Pansoul est un album nocturne. A son écoute montent les souvenirs émus d'escapades scintillantes sur les berges de la Seine. Les lumières défilent, orangées et jaunes vif, s'impriment dans la rétine au rythme d'une house surnaturelle. Les corps se délient, les têtes voyagent, moitié happées par la réalité urbaine, moitié emmitouflées dans une rêverie délectable. Ces instants bénis, nous les devons à deux ingénieurs du son Versaillais qui décident, en 1992, de se consacrer à la musique électronique après avoir vécu leur première rave. L'un s'appelle Philippe Cerboneschi, alias Zdar, et a déjà travaillé sur le premier album de MC Solaar. Il montera plus tard, avec Boombass, La Funk Mob, devenue Cassius. L'autre, Etienne de Crécy, s'est imposé comme un des producteurs français les plus adulés à travers le monde avec les deux volets du projet Superdiscount, son LP Tempovision et ses nombreux remixes.
A eux deux, ils forment Motorbass pour livrer un unique album, décisif pour la musique électronique française : Pansoul. Le nom de ce disque autoproduit traduit son ambition : une exploration exhaustive de l'électro soulful, nourrie de samples hip-hop et de basses bedonnantes. A sa sortie, en 1996, Pansoul n'est pressé qu'à 20000 exemplaires. Dès l'année suivante, il est introuvable. En 2003, enfin, Virgin le réédite, et les fans sevrés ont droit à un CD bonus incluant deux EPs des débuts, EP1 et Transphunk EP, plus quelques tracks à la coloration hip-hop.
La machine Motorbass démarre réellement avec Ezio, qui, d'abord épuré, gagne en profondeur grâce aux clochettes et autres harpes cristallines. Flying Fingers enchaîne avec ses scratches acérés, mais c'est selon moi à partir du quatrième titre, Les Ondes, que le moteur s'emballe. Neptune et Genius, notamment, déroulent une house classieuse version after. Wan Dence est plus daté, ainsi que Pariscyde, titre le plus brutal du disque et hommage aux Pharcyde, dont on peut entendre un court sample.
Pour beaucoup, Pansoul, sorti un an avant Homeworks, le premier album de Daftpunk, fut la pierre fondatrice de la "French Touch". Terme inepte pour un mouvement qui n'existe pas; une expression de journaliste, en résumé. Quel lien peut bien exister entre le groove de Motorbass et les symphonies romantiques et planantes d'Air ? Ils viennent tous de Versailles, certes. Mais en dehors de ça... Ici on ne rencontre pas - sauf sur Wan Dence - les boucles disco filtrées du sieur Alex Gopher ou les relents très 80s des Daftpunk. Plutôt une juste appropriation, "à la française", de la house made in Detroit. A (re)découvrir absolument.
En bref : la pierre inaugurale du mouvement house français des années 90.
News sur leurs travaux respectifs:
www.myspace.com/philippezdar
www.myspace.com/etiennedecrecy
3 Comments:
merci pour cette chronique, voila bien longtemps que je n'avais pas entendu parler d'Etienne Decrecy (depuis Superdiscount à vrai dire). Le petit souci concerne la difficulté de trouver les Eps en question...impossible sur torrent...quid d'un extrait par mail? merci bien
Fab nous a bidouillé un petit lecteur, on va bientôt foutre un petit Motorbass dessus, c'est une question de jours...
Salutations
Merci pour cette critique!
L'un des meilleurs et véridiques éloge de Pansoul que j'ai entendu.
Avec Silver Apples & Contact, Pansoul est selon mes goûts le plus grand album de musique électronique.
Un chef-d'oeuvre.
Ça serait si magique si Crécy et Zdar se jumellent pour un show live en 2016 pour les 20 ans de Pansoul!
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