Nicolas Maslowski : Le label s’est monté fin 2001, et le premier disque est sorti en mars 2002. C’était l’album de Winston McAnuff « Diary of the silent years ». Nous avons monté le label à deux – Romain et moi – suite à l’impossibilité de trouver un label assez couillu pour sortir cet album de Winston. Les maisons de disques nous disaient « il n’est pas connu », « il est trop vieux », etc…donc nous l’avons sorti nous-mêmes. C’est comme cela que tout à commencé. Donc le premier objectif était de sortir « Diary of the silent years ». Dès lors, nous avons réfléchi à la suite.
Quel est le principe directeur du label ? A quels impératifs vous tenez-vous ?
Le principe était donc de sortir des albums rares de roots, si possible inédits, mais en tout cas des trucs killers qu’on kiffait dans ma collection d’albums vinyles. De la grosse musique. Les premiers impératifs sur Makasound étaient donc de sortir de la bonne musique roots jamaïcaines, antérieures à 1984 (l’ère digitale). Je crois qu’on s’y est bien tenus sur l’ensemble de la collection Makasound qui compte aujourd’hui près de 20 références, le dernier en date étant The Slickers « Break Through ». Puis par la suite nous avons lancé d’autres labels, ou plutôt des collections comme Inna de Yard, Black Eye, ou encore Makafresh. Les différentes collections sont clairement individualisées sur http://www.makasound.com/. Tout ces noms embrouillent un peu les gens.
La série "Inna da yard" est l'un de vos projets que j'apprécie le plus, comment êtes-vous rentrés en contact avec Earl "Chinna" Smith pour enregistrer dans son yard ?
L’idée de la collection Inna de Yard m’est venue à Paris, en réfléchissant à comment produire des albums à coût réduits. La production d’album coûte cher, et nous n’avions pas les moyens de louer des studios,et tout ce que cela inclus comme dépenses. Comme nous voulions aussi produire des albums acoustiques, l’un dans l’autre Inna de Yard correspondait bien. Au départ, l’idée était d’aller de yard en yard, chez chaque chanteur qui aurait adhéré au projet. Puis j’ai exposé le projet à Winston pour voir ce qu’il en pensait. C’est lui qui m’a aiguillé vers Chinna, me disant que l’idéal serait de le faire chez lui puisqu’il a un home studio très basique mais qui suffirait. Quelques mois après nous étions en Jamaïque pour enregistrer quelques overdubs pour l’album de Winston avec Camille Bazbaz, « A Drop ». Chinna était au studio Harry J pour poser des guitares. Je lui ai exposé l’idée en 5 minutes et il a été directement emballé. Nous avons commencé la semaine suivante avec lui et avec Kiddus I. Puis Linval Thompson , Cedric Myton des Congos (avant qu’ils ne se réunifient), Ras Michael Jnr, The Viceroys, et Junior Murvin (http://www.innadeyard.com/ ). Nous avons en boite un Mighty Diamonds , un Prince Alla et encore plus de surprises.
Comment contactez-vous les autres légendes jamaïcaines que vous faites enregistrer ?
Depuis cinq années que nous nous rendons en Jamaïque plus sieurs fois par an, nous avons tissé une toile de contacts, notamment grace à Winston mcAnuff, mais aussi par nous-mêmes. Nous commençons à être connus sur place et il y a même des artistes qui nous sollicitent pour différents projets des quatre labels. Mais nous allons à notre rythme, et en fonction de nos envies.
Travaillez-vous entre la France et la Jamaïque ? Comment cela se passe ?
Nous sommes basés en France, à Paris, mais nous allons de une à trois fois par an en Jamaïque, principalement à Kingston. Il est possible qu’un de ces jours nous ayons un bureau là-bas, mais ça n’est pas encore fait.
Ce choix était un parti prix de la collection Inna de Yard, retrouvez les chansons telles qu’elles ont été crées : le plus souvent avec une guitare et une voix. C’est en effet un choix délibéré. Nous voulions enregistrer des albums acoustiques, des disques apaisants comme celui de Kiddus I.
Pourquoi le choix aussi d'un reggae plutôt roots ?
Tout simplement parce que c’est celui que nous aimons le plus. Nous ne sommes pas du tout fermés aux musiques nouvelles, d’où qu’elles soient, mais le reggae roots nous touche particulièrement. J’adore Sizzla ou Group Home. On écoute plein d’autres musiques mais celle-ci est si particulière, unique et très sincère.
Quelle est la démarche pour rééditer un classique du reggae (je pense notamment à Alton Ellis) ? Surtout lorsqu'on est un label indépendant comme le votre ?
La démarche est assez simple : contacter l’artiste et/ ou le producteur du disque, puis se mettre d’accord avec lui. Par exemple pour Alton Ellis on est passé directement par lui après avoir été recommandé par Leroy Brown. Et quand j’ai contacté Leroy Brown (dont Willi Willaims m’avait donné le contact suite à notre déception de ne pouvoir sortir le Messenger Man puisque le deal était bouclé avec Blood & Fire), il s’est d’abord renseigné sur nous avant d’accepter d’avancer sur quoi que se soit. On a gagné une belle confiance de la part des ces artistes. Mais chaque projet est différent, comme chaque personne.
Que penses-tu du marché de la musique reggae ? En forme ou végétatif ?
Je pense que le marché du reggae est stable, en France du moins, mais qu’il reste faible par rapport au potentiel de cette musique. Il l’est depuis le début, depuis 1977 ou 78 où Marley a explosé, depuis que Gainsbourg à sorti ces deux albums reggae et que Bernard Lavilliers y a touché aussi. Mais je pense en même temps qu’il est dans une forme végétative, parce que trop mis à l’écart par rapport à son envergure. Bob Marley est le plus gros back catalogue d’Universal ! Et puis après tout dépend ce qu’on appelle reggae, ou ce qu’on met dans cette catégorie. Bob Marley est toujours le baobab qui cache la foret. Amener Winston la où il est aujourd’hui a été un vrai combat, et qui est loin d’être fini. Mais globalement le reggae souffre d’une mauvaise image, d’une image totalement fausse que les médias généralistes entretiennent : spliff, cocotier et nonchalance, ou homo phobie par exemple. On le présente toujours de manière idiote, comme une musique simple, peu créative et qui ne s’écoute que l’été, ou on le pointe du doigt pour dire : Attention, c’est dangereux, ils sont homophobes, ou ils sont racistes, ou encore ils fument de l’herbe, etc…je pense que c’est son coté radical, unitaire et sans concession qui fait peur, mais c’est dur à dire. Parfois quand je lis certains trucs (je pense notamment à l’article de V Mortaigne paru dans le monde il y a quelques mois) ou que j’entend des discours sur le reggae, j’ai envie de m’arracher les cheveux. A la télévision par exemple, en France, un rasta ne peut être que comique ; je pense la à une récente pub Fiat qui faisait référence à Rasta Rocket, ou à la rediffusion de la prestation de Nuls à l’occasion de la présence de Burning Spear sur un plateau de Canal +. Il a du être atterré. Même les quelques fois où Winston est allé sur des plateaux, j’ai entendu des phrases qui dépassent l’entendement. Déjà aucun d’entre eux n’est capable de prononcer son nom correctement, et je pense que c’est inadmissible de la part de journalistes. Mais aujourd’hui on tolère tout. D’ailleurs, il n’y a presque plus de journaliste dignes de cet appellation.
En même temps, tout le marché baisse aujourd’hui. Même pour nous sur notre petite niche. C’est pour cela que nous cherchons d’autres moyens de diffusions, comme par exemple la vente en ligne sur notre ite http://www.makasound.com/. Ca n’est ouvert que depuis quelques mois, en réaction…pour ne pas arrêter.
Peux-tu me citer L'ALBUM reggae MYTHIQUE pour toi ?
AAHHHH. C’est dur, un seul ? C’est pas possible. Il y a plusieurs Dennis Brown, probablement un Johnny Osbourne, L’album de Knowledge produit par Tapper Zukie, le « Messenger Man » de Willi Williams, « Forward on to Zion » de Abyssinians. Il y a plein de gros albums fondamentaux comme « War inna Babylon » de Max Romeo ou « Hail H.I.M » de Spear et puis il y a aussi plein de perles rares, comme par exemple le Mighty Three’s…
Propos recueillis par fabien.
2 Comments:
Yeah Men,
vraiment sympathique comme garçon, de très bonnes idées pour une maison de prod cool, bien ouéj Fab'
La MArt.
Tout est dit dans cet article. Un beau et triste résumé de la situation du reggae roots. Pour ma part je continue d'y croire en 2020 par le biais de la photo de concert.
Mtp-sportographie
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