De nom, je connaissais le monsieur depuis un moment déjà, mais jamais je n'avais entendu un de ses titres ou tenu un de ses disques dans mes mains curieuses. Ma rencontre avec Rocé, c'est mon ami Oxmo qui l'a arrangée. En première partie dans une célèbre laiterie du 67.
Rocé, de son vrai nom José Kaminsky, opère pourtant sur la scène rap depuis plus de dix ans et la sortie de ses premiers maxis sur le label Chronowax. C'est en 2001 que son premier album paraît. Top départ, le nom est bien trouvé évidemment. Identité en crescendo enfanté l'année dernière, est donc arrivé cinq années plus tard. Un temps bien utilisé si j'en crois mes oreilles.
Rocé en concert, c'est un type qui ne paye pas particulièrement de mine. Un arabe trentenaire, trappu, le crâne rasé. Il ne se la joue pas ricain, pas canaille, il ne se la joue pas tout court. Un tee-shirt large légèrement hip-hop dans le texte, pantalon à pince, baskets. Il s'avance tranquillement vers le micro mais sans l'assurance superflue. Il accueille le public d'un simple "bonsoir, ça va?" puis annonce sa première chanson : "Je chante la France".
Introduction jazzy mélancolique d'une trompette, le beat s'installe. La noblesse se fait attendre. On l'entrevoit rapidement. "J'ai la Marseillaise ciblée, le drapeau sous les semelles. J'ai le regard crispé sur ce pays et ses querelles. Le regard débridé et le pelage blanchi. Je begaye presque sans plus d'accent les mêmes problèmes qu'il y a des décennies". Prélude à une chanson en forme de plaidoyer mais aussi de carte d'identité. Car d'identité il sera question pendant ce concert comme dans le second album de Rocé dont le titre ne ment pas. "Je chante la France" ouvre cette album. Et force est de reconnaître qu'il s'agit d'une introduction qui nous en dit long sur l'ambiance d'Identité en crescendo. Un rap engagé sagement mûri à l'ombre d'influences jazz mesurées.
Pourtant, après son premier album, Rocé avait fait le deuil du rap français et l'exprimait : "Selon moi, le rap français est intégré à la société, il n'est plus subversif, il est devenu le cliché que la société voulait qu'il soit. C'est une musique qui ne lance plus de messages, qui se contente de faire des constats, de dire : "Regarde la merde où j'habite". Une prise de distance qui amène Rocé à trouver refuge dans le free jazz en compagnie d'Albert Ayler ou Ornette Coleman. De cette rencontre naîtra peu à peu Identité en crescendo. Une pièce servie par des instrumentaux jazz (avec la participation sur un titre d'Archie Shepp) mais avec la parole forcément rap. Une parole qui interpelle et revendique une multiplicité identitaire loin des casiers préfabriqués idéologiques.
L'album dans son intégralité est placé sous le signe de la qualité. Des instrus parfaits et le verbe haut, on écoute les 13 titres sans déplaisir, l'oreille attentive malgré quelques jolis balancements. Pour moi, "Je chante la France", "Amitié et amertume" et "Des problèmes de mémoire" conduisent le scud légèrement un ton en dessus des autres titres. A noter trois participations jazz très classes : Archie Shepp, bien sûr, mais aussi Jacques Coursil et Antoine Paganotti (que je connaissais pas mais dont jai pu lire qu'il s'agissait d'un costaud).
Pour conclure et en substance, Identité en crescendo est un des meilleurs albums rap frenchie qu'il m'aie été donné d'écouter récemment. A redécouvrir pour ceux qui connaissaient Top départ son premier opus, à découvrir vraiment pour les autres.
Le lien emule :
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