24 juin 2007

Trying to conquer I - Chuck Turner (1989/2007)

Décidément le label allemand Basic Channel est un vrai régal. Par le biais de ses subdivisions Burial mix, Wackies ou encore Rhythm and sound, la maison teutonne n’a de cesse de produire de classieux remix de musique jamaïcaine et d'éditer d’anciens et de nouveaux « grands » du reggae, ragga, dub ou encore dancehall. C’est justement de dancehall dont il s’agit avec le maxi « Trying to conquer I » de Chuck Turner, déniché dowtown on Broadwick Street lors d’un chilling londonien, et merveilleux classique du genre daté de 1989.
Le dancehall, né dans les années 80 en Jamaique sous l’impulsion (présumée) d’Henry « Junjo » Lawes puis de King Jammy, se définit au mieux par sa mission : faire bouger et instiller à son auditeur une sorte de fire spirit éminemment positif. Pour ce faire, un tempo rapide et un toasting acéré semblent s’imposer comme des figures appropriées. Chuck Turner, en héritier du pionnier King Jammy (les deux hommes ont travaillé ensemble en 1987), les manie justement à merveille, tout en verve et finesse. Les arrangements et le remastering de Basic replay, une autre sous-division de Basic Channel, polissent élégamment la belle association de la voix mezzo soprano du singer et d’un riddim azimuté et insaisissable.
Le vynil propose ensuite une version « vocal cut », de Professor Grizlly intitulée « Fight the professor » exploitant la même partie instrumentale que « Trying to conquer I ». Les deux titres se disputent les honneurs sur ce maxi de qualité. Professor Grizzly se montre un peu plus pêchu sur sa piste. Le refrain est plus entraînant.
Mais on ne peut raisonnablement se résoudre à préférer un des deux titres, à défaut on tire juste un coup de chapeau à une maison berlinoise de bon goût, la dénommée Basic Channel.

Pour écouter un aperçu de ce son, je n'ai pas trouvé mieux que le site du disquaire de provenance de ce maxi, Sounds of the Universe.

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22 juin 2007

Interview - Turzi

Son premier album, "A", est sorti le 11 juin sur Record Makers. Il contient treize morceaux, dont tous les titres commencent par la lettre A. Turzi ne se contente cependant pas d'inventer d'amusants concepts. Avec une vigueur toute rock n'roll, il galope à toute bringue dans un paysage psychédélique où les fantômes de Gong et de Faust harcèlent d'innocentes pédales à effets. Dans cette chevauchée hypnotique, il est escorté par le Reich IV, backing band ainsi nommé en hommage au "IV Organs" de Steve Reich.

Erudit, passionné, parfois un rien provocateur, Romain Turzi évoque son parcours, prône l'élévation spirituelle, et nous parle de rock choucroute, camembert, et disciplinaire...

Depuis les bancs d'un collège Versaillais jusqu'à ta signature chez Record Makers, quel a été ton parcours ?

C'est à l'époque de la fac, après des années en pension, que j'ai ressenti une grosse attirance pour la dérive musicale sous toutes ces formes. J'ai donc installé un home studio, et j'ai travaillé avec une réelle volonté de faire quelque chose de rock et d'entraînant. Ensuite j'ai filé une maquette à Sinclair, du label Record Makers. Après la signature - il y a deux ans, le mini LP Made Under Authority est sorti et, il y a quatre mois, Seven Inch Allah, en 45t. Aujourd'hui, "A". Et demain ????

Que représente le krautrock pour toi, et comment expliques-tu le regain d'intérêt actuel pour ce genre musical ?

Le rock choucroute, c'est la recherche d'un son nouveau avec les accessoires rock traditionnels, c'est la volonté de dépasser les conventions et de tendre vers l' ailleurs. C'est aussi une musique rythmée et impersonnelle dans la mesure où elle ne prône pas la mise en avant de tel ou tel membre du groupe. Tu m'étonnes que ça me plaise ! C'est avec cette musique que j'ai fait mon apprentissage. Aujourd'hui tout ceci est intégré : c'est plus un langage, un mode d'expression, qu'une influence revendiquée. Je fais du rock camembert.

Ta musique est qualifiée de rock disciplinaire. Peux-tu nous expliquer de quoi il s'agit, et comment une musique aussi psychédélique que la tienne peut s'avérer "disciplinaire" ?

On la qualifie de rock disciplinaire car c'est par la répétition de motifs musicaux simples que s'élève le cerveau de l'auditeur (et de l'exécutant). Mon rock est disciplinaire car il est monophonique et répétitif, inspiré des courants minimalistes US 60s tout comme des prémices allemands de la musique électronique.
Le psychédélisme vient du fait que chaque son pur (orgues, piano électrique, guitare) est traité d'une façon spéciale puis noyé dans la reverb et les chambres d'echo, ce qui a tendance à former une strate qui, elle, est rythmée sans concession par une section tendue à l'extrême. Donc, comme dans la musique électronique, je fais une musique qui joue davantage sur la succession de paysages musicaux que sur le format couplet/refrain à la noix.


Sur MySpace, il est mentionné que Turzi fait du "Christian rock". Sur "A", "A notre père" et "Are you thinking about Jesus?" révèlent une obsession, ou du moins une fascination pour le christianisme. Quel rapport ta musique entretient-elle avec la religion ?

Comme tu le sais j'ai grandi à Versailles, face à une cathédrale et juste à côté du palace du Roi Soleil... la notion d'intemporalité et de supériorité de l'Eternel sur l'Homme est quelque chose qu'on m'a rabâché toute ma jeunesse.
En revanche je m'intéresse à la musique modale, aux odes médiévales, et ces musiques sont conçues pour s'élever et se rapprocher de Dieu. Je trouve qu'il était intéressant d'intègrer des éléments religieux dans un rock subversif au possible. Il y a, forcément, un peu de provoc là-dedans.
Suite à ta question, je viens de changer de catégorie sur myspace, dorénavant je fais de la TRANCE!

Avec tes flâneries du côté du baroque, de la recherche boullezienne et du post-rock français et allemand, ne crains-tu pas de te faire taxer de "passéisme"?

Non, si mes maîtres sont d'une autre époque, je fais une musique qui colle à la réalité et à l'actualité. Aujourd'hui peu de groupes se réclament de ces influences et c'est dommage. Si l'actualité c'est de faire du sous-Strokes en jean slim alors oui, je suis passéiste.
Mais je me réclame autant de la techno acide de 1988 que de Perrotin le Grand, illustre compositeur de l'époque du roi Arthur.

Comment s'est déroulé l'enregistrement de ce premier album ?

Il a été très difficile de fixer l'oeuvre sur un support. Mes morceaux sont malléables et modulables selon les gens qui les jouent, le lieu et le matériel à notre disposition. Les enregistrer signifiait, pour mes musiciens et moi, qu'on devait se contenter d'une version. Si on ré-enregistrait l'album aujourd'hui le son serait complètement différent, les plages improvisées ne sont par définition jamais deux fois les mêmes !

A quoi peut-on s'attendre pour le prochain disque ?

Un album aux sonorités acoustiques tendance Europe de l'est, Asie mineure et Afrique tribale. Le tout sera toujours aussi entraînant et donnera toujours envie de s'échapper, de s'élever spirituellement. Psychotropes fortement conseillés.

Propos recueillis par Dave

http://www.myspace.com/turzi

http://www.myspace.com/recordmakers
http://recordmakers.com/

Le label créé par Nicolas Godin et J-B Dunckel (Air), avec Arpanet, Sebastien Tellier, Kavinsky...
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Gui Boratto - Chromophobia Remixe Part 1 (2007)

Pour élaborer les premiers remixes de son album Chromophobia, Gui Boratto a choisi des artistes aux univers assez éloignés du sien. Robert Babicz, vétéran polonais de l'acid techno installé en Allemagne (et qui compte plus de 150 disques à son compteur personnel), se répand désormais dans une house extrêmement lourde au bon goût de disco. Sa version de "Mr Decay", toute en reverb, explose en basses dinosauriques à en péter les fenêtres. Bien qu'il soit plus acidulé et groovy, ce remix n'atteint pas la tension accablante et l'affolement progressif de la version originale. Reste un bon morceau, vraiment pas dégueulasse, mais qui ne justifie pas, à lui seul, l'achat du maxi.

C'est en face B qu'il vous faudra chercher l'excitante justification de votre dépense, avec le remix d'"Hera" par Alex Willner aka The Field. Si ce Suédois est, comme Boratto, signé sur Kompakt, son style est aux antipodes du Brésilien : ici pas de blips ou de saccades, la trance règne, ample et vibrante, dans un déluge de vagues synthétiques. Comme sur le premier album de The Field (From Here We Go Sublime), la sensation déstabilisante de franchir des sas de décompression s'impose immédiatement. Pas d'intro, pas de break, pas de possibilité de souffler : un morceau simultanément fatigant et jubilatoire, délicatement apocalyptique. A déguster en attendant la deuxième partie de cette prometteuse série de remixes...

En bref : le Brésilien de l'année, Gui Boratto, entame la série de remixes de son album Chromophobia par une relecture intransigeante d'Hera par le suédois The Field.



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10 juin 2007

Seventeen Evergreen - Life embarrasses me on planet earth (2007)

"Des hippies, des synthés, des computers et de l'acide. Le futur de l'humanité est en marche." Voici telle quelle la phrase qui attira mon attention dans un petit bout de chronique d'un gratuit musical local. Autant dire que je n'y suis pas resté indifférent et que 5 minutes plus tard, le dit cd se retrouvait dans mon panier amazon en partance des states. Cette courte description je le pense ne devrait pas vous laisser indifférent non plus. Maintenant que la galette a tourné en orbite à domicile, qu'en est-il?

Les hippies en questions ce sont Caleb Pate et Nephi Evans, deux californiens from San Francisco qui pour leur premier essai ont lorgné du côté du label indépendant anglais Lucky number pour livrer cette oeuvre de psychadélica toute en références et en kilomètres de pistes musicales ingurgitées et mûrement digérées: Pink Floyd période Meddle bien sûr, Brian Eno sans aucun doute, Air et Pavement assurément. Et pourtant ça sonne neuf comme un étrange kaléidoscope pop post hippie. Prenez une dose d'ambiance électro, ajoutez-y un soupçon de pop buccolique et vous obtenez cet ovni aux frontières floues et songeuses de la pop insouciante, de l'électronica et du folk.

Le duo de songwriteurs passe d'un instrument à l'autre et maintient une solide basse ainsi qu'une batterie bien sèche délivrant une bouffée de psychédélisme tranquille et relaxant. Véritablement cinématographique, les morceaux s'enchaînent tels des hymnes à l'amour dans un vide intersidéral. Simple d'apparence mais d'une infernale richesse de détails, la musique de Seventeen Evergreen n'a pas fini de faire parler d'elle. Premier coup de buzz, ce vidéo clip païen et défoncé pour le premier titre extrait de l'album, Haven't been yourself. Des titres comme Sazebac, Lunar One ou Ensong sont de véritables ballades cosmiques en puissance, bandes originales évidentes de voyages stellaires imaginaires. Mercury Rev, Eels et Baxter Dury auraient déjà pris leurs tickets pour l'expédition.

A la fois fresque musicale riche et singulière et mélange d'exaltations électroniques berçées à la pop américaine dans le bon sens du terme, Life embarrasses me on planet earth nous prend par la main et nous invite à bord de la toute première navette spatiale auditive. Planant.

Ju.

Je vous laisse tripper en compagnie du clip de Haven’t been yourself :

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09 juin 2007

Interview - Jean du label Kitsuné (Paris)

C'est le label du moment, ou plutôt le label à la mode. Kitsuné, créé en 2001 et situé entre Paris et London, s'illustre depuis quelques temps avec des productions à succès qui oscillent entre électro, punk et rock. En plein dans le mille. La société est composée d'architectes, de graphistes (notamment du Royal College of Art de Londres) et peut se prévaloir d'une direction artistique aiguillée par les Daft Punk. Kitsuné, « renard » en japonais, compte dans son écurie de nombreux artistes en plein boom. Parmi eux, The Klaxons, Digitalism, Hadouken !, Simian Mobile Disco ou encore Joakim. Avec une communication visuelle impeccable, des productions de qualité et de multiples partenariats commerciaux et musicaux rien ne semble pouvoir arrêter la boîte à tubes parisienne. Depuis peu, la label a même investi le terrain de la mode avec ses Kitsuné clothes, ligne de vêtements de facture classique mais au style franchement « bobo fashion ». A l'heure où débarque la quatrième compilation Kitsuné maison, entretien sommaire avec Jean, 24 ans, qui travaille pour le label depuis 10 mois à Paris, auprès du grand manitou Gildas Loaec.
L'interview a été réalisée à la base dans l'optique d'un article sur Internet et les métiers de la production, pour le méconnu périodique strasbourgeois Viva Cité (sic), d'où la teneur des questions.

D'après toi, dans quelle mesure Internet a bouleversé les logiques de production dans la musique ?

Jean : Internet a provoqué un changement de paradigme, c'est une sorte de révolution. On entre dans l'ère d'un nouvel modèle économique où la reproduction mécanique d'oeuvres musicales n'est plus centrale. Même si, chez Kitsuné, nous commercialisons des vynils et des compilations au format cd. Mais ce qu'il faut voir principalement, c'est que cette tâche n'occupe plus une place prépondérante. En outre, en ce qui concerne le rapport du public à Internet, on peut considérer que ce médium contribue à la création musicale par l'ouverture qu'il offre sur des genres divers. Internet met à disposition la mémoire musicale. Tous le monde y a accès et il s'agit clairement d'un effet positif d'Internet.

Quel regard portes-tu sur le succès de Myspace, en particulier chez les artistes et labels ?

C'est plutôt une création heureuse il faut le dire. Myspace est très populaire et beaucoup d'artistes s'y rencontrent. Les labels peuvent découvrir de nouveaux artistes dans une démarche beacoup plus active, à mon sens, que dans le passé. Kitsuné est évidemment présent sur Myspace (http://www.myspace.com/maisonkitsune), c'est un passage obligé. Hormis la recherche de nouveaux talents, on peut y annoncer nos soirées, nos sorties et faire écouter librement nos nouvelles productions au public.

Le boulot des labels se transforme avec Internet, qu'en est-il pour les artistes ?

Bien évidemment, Internet procure du réseau et des contacts pour les artistes et leur octroie une grande liberté et indépendance, artistique notamment. Il est plus facile de se faire connaître et de faire sa promotion. Pour autant, il faut se rendre à l'évidence, les artistes auront néanmoins toujours besoin des labels. Ils auront toujours besoin de réseaux de distribution forts, de promotion de tours. La direction est indipensable ainsi qu'un management sérieux.

On s'achemine vers des contrats de distribution exclusivement ?

Oui et non... j'ai bien le droit à une réponse de Normand.

Comment Kitsuné gère l'outils Internet ?

Avec beaucoup d'attention et d'énergie c'est certain. Kitsuné est une entreprise dynamique, créative et en développement. On ne peux pas négliger cet outils. Notre myspace est très vivant avec les annonces de toutes nos soirées et sorties (cd et vêtements), et la mise en libre écoute de nos derniers maxis, comme « Pogo » de Digitalism ou « Dance to our disco » de Punks jump up. Notre site Internet (http://www.kitsune.fr/) nous permet de faire un peu le même genre d'activité mais en plus approfondi, avec notamment la vente en ligne de nos produits. Le site et la page myspace véhiculent l'image du label, son identité visuelle. Nous avons aussi une forte activité sur les blogs. En fait, il n'y a pas grand chose de plus à dire si ce n'est qu'Internet est un outil de travail indispensable.

Quelles les moments forts à venir pour le label ?

La compilation Kitsuné maison volume 4 sort le 11 juin. C'est toujours un moment fort pour nous. Le public pourra retrouver de nombreux artistes qui travaillent avec le label, notamment Darkel, The Whip, Feist, Hadouken !, Thieves like us... des artistes qui ont sorti des maxis chez nous ces derniers temps. Cette compile n'est qu'une des actualités du label car nous avons aussi en perspective la sortie de l'album du groupe de rock anglais Cazals, que nous avons produit. Et aussi de nombreuses sorties vyniles toutes chaudes comme « Youth alcoholic » des suédois Fox N'Wolf et « Divebomb » des gars de Manchester de The Whip. Bref, nous ne sommes pas prêts de ralentir la cadence !

Propos recueillis par fab


Dans les bacs, Kitsuné maison 4 :

Darkel - "Be my Friend"
The Whip - "Divebomb"
Feist - "My Moon My Man" ( Boys Noize classic mix)
Foals - "Hummer"
Hadouken! - "Tunning In" (H! re-rub)
Passions - "Emergency"
Riot In Belgium - "La Musique" (Adam Sky remix)
Dragonette - "I Get Around" (Midnight Juggernauts remix)
Guns n' Bombs - "Corssover Appeal"
Punks Jump Up - "Dance To Our Disco"
Thieves Like Us - "Drugs in my Body"
Crystal Castles - "Knights"
Whitey - "Stay On The Outside"
Numero# - "Hit Pop Phones"
Worryin'





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Junior Cony – Peace Monger (2006)

C’est d’abord derrière ses machines et dans l’univers punk que Junior Cony s’est fait connaître et a évolué. Il débute comme sonorisateur des « Washington Dead Cats », passe aux platines puis au mix de « Ludwig Von 88 » et des « Béruriers Noirs », deux des groupes phares de la scène punk française. En 2003 il a d’ailleurs pris part au retour des Bérus sur scène lors des Transmusicales de Rennes.

Ce dee-jay, qui répond au doux prénom de Jean-Mi, s’engage très tôt dans le milieu alternatif parisien et ce n’est pas un hasard si son nouvel album « Peace Monger » paraît sur le label des Bérus « Folklore de la Zone Mondiale » (FZM).
Après être resté dans l’ombre de ses remuants et débridés créteux, il franchit le pas, et décide de sortir un album en 2003. Il signe chez Crash Disque, et se sert des riddims et des sons qu’il a expérimenté dans son « home studio la Zonmé » pour fignoler son premier album « Inna Roots Tradition ». Un album très posé, dans la pure tradition roots, avec machines électroniques, basses et claviers. Les titres s’enchaînent à merveille, invitant avec délectation à une douce paresse, à une glande maîtrisée. « Un bon petit dub » en somme.
La même année Junior Cony récidive avec cette fois l’aide de deux chanteurs de sound systems Shanti D et Mr. Irie. Les mélodies sont les mêmes, toujours aériennes, très tranquilles. Les deux voix, presque féminines, et les nombreux échos qu’entrelacent les volutes musicales de Junior Cony rendent ce deuxième album «At the Government Shop » plus dynamique et plus original.
Malgré deux albums plutôt bien reconnus par la critique et des performances scéniques aussi performantes qu’enfumées, Junior Cony reste en retrait de la scène dub française. Avec ce nouvel album, le talent de Junior Cony est confirmé mais il ne semble pas encore avoir pris toute sa dimension. En multipliant les collaborations, invitant d’autres artistes et s’ouvrant aux autres influences musicales, Junior Cony devrait sans doute faire reparler de lui. Peut être verrons nous bientôt un nouvel album reprenant les dubs de « Peace Monger » accompagné d’invités.

"Channel 77", extrait de "Peace Monger".



"Too Late Dub" avec Shanti D.


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07 juin 2007

Leadbelly - Blues & folk singer (2004)

La mythologie folk américaine est riche en icônes. Parmi eux, Huddie William Ledbetter, plus connu sous le nom de Leadbelly, contribua indéniablement à façonner les traits du « folk singer », héros musical du 20e siècle. Quelques années avant Woody Guthrie et Pete Seeger, en véritable père-fondateur.

Sa musique est profonde, viscérale. Elle chante la ségrégation, la misère et le quotidien des petites gens. Une complainte pleine de noblesse et lustrée par les années, mais un artiste néanmoins difficile d'accès. Par la rareté de ses disques d'une part mais aussi par leur rusticité d'autre part. Hormis les austères Library of Congress recordings, peu d'enregistrements de qualité sont réédités aujourd'hui. Blues & folk singer, sorti en 2004 dans la série « sagablues », palie ce manque avec la compilation d'une vingtaine de titres de l'artiste de Louisiane. Des chansons remasterisées à Paris, dans le Art & Son studio, et qui couvrent la période 1935-1946. A la fois plongée dans l'histoire américaine et retour aux sources de la folk music.

On ne peut évidemment parler de Leadbelly sans évoquer son parcours personnel mouvementé, indissociable de son identité folk. Le monsieur naît dans une plantation près de Mooringsport en Louisiane dans les années 1880. Sa date de naissance est par ailleurs sujette à caution, certains avançant 1888, d'autres 1889. Bref. Il prend rapidement son indépendance et vivote de sa guitare et plus occasionnellement de ses bras sur les chantiers. Le bonhomme est réputé vantard et bagarreur. En 1918, il est condamné à 20 ans de prison pour avoir tué un homme au cours d'une échauffourrée. Il en sortira sept ans plus tard, la légende racontant que sa libération était due à une chanson écrite au gouverneur du Texas, Pat Neff. Retour à la case prison en 1930, pour Ledbetter, cette fois-ci pour tentative de meurtre. L'homme n'est pas un tendre, loin de l'image romantique et mélancolique des chanteurs folk de la seconde moitié du vingtième siècle. C'est par ailleurs en prison que Leadbelly est découvert par deux musicologues : John et Alan Lomax. C'est ainsi que les premiers enregistrements du singer voient le jour, grâce à un équipement mobile de la Bibliothèque du Congrès. En 1934, l'artiste est gracié, suite à une pétition remise par les Lomax au gouverneur de Louisiane.

Dès lors, Leadbelly se consacre pleinement à la musique et emménage à New York, chapeauté par les deux frères producteurs. Il enregistre avec l'American records corporation mais ne rencontre pas le succès. Le registre blues imposé par le label lui sied mal. Chronique ordinaire de sa vie, en 1939 le chanteur est à nouveau emprisonné pour violences. A sa libération, il découvre une scène folk new yorkaise bouillonnante et se lie d'amitié avec Guthrie et le jeune Pete Seeger. Dans la première moitié des 40's, il livre ses meilleurs titres pour le compte de RCA puis de Moe Asch, qui créera le fameux Folkways records, et multiplie les collaborations avec des jeunes pousses en devenir. A son actif, de nombreux « hits » qui exerceront leur influence sur des générations de chanteurs folk, rock, pop et country. On peut citer notamment « Goodnight Irene » (qui sera repris par le groupe de Seeger, The Weavers), « New Orléans (House of the rising sun) » et encore « Where did you sleep last night » (repris entre autres, faut-il le préciser, par Nirvana).

La liste des artistes ayant trouvé inspiration dans le répertoire de Leadbelly ne saurait être exhaustive mais on peut signaler, en passant, Creedence Clearwater Revival (reprise de « Midnight special »), les Rolling Stones (avec leur emprunt à « Bourgeois blues »), The Animals évidemment, Johnny Cash, Mark Lanegan et même la Mano Negra (reprise de « Rock island line »). Sans oublier toute la garde du folk US de Seeger, qui écrivit une chanson sur Leadbelly, à Dylan.

Couvrant une décennie d'activité du chanteur (1935-1946), Blues & folk singer offre une gracieuse porte d'entrée vers l'univers de ce « nasty guy du folk ». Le disque est découpé en deux parties. La première regroupe des travaux aux intonations blues et, sans surprise, s'intitule « The bluesman ». Quant à la seconde, la plus intéressante à mon goût, elle réunit des morceaux plus folk sous le titre « The songster ». On retrouve ainsi « Rock island fire », « Midnight special », « Goodnight Irene » et « Where did you sleep last night ».

Le son est suranné mais noble et chaleureux. Indubitablement estampillé « Lousiane », expression de la fierté et de la condition d'un peuple oppressé. Ainsi en témoigne « Take this hammer », chant de la servitude nègre qui nous renvoie inmanquablement à des images cinématographiques (à défaut d'autre chose), dans la lignée du film O'Brother des frères Coen ou du Ragtime de Milos Forman. La voix de Leadbelly communique l'émotion à merveille dans des mélopées fortes en intensité et en humanité. Du « folk roots » si l'on peut dire. La partie instrumentale est éthérée comme le veulent les canons de la musique folk. Accompagnement en second plan de la guitare du chanteur et ponctuellement incursions d'un accordéon ou d'un harmonica.

Pas nécessairement un disque facile d'écoute donc, mais une vraie curiosité pour qui s'intéresse à la musique folk et n'est pas réfractaire à un petit voyage dans le temps. Blues & folk singer, compilation d'une vingtaine de titres du mauvais garçon du folk Leadbelly, donne à comprendre et regroupe les faits d'armes les plus significatifs de l'artiste. L'occasion de réaliser que son nom s'inscrit en lettres dorées dans la grande Histoire de la musique.

fab.

Deux titres intéressants sur radioblog : « Rock island line » et « Where did you sleep last night ».




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06 juin 2007

Bunny Wailer - Back to school (1982/2007)

En déambulant chez mon disquaire préféré, j'ai été intrigué par un vinyle à l'esthétique furieusement à l'ancienne, aux couleurs de l'arc-en-ciel, arborant un superbe sticker rose comme on en voit plus. Le disque détonnait, au milieu de toutes ces pochettes d'électro aux designs stylisés. Intrigué, je l'ai encore plus été quand je me suis aperçu que le disque était de Bunny Wailer.

Encore plus surprenant : Back to school est un pur concentré de hip-hop discoïsant, dans la stricte lignée de Sugarhill Gang ou Kurtis Blow, avec une ligne de basse ancrée dans une funk 80's à la Gap Band ou Shalamar. En 1982, donc, un an après la mort de Bob, Bunny Wailer faisait du hip-hop. Loin des aventures rastafariennes des Wailers, il déroulait, aussi étonnant que ça puisse paraître, un flow rebondissant, empreint de gimmicks emblématiques des MCs-entertainers de l'époque, à l'image du refrain : "Ting a ling a ling! School bell ring and it's back to school again!"

Deuxième sortie du label parisien Supra, ce maxi pourrait bien être annonciateur d'un avenir radieux si le concept perdure: en face A, l'original d'un funky track perdu ou oublié, et en face B des versions retravaillées au goût du jour par le Supra Allstars et son chef d'orchestre, Almost. L'équipe nous fournit ainsi un "School is out" et sa version "Redubbed", deux morceaux que le label se plaît à décrire comme des "disco dub funkyfied versions", et qui rappellent le meilleur des années garage, avec des clins d'oeil appuyés au grand Larry Levan. Souhaitons que Supra garde cet excellent cap pour les sorties à venir.

En bref : Bunny Wailer s'échappe du reggae pour scander un rap old-school digne de Kurtis Blow. Une belle réédition de la part d'un petit label parisien très attachant.



http://www.myspace.com/suprarecords


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05 juin 2007

Festival Europavox 2007 - 1/2

Du 25 mai au 2 juin 2007 s’est déroulée la deuxième édition du festival Europavox à Clermont Ferrand, l’occasion de mettre à l’honneur la grande diversité musicale européenne autour de rencontres entre professionnels et grand public. L’objectif est de mettre sur le devant de la scène de très bons groupes qui sont connus dans leur pays mais qui n’ont pas forcément l’opportunité d’être invités à jouer à l’étranger comme le sont plus facilement les formations américaines par exemple. Petit retour sélectif sur 4 jours de concerts :

Les festivités débutent le mercredi soir avec un show case du groupe de rock local qu’on ne présente plus, Kaolin, accompagné pour l’occasion d’un quartet à cordes hongrois, le Sturcz Quartet. Post rock atmosphérique, paroles acidulées mais un cœur grand comme ça, Kaolin gagne à être vu en live. Les hongrois apportent ici une relecture du répertoire plutôt discrète voir quasi en mode mute sur l’hommage à Dylan (immense succès du box office avec Partons vite en lieu et place de I want you). Ce soir là le groupe met littéralement le feu à la salle puisque le concert est écourté par l’alarme incendie qui se déclenche et provoque la chute de l’un des violons du quartet, une pièce rare de valeur inestimable. Sa malheureuse propriétaire sera largement soutenue par le groupe qui lui rend hommage le dernier jour et lui offre un bouquet de fleurs. Grande classe ces Kaolin.

Le gros du festival commence avec le duo hip hop néerlandais Pete Philly & Perquiste qui dégage sur scène une énergie assez impressionnante. Dépouillé de son côté urbain, le son du Mc d’Amsterdam atteint ici de forts accents jazzy grâce à l’utilisation de violoncelles et de saxos électroniques. Entre soul et broken beat, le titre Insomnia est particulièrement convaincant.


C’est au tour de Martin Jondo de monter sur la scène de la Coopé. Personnage atypique, petit, plutôt enrobé, ce résident berlinois et proche collaborateur de Gentleman oscille constamment entre un reggae des plus roots et un dancehall résolument acoustique. Songwritter et guitariste de talent, il distille dans chacun de ses titres un message positif très apprécié. La scène reggae allemande a de beaux jours devant elle.

Passons à Nosfell, disons le tout net, ce mec est complètement barré. Je n’avais jamais entendu ça auparavant. Autour d’un univers imaginaire délirant, le Klokochazia, Nosfell aidé d’une guitare et d’un violoncelle sample sa voix et joue avec les ombres pour monter un show des plus grandiloquents. Quel choc que cette découverte en live qui n’a je pense certainement pas la même saveur à la maison. Entre performance vocale et théâtre tribal, Nosfell ne ressemble à rien d’autre.


Auteur, compositeur et interprète, le suédois Peter Von Poehl a tout pour lui à l’exception d’un timbre vocal peut-être un peu trop fragile. Néanmoins il livre une pop inspirée à l’atmosphère vraiment très intime entrecoupée d’anecdotes et de blagues nordiques très décalées à la limite du compréhensible mais toujours très sympathique. Pas une très grande voix mais un grand artiste à coup sûr.

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Festival Europavox 2007 - 2/2

Suite et fin des résumés sélectifs des concerts du festival Europavox 2007 :


Originalité de la scène italienne, les Hormonauts entament leur prestation au club de la Coopé dans une salle qui ne les connaît pas encore mais qui sait dès les premiers accords qu’elle va passer un bon moment. Complètement déjantés, les Homonausts ne ressemblent à rien d’autre, surf, rockabilly, ska, punk, tout y passe avec une énergie débordante et franchement communicative. Mention spéciale au chanteur écossais, tétons percés et tatouage de Tex Avery sur le torse pour cibler le personnage qui dans une cover très sale de Staying alive nous ferait presque imaginer que c’est la première fois que l’on entend cette chanson. Ebouriffant et sacrément sympathique.

http://www.myspace.com/thehormonauts

La palme du concert le plus participatif avec le public revient à Tom Mc Rae dont je sous-estimais le succès en terres françaises. Raffiné et inventif, l’anglais s’offre le luxe de voir chanté l’un de ses titres par le chapiteau à l’unisson pendant qu’il prend le temps d’aller se servir une bière au comptoir et de revenir sur scène. C’est simple, c’est beau et ça fait penser à du Genesis parfois au niveau de la voix. Un artiste vraiment très sympathique qui arrive à animer une salle avec des chansons pas forcément très gaies. Jolie performance.

http://www.myspace.com/tommcrae

Place à Archive et leur Lights tour, véritable attraction de ce festival et l’une des raisons de ma présence ici. Archive maintenant c’est du lourd, du gros, un show propre et calculé qui ne laisse pas de place au hasard, entre divagations psychédéliques et urgences rock. Véritable mur de son, impossible d’échapper à la fureur que le groupe laisse sur son passage, hypnotique et carrément unique. Loin du trip hop moelleux de ses débuts, Archive lorgne désormais vers un rock électronique sale et lyrique qui en met plein la tronche. Parfois répétitif lorsqu’une chanson comme Lights met 8 minutes avant de démarrer, la suite s’annonce à chaque fois une véritable débauche de brouillards et de luminescences. Petite déception lorsque le titre Again est joué en version courte, mais bon, 2 titres de 18 minutes dans un concert d’une heure c’est pas possible. Beau, intemporel et incroyable.

http://www.myspace.com/archiveuk

Celle que tout le monde attend lors du passage de Cirkus c’est bien entendu Neneh Cherry pour son grand retour sur scène. Personnage toujours très enthousiaste, la belle fournit ici un trip hop libre et aérien, très proche des 90’s et à la fois très ragga à la Patrice. Une musique et une ambiance très famille sur scène qui fait vraiment plaisir à entendre.

Il se fait tard et c’est l’heure pour Agoria d’entrer en scène aux platines et de balancer des beats lourds et profonds, propres à secouer la salle toute entière qui n’a d’autre choix que de se transformer en discothèque pour l’occasion. Le petit lyonnais en déclinant en live l’album The green armchair continue de dérouter la musique électro grâce à des collaborations aussi riches que nombreuses. Un concert qui clôt ce festival en beauté au son d’un rythme syncopé.

http://www.myspace.com/thegreenarmchair

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04 juin 2007

Christ - Blue shift emissions (2007)

A l'origine troisième laron du groupe Boards of Canada, Chris Horne a rapidement volé de ses propres ailes. Sous des noms variés, Chris Horne, Liquid Chris H et aujourd'hui Christ, il développe une musique électronique d'atmosphères, feutrée et élégante, parfois expérimentale. Nouvelle démonstration de sa précision et de sa classe avec Blue shift emissions, produit par l'excellent label Benbecula records (Ochre, Brian Ellis...). En passant deuxième album de l'écossais sous le nom de Christ.

En ouverture, de larges nappes nous irradient littéralement. Des voix en écho d'outre-tombe lancent des appels sans destinataire. Un grésillement de radio apparaît puis fond l'instant d'après. Un beat pointilliste s'installe et les nappes d'atmosphères sont de rigueur. La musique de Christ est distante mais tend à nous absorber, nous enrober, nous incorporer à elle. L'ambiance penche parfois vers une « dream music ». La composition est méticuleuse. L'écossais déploie ses touches avec subtilité, les unes après les autres.
Le troisième titre, « Making a snow angel », nous plonge dans une sorte de coma, entre un beat à la cymbale furtif et la constance élégante des nappes électroniques. La musique nous capte puis nous rejette égarés. Par moment des vocaux murmurent à nos oreilles. « Ganky », quatrième des 10 morceaux de l'album, nous aide à poursuivre notre errance. C'est toujours très bien ficelé. Une belle musique électronique d'ambiance, douce dans son étreinte.
Les sons se font légèrement plus durs et anguleux sur « Stained century » et le décor prend de la profondeur à en devenir quasi cosmique. Sur « Cordate », des airs nous rappellent à un fameux duo Versaillais. Tout en légèreté et en ampleur. Une très noble percu rythme le surprenant titre « Holobenthic Grex Venalium », entrecoupée d'un bref zapping sur des ondes radio.
Christ distille sur l'ensemble de son album des ambiances stratosphériques et déroutantes, le tout avec une grande précision. Un disque de plus à scotcher évidemment. Et à apprécier également.

Pas de prouesses avec Blue shift emissions, ni de titre phare à faire tourner inlassablement mais l'assurance d'un transport suave et calfeutré dans une harmonieuse musique électro très ambient. Forcément je succombe à la tentation.

fab.

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Adam Kesher - Modern times EP (2006)

Pur produit de la scène underground bordelaise, retenez bien ce nom car Adam Kesher a de grandes chances de devenir le groupe français phare des années à venir, en tous cas si la mouvance fluo rock venait à perdurer et à devenir un genre à part entière. Si le groupe n’aime pas qu’on les compare aux Klaxons, c’est pourtant la première impression qui s’en dégage à l’écoute d’un titre tel que "Where is my place ? " véritable tube en puissance avec pour seul objectif d’entrechoquer vos genoux entre eux sur le flow d’un set aussi concis que fulgurant. C’est vrai qu’après mûre réflexion, les influences revendiquées finissent par montrer leur nez, Joy Division, Gang of four, Pulp et Daft punk évidemment.

Adam Kesher pour faire les présentation c’est Gaétan et Julien, deux potes passionnés de musique qui convoquent chacun leurs grands frères pour former leur sextet en 2002. En 2006, ils signent chez Disque primeur ce maxi Modern Times et sont invités à jouer sur des festivals bien souvent électroniques. Car si leur son est profondément rock, voir garage, il ne cache pas non plus son influence club qui fait que Modern times passe aussi bien en salle qu’en disco club.

Avec des membres frôlant la trentaine, Adam Kesher ne souhaite pas non plus être assimilé à un rock qu’ils qualifient de post Kinks, Velvet et Libertines préparant son bac à l’heure où j’écris ces lignes. Pas de boutonneux donc, juste des guitares eighties très agitées emmenées par une voix très Hives à la limite du Robert Smith. Plus efficace que des mots, je vous laisse écouter cette extraordinaire fureur déjantée de 6 titres qui pourrait très bien voler la vedette aux groupes anglo-saxons dans les mois à venir.
En Bref: 6 titres électro rock complètement déchaînés déboulent dans votre salon et vous font définitivement oublier la bonne vieille variété française. Le flambeau est passé. L'album est attendu.




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