auditif du cauchemardesque masque de carnaval vénitien dont s'affuble le musicien très tôt dans sa carrière.
Les références littéraires et musicales abondent : Stuart Pearce reprend 4 musiques et textes d'une communauté gospel au destin mortifère mais on souhaite bon courage à quelque musicologue que ce soit de trouver la moindre ressemblance avec l'oeuvre du People's Temple's Choir dans la religiosité de "He's disabled", "The morning bench", "Because of him" ou "Little black angel".
Passé l'odeur de soufre de notre homme qui s'offre deux parenthèses aérées et presque primesautières avec son complice de toujours David Tibet chanteur lead sur "Daedelus riding" et "This is not paradise", But, What Ends When The Symbol Shatter? amène des moments réellement enchanteurs - les notes tristes du piano de "Death is the martyr of beauty", 'The golden wedding of sorrow", "Ku ku ku" (non il ne s'agit pas du sinistre KKK), "Hollows of devotion", le morceau-titre... Il faut donc faire fi de l'influence forcément Maurassienne présidant à l'oeuvre de guerre de T.S. Eliot infusée ici. Afin de se délecter de cette musique totalement obsédante et belle. Dont le crescendo final vers son locked groove n'est pas sans rappeler à nouveau......... Closer.
Flirter avec le Diable et en payer le prix de la censure ? Séparer l'homme de l'oeuvre ? Il n'en a jamais autant question ici.
En bref : le parcours tortueux et sujet à caution d'un ex-ponte de la synth pop vers des territoires folk plus apaisés. On peut faire abstraction de la poésie et des textes très sombres de Death In June et reconnaître sa beauté à cette folk magnifiquement austère.
INFECTIOUS GROOVE
Moins d'occasions de s'enthousiasmer en ce deuxième et dernier jour de TINALS 2025. Une fois encore, les meilleures choses se passeront en intérieur. Car une fois passé sous une chaleur accablante le set un peu pute de Almost Monday - le monde a-t-il vraiment besoin de nouveaux Arctic Monkeys dans leur virage rock de stade - retour en intérieur pour goûter à la soul jazzy gentiment ourlée de MRCY (photo ci-dessus), émanation d'un binôme chanteur et producteur.Gros barouf autour de l'une des dernières sensations noise de la scène britannique. Le public se précipite donc en masse pour voir DITZ, quintette de Brighton. Si les deux premiers titres entretiennent l'illusion, on s'ennuie assez vite car côté chansons, cela tourne en rond. Et on pose la question qui fâche : si le chanteur ne s'habillait pas en femme et n'avait pas l'idée joyeuse d'escalader la rampe de projecteurs, le groupe déchaînerait-il autant les passions ? Rien n'est moins sûr.
Le quatuor teuton Kadavar a fait sienne la devise de Manowar qui est que "même les sourds les entendent". Dès les premiers coups de grosse caisse de Tiger Bartelt, une déflagration nous percute le plexus. Ce dernier vêtu d'un seyant tee shirt filet sur poils envoie la purée tout comme ses acolytes bassiste (croisement improbable d'un Danyel Gérard longiligne et d'un Demis Roussos efflanqué) et le duo de bretteurs dont la présence ne déparerait pas au Hellfest. Il s'agit là d'un métal assez gras, serti de riffs bien juteux ; les voix sont limite pop et friendly, bien loin d'un doom stoner méchant que pourraient susciter leur dégaine. C'est convenu mais à vrai dire....assez jouissif.
Rendez-vous avec la légende des Hommes en Noir pour ce jour de travail chômé. En formation très resserrée - une basse, une batterie et c'est tout - l'autre homme fort des légendaires Stranglers des 15 premières années, armé de sa Telecaster revisite pendant près de deux heures son riche répertoire.
Le line-up très dépouillé détonne par rapport à la palette sonore à laquelle nous avait habitué les Etrangleurs : cela fait certes un drôle d'effet d'ignorer ainsi les parties de claviers de frère Greenfield sur la bagatelle de 8 titres (!) extraits de l'oeuvre du groupe mythique. Mais étonnamment, c'est pratiquement "Strange little girl" et sa revigorante partie de basse qui s'en sort le mieux. Et sans doute un "Nuclear device" envoyé du feu de Dieu sur lequel Hugh n'oublie pas son fantastique monologue sur l'Australie.
C'est l'heure du traditionnel top albums Dodb 2024, ou plutôt DES tops albums puisqu'il n'y a quasiment plus rien en commun entre les 4 chroniqueurs (dont 1 actif). Au final 33 artistes à découvrir ou redécouvrir. Qu'on ne nous dise pas qu'il pas qu'il n'y a plus de musique qui sorte. Et bonne année !