I don't mind the Buzzcocks fait référence au célèbre Never mind the bollocks des Sex Pistols. C'est peu dire que le groupe se considère comme post-punk.
Moins connus que ces aînés "comètes du punk", The Buzzcocks font en effet figure de référence du punk moderne, dans lequel on retrouve des tonalités quasi pop, en tout cas rock.
La composition de cet album tardif est très inégale et ressemble à s'y méprendre à une mauvaise reprise d'un album de The Clash. Les intros sont souvent acerbes et s'apparentent aux ouvertures de ces homologues "stars". Les voix, infantiles, plaintives sont souvent trop mesurées, trop calculées. C'est comme si on effaçait la revendication, qu'on gommait les ratures de l'encre Punk. C'est parfois énervant, parfois magnifique. La basse est savamment dosée, la batterie éclate, rapide et maîtresse.
Deux titres sortent du lot: "You say you don't love me", une reprise à la sauce buzzcocks d'un thème et d'une mélodie des Beatles et "I believe" qui, dîtes moi si je me trompe, est une pure merveille Kinksienne, aux sonorités enjouées et optimistes.
Très instrumental, "Late for the Train" tourmente les esprits en leur proposant un univers hypnotique rassurant et libérateur. On l'écoutera en boucle, le volume au maximum, sous café, pour en apprécier la puissance.
Les autres morceaux s'écoutent sans subjuguer. Un album inégal, donc, presque trop calme. Un album que je n'aurais pas eu le courage de nommer en référence à l'album phare des Sex Pistols.
700 pages sur les Sex Pistols... à première vue on se dit que l'indigestion nous guette. Loin s'en faut. England's dreaming, bible sur les apôtres londoniens du punk, verse dans la radiographie intime et de qualité d'une révolution musicale (sociale). Finement documenté et habilement rédigé par un pur journaliste punk, le dénommé Jon Savage, l'ouvrage décortique le phénomène des Pistols. De leurs premiers squats adolescents à leur reformation en 1996 et à la sortie en 2000 du documentaire The filth and the fury. En passant bien évidemment par « l'incident Grundy » et le début de la lapidation publique du mouvement punk. Ces crasseux qui déclenchèrent la fureur d'une Angleterre conservatrice, torturée par le racisme.
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Jon Savage nous plonge littéralement dans les artères et les boyaux des quatres Pistols. Les fameux Johnny Rotten, Sid Vicious, Glen Matlock... L'on peut y sentir l'odeur de la manigance de leur manager-gourou situationniste Malcom McLaren. La fabrication d'un véritable concept de pop music visionnaire. Les rouages grinçants de son industrie. Et puis bien sûr la perte de contrôle, l'aiguille de trop et la réaction violente de rejet. Atmosphère gerbe sur le bitume garantie. On y croise la trajectoire de leurs géniaux voisins de The Clash mais aussi des destins plus obscurs... The Buzzcocks, The Heartbreakers ou encore The Damned... tous acteurs majeurs du punk britannique. Les visages américains des New York Dolls ou des Ramones se profilent et inspirent.
_ Que dire de plus... si ce n'est que cet England's dreaming livre une autopsie profonde du cadavre toujours chaud du mouvement punk. L'occasion d'exhumer tant de cris oubliés. La crasse et la fureur. Evidemment.
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SAVAGE Jon, England's dreaming, Paris, Allia, 2002, 690 pages.
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En bref : Somme punk intime et richement documentée, une référence
Vidéo : Le 1er décembre 1976 les Sex Pistols sont invités par la BBC à la célèbre émission de Bill Grundy « Today Programme » pour remplacer au pied levé Queen. Aussi bourrés que le présentateur, sur le plateau les Pistols en viennent rapidant aux insultes. L'émission s'achève rapidement. Le lendemain la presse se déchaîne totalement. The Daily Mirror sort son fameux titre « The Filth and the Fury ». Bill Grundy est renvoyé dans la semaine de la BBC et des manifestations sont organisées devant le siège du label du groupe, EMI. La maison de disques ne tarde pas à dénoncer le contrat la liant aux quatre hérétiques. Les Sex Pistols se font passer à tabac à plusieurs reprises et les punks suivent. Vous avez dit Angleterre réactionnaire ?
On tient du lourd. Rares, mythiques, insaisissables sont des adjectifs qui s'appliquent à Stars Like Fleas, le groupe nouillorquais fondé en 1999 par la rencontre de Shannon Fields et Montgommery Knott. 9 membres pour celui ci, et des add on triées sur le volet indépendant. Grizzly Bear, TV on radio, Fierry Furnace, Mercury Rev. Du lourd je vous dis. Surtout quand c'est mixé par Nicolas Vernhes (Fisherspooner, Animal Collective, Cat Power) et mastérisé par Monsieur Valgeir Sigurdsson alias Sigur Ros. Mais parlons du disque un peu : musique improvisée, soulevées bruitistes, free jazz ou ultra pop, ces gars là sont les garants d'une musique remplie de singularités et d'esprit de liberté. Rideau.
Bon ok, la première impression peut être déconcertante (Kama's Hoax et son jazz à peine audible), peut-être même la deuxième. Mais après, on apprivoise ces nappes synthétiques de psyché pop, faites de harpes, de violons, de cloches, de saxo et d'ordis, entre autres. D'une quantité d'orchestrations différentes, Stars like Fleas expérimente, déroute, et se perd volontairement dans un imaginaire musical étourdissant. L'un des seuls groupes à savoir aussi utiliser le silence, le vrai, celui entre les notes, qui s'impose logiquement. D'un autre côté, Berbers in tennis shoes (sic) est le parfait hymne pop à la Shins, joyeux et aérien. Tout y est fluide, jusque dans les variations électro classiques de fin de titre. Shee for the woods, intro piano, violon (enfin je crois), roulement de tambour, voix, cymbales, le temps semble figé. Le 4-4-2 classique des ballades belles à mourir, passez la deuxième minute et tremblez sous le coup d'un always retentissant scandé interminablement par au moins cinquante hommes.
Après un premier LP à l'accueil critique dithyrambique mais peu diffusé, Stars like Fleas, distribué par l'excellent label bordelais Talitres, participe à sa manière à une musique éthérée pleine de magie, qui compte un bon paquet de perles mélodiques. Espérons leur de pénétrer d'autres foyers, d'autres chaînes hi-fi, d'autres oreilles, d'autres coeurs, d'autres rêves. Merci les gars.
En bref: D'un instrumental farfelu, 2 brooklynois instaurent par touches une rencontre imaginaire entre Brian Wilson et Robert Wyatt, à ne surtout pas manquer cette année.
Avec son snobisme, ses codes, sa complexité, le jazz peut faire peur. Comment l’approcher ? Par quel artiste, par quel disque commencer pour appréhender le patrimoine pharaonique de cette musique qui aura bientôt un siècle ? Evidemment, il y a le Kind of blue de Miles Davis, le jazz vocal à la Billie Holiday, les blues de Louis Armstrong et mille autres voies... Pour ma part, j’ai tendance à croire que le hard-bop funky et latin de Song for my father constitue l’entrée en matière parfaite.
Découvert par Stan Getz, Horace Silver travaille dès ses premières années d’activité avec Miles, ColemanHawkins, Lester Young et Milt Jackson. Du sérieux, donc. En 1953, il fonde les Jazz Messengers avec Art Blakey, le batteur absolu. Durant cette période décisive, il façonne son style et incorpore au jazz le gospel et le RnB pour créer le hard-bop. Peu à peu, des éléments funky se greffent à ce patchwork d’influences déjà bariolé, et le hard-bop se mue en soul jazz. Song for my father, avec le Sidewinder (1963) du trompettiste Lee Morgan, est le manifeste de cette nouvelle ère placée sous l’égide du groove. Un disque facile d’accès, dansant et ouvertement hédoniste. Sur Blue Note, bien entendu.
Les breaks de batterie sont charnus, rebondissants. Le piano, percussif et virevoltant. Les cuivres papillonent sur des mélodies-friandises. A lui seul, le morceau éponyme suffit à tomber en pâmoison : sur un thème catchy à mort, Joe Henderson glisse l’un des plus beaux solos de saxophone jamais enregistré. Indescriptible. Sur le délicat "Calcutta Cutie", c’est Silver qui échappe à toute tentative d’analyse avec un solo bégayant et monkien percé d’éclaircies bluesy. L’ensemble est d’une rare cohérence, bien qu’issu de deux sessions différentes. Difficile de distinguer les deux quintets mis à contribution, chacun s’épanchant dans une même joie solaire dont la sincérité ne peut être mise en doute. La coloration latine de la majorité des titres sonne comme une exploration de ses racines par le pianiste puisque son père, John Tavares Silver, qui fume le cigare sur la pochette de l’album, était musicien au Cap Vert. L’année suivante, le fiston poursuivra cette quête des origines et sortira un Cape Verdean Blues (1965) au nom explicite. Une nouvelle bombe. Mais ça, c’est une autre histoire...
En bref : groove latin rayonnant pour cette pierre angulaire du jazz funky.
Parmi les innombrables reprises du morceau-phare d’Horace Silver (Leon Thomas, Steely Dan, Dee Dee Bridgewater...), je vous ai choisi celle du génial producteur hip-hop Madlib, à écouter après l'original.
Choix à chifumi pour décider du film de ce soir, entre A la croisée des mondes, film fantastique enfantin ou I'm not there, antibiopic parfaite autour d’une icône insaisissable de notre fin de siècle. Le choix est en ma faveur. Yes! Pour ceux qui sont passés à travers, je vous fais le pitch: Alors c'est un gars, Bob Dylan, dont le nom n'est jamais mentionné, à différentes époques de sa vie, interprété par 6 acteurs différents dont Kate Blanchett en noir et blanc (sublime) ou encore Richard Gere en Billy The Kid (en rapport avec le film dont Dylan fut l'acteur) mais aussi un enfant noir, l’excellent Christian Bale et j'en passe.
Le résultat ? Un kaléidoscope visuel et sonore à travers les âges d'une Amérique pendue aux lèvres d'un homme multiple. Tour à tour poète, prophète, hors la loi, imposteur, comédien ou martyr de l'électrification du folk. Aucun des deux No direction home ou Don't look back n'avait traité avec tant d'objectivité et d’effets poupées gigogne un biopic, un individu même. C'est presque de la psychanalyse, c'est magnifique visuellement, ça ressemble parfois aux plans d’Anton Corbijn sur Control, c'est un puzzle poétique auquel on accède plus facilement, c'est vrai, en étant un minimum au courant du monsieur. Sans ça l'on passerait à côté de milliers de références, aux pochettes, aux titres, aux femmes, aux répliques cinglantes devant les journalistes.
Et puis bon, forcément on tient une BO en béton armé, constituée essentiellement de covers ultra select, interprétées par un casting VIP du folk moderne: Kim Gordon de Sonic Youth, Yo la tengo, Sufjan Stevens, Anthony (d'and the johnsons), Jack Johnson (!), Calexico et ce groupe formé pour l'occasion, Million dollar baskers avec aussi Tomy Garnier le bassiste de Bob Dylan, Smokey Hormel (guitariste de Beck, Tom Waits...) ou encore Nels Clive (bassiste de Wilco). Pas mal quand même, même si tous les morceaux ne sont pas dans le film.
Au final et en d'autres termes, je peux vous dire que ce film est un vrai puzzle implosé avec des plans millefeuilles et une mosaïque de sons americana clairs comme la roche, formant une collection de chansons évidentes de simplicité, pour tout le monde. Enfin, in extremis, Dylan le vrai cette fois, interprète en ultra gros plan sur l'harmonica, Like a rolling stone. Générique final. On a presque essayé pendant 2h15 d'être Dylan, et au fond, on est tous un peu Dylan.
En bref: Un docu-film fleuve aux multiples approches sur un mythe intemporel de la musique. Indispensable pour tout être ayant un coeur et des oreilles.
Etienne Jaumet s’offre une récréation en maxi sur Versatile avant que ne déboule, en février, l’album tant attendu de Zombie-Zombie, duo disco-krautrock qu’il forme avec Neman du groupe Herman Düne. Morceau-fleuve lysergique, Repeat again after me est la bande-son idéale d’un film imaginaire de John Carpenter. Avec, en prime un remix concocté par Âme.
Ereintant ses synthés vintage sur plus de 13 minutes, le titre raconte la sortie dans l’espace d’un saxophone exubérant sur fond de Roland 808. On songe au Man with a red face de Laurent Garnier, avant de se raviser. Alors que le morceau du patron de FCom s’achevait sur une explosion libératrice, celui de Jaumet entretient la frustration en ne se livrant jamais complètement. Comme un gamin oublié dans un placard lors d’une partie de cache-cache, on attend avec angoisse une éclosion rythmique qui ne viendra jamais. Le remix des allemands d’Âme, en face B, augmente l’amplitude des oscillations, accentue la reverb et l’effet “montagnes russes” des synthés. Très respectueux de l’original, il martèle plus sèchement le crâne, voilà tout.
En bref : l’odyssée angoissante d’un saxophone free traqué par de vicieux zombies analogiques.
Voilà un de ces albums qu’on a peur de souiller de son verbe impur tant on les respecte. Un joyau folk où le fertile Papa M et son pote Will Oldham prennent le temps de regarder pousser le blé, entre une escalade acoustique et une virée sous le soleil harassant du Kentucky. Tout bonnement indispensable.
Accédant à la reconnaissance avec Slint, groupe noisy monté notamment avec Billy Corgan (qu’il retrouvera fin 2001 au sein de Zwan), David Pajo devient le guitariste de Tortoise et multiplie les collaborations avec les Palace Brothers, Stereolab et nombre de projets sous étiquette Drag City. En solo, Il commet une bonne poignée de forfaits sous les pseudonymes M, Aerial M et Papa M, ou sous son propre nom. Un joli CV pour un musicien versatile dont Whatever, mortal reste la réussite la plus marquante.
Sur sa pochette, David Pajo est adossé à un mur baigné de soleil, posé sur une chaise, accompagné de son seul chien. On imagine que la scène se passe devant sa maison de Louisville (Kentucky), cité où il apprit les bases du blues et du folk avant de se consacrer au hardcore, puis au post-rock, vers le milieu des années 1980. Et c’est d’ailleurs à Louisville que ce disque a été enregistré, comme à la maison ou presque. “Produit par personne en particulier”, stipule le livret... et ça s’entend ! Les cordes grincent comme les portes d’une abbaye. Quelques respirations se font entendre, et Pajo se poile même en regardant les Simpsons sur le bien-nommé Krusty, cavalcade d’arpèges d’un lyrisme forcené.
La décontraction n’empêche pas une certaine solennité et même un sens du tragique relativement poussé, qui imprègnent les ballades désespérées que sont Glad you’re here with me ou The lass of roach royal. Glauquissime, dans un mood très Nick Cave, Sabotage fait cohabiter un piano aux accords mineurs et des chuchotements malsains avant qu’un sitar, puis des tablas ne viennent hindouiser la sauce et perpétuer la note psychédélique de Tamu. Le papa s’amuse à utiliser l’écho des cordes graves de sa guitare pour rendre le son d’un harmonium. Homme à tout faire, il passe avec aisance du banjo au mélodica, des claviers à l’harmonica et aux percus. Des superpositions sonores touffues qui ne parviennent cependant pas à surpasser les chansons les plus simples et dylaniennes du disque, Over Jordan, Roses in the snow ou Northwest passage, diamants bruts pétris d’amour dont je ne peux me lasser.
S’il fallait absolument trouver un point faible à ce chef-d’oeuvre, je dirais que la pose christique qu’adopte par moments David Pajo, sur le single Beloved Woman par exemple, peut évoquer ce versant de l’Amérique qu’on préférerait oublier, celui des escrocs télévangélistes aux sourires carnassiers. Ceci étant dit, si vous ne connaissez pas ce disque, achetez-le les yeux fermés. Vous aurez le droit de me rosser si vous n’y trouvez pas votre compte.
En bref : Un album somptueux qui se taille une place de choix au panthéon folk des années 2000.
Il y a quelques mois nous avions déjà évoqué Calvin Harris à l'occasion de la sortie de son frénétique maxi « Acceptable in the 80's ». Aussi, je ne vous referai pas l'histoire de ce jeune narcisse écossais de 23 ans, bidouilleur d'ordinateurs préhistoriques et nouveau génie de l'électro-disco. Mais depuis la dernière galette du gamin, de l'eau est passée sous les ponts et le phénomène Calvin Harris semble s'être mis en branle. En témoignent les nombreux articles et autres dossiers publiés sur le bonhomme et plus globalement sur le revival disco. Libération lui consacrant un papier intitulé « Calvin Harris, la révélation », quelques jours après sa prestation au festival Rock en Seine en août dernier.
Affublé d'héritages plus ou moins légitimes voire parfois totalement déplacés, de Daniele Baldelli à LCD Soudsystem, Harris a sorti au début de l'été son premier album, en forme de manifeste : I created disco. Le disque débarquera en février prochain en France. Petit avant-goût.
Soubresauts électroniques et basse disco-funk entraînante, à l'écoute du premier titre de l'album pas de dépaysement, l'on retrouve avec plaisir les bases jetées avec « Acceptable in the 80's ». Une voix aïgue entonne le refrain de « Merrymaking at my place » et le morceau sonne comme une aimable invitation à pénétrer le scintillant monde de Calvin. Diffficile de se contenir, le corps s'émancipe et se met machinalement à onduler. Une vibe éminemment positive et acidulée, voilà déjà une très bonne raison de s'acoquiner avec le jeune Scottish. « Colours » enfonce le clou avec une ligne de basse merveilleusement saturée et l'utilisation impeccable d'un synthé lancinant aux accents disco. Et toujours une voix pour balancer quelques lyrics simplistes mais loin d'être dérangeants. « Now I don't care what you're dressed like or what you wear... but please make sure baby you've got some colors in there »... Dans son ensemble, le disque est relativement homogène, Calvin Harris déchaînant ses grosses basses saturées, ses voix répétitives et ses arrangements électroniques disco avec rigueur et précision. Les sommets sont atteints avec l'excellentissime « Neon rocks », ambiancé façon jeu vidéo, ou encore avec la surprenante balade électro aux intonations de crooner new wave « Electro man ». Sans oublier bien évidemment la présence du toujours très appréciable « Acceptable in the 80's ». Pour résumer, beaucoup de titres très jouissifs sur ce disque et peu de ratés. Alors pas d'hésitation à avoir... Chaussez vos pompes vernies, enfilez vos plus belles goggles et faites chauffer la piste de dance.
En bref : Bombe électro-disco extatique... disco is not dead.
Les bonnes surprises folk se succèdent chez l'Oncle Sam. Coincée entre Joanna Newsom et Devendra Banhart, la jeune Alela Diane, 23 ans, débarque avec génie et hauteur pour un premier album de qualité intitulé The pirate's gospel. Une étoile de plus dans la riche contellation folk américaine.
Le folk, quand on l'écoute on sait ce que c'est... quand on veut le définir, c'est un peu plus délicat. On pourrait dire que le genre a pris son essor dans l'entre-deux-guerres aux Etats-Unis, enfanté conjointement par le blues et la musique country. Une guitare sèche, une succession d'arpèges et des textes poétiques (voire engagés) portés par une voix au premier plan. Tel pourrait être le portrait-robot de cette musique, aujourd'hui largement déclinée et adaptée par ceux que l'on nomme les « folk freaks », nouveaux folkeux descendants de hippies.
Et bien Alela Diane joue du folk, c'est indéniable. Pour autant, pas n'importe lequel. Ses mélodies, parfois psalmodiées, parfois sifflotées, peuvent apparaître austères mais le chant de la Californienne est d'une rare intensité. La jeune femme a 23 ans mais chante comme la doyenne des Américaines, d'une noblesse digne d'une Karen Dalton. Sa voix est aiguisée, vibrante et mélancolique. Et ses compositions sonnent comme des vestiges d'un temps révolu, vierges et pures, parfois presque autarciques. Dans le titre de ce premier album, enregistré à domicile avec papa, il y a gospel... Et justement Alela Diane tente d'établir une véritable connexion spirituelle avec son auditeur, continuellement et avec force. The pirate's gospel c'est une musique guérisseuse, celle d'une jeune femme perdue qui panse ses blessures intérieures. Tranche de vie et questionnement d'une américaine égarée, alors en trip en Europe.
Originellement enregistré en 2005, l'album a d'abord circulé chez les amis et connaissances de la famille Diane avant d'être distribué deux ans plus tard par le label 679 Recordings puis en France par le truchement de Fargo (maison d'Emily Loizeau, Andrew Bird ou encore Neal Casal). Je vous invite vivement à découvrir les délicates mélopées d'Alela Diane. Pour débuter, tendez l'oreillle vers « Pirate's gospel », « The rifle » ou « Something's gone awry », trois perles. C'est délicieux et épidermique.
En bref : Folk classieux et vibrant d'un autre temps
La Berlinoise Styrax Records et sa maison-soeur Styrax Leaves n’ont pas l’habitude de se disperser. Depuis 2003, elles se concentrent sur ce que la techno a d’intemporel : l’hypnose, le beat, l’émotion. A base de dub sobre et cadencé et de deep-techno, elles essaiment les classiques dans la discrétion la plus totale. Des vinyles énigmatiques, au tirage limité, dont je guette désormais la sortie avec obstination.
Daté d’octobre, le troisième épisode de la série In loving memory est simplement parfait. Chaque beat, mat et neutre, dévoile un peu plus un paysage neigeux et ouaté, d’une élégance infinie. Chaudement emmitouflé à bord d’un traîneau, on glisse sur les pentes nues d’une électronica murmurée, franchissant des nappes de brouillard dub toujours plus épaisses. En dignes héritiers de Basic Channel et Chain Reaction, les jeunes artistes réunis ici privilégient l’épure, mais restent soulful, à l’image du Canadien Atheus et de son Deploy, track orageux nourri au clap. Autre point d’orgue : Alone in the crowd, une introspection de plus de 10 minutes dont le titre annonce la teneur. Un produit à forte accoutumance signé BVdub.
On retrouve le même BVdub, Brock Van Wey pour l’état-civil, pour un 12” en solo, dernière galette de chez Styrax. Même langueur, même profondeur, mais une humeur plus sombre sur deux morceaux littéralement habités par la grâce, deux hymnes au voyage immobile qu’on croirait sortis des mains d’or de Carl Craig. En face B, une ambient presque architecturale s’affuble de rythmiques brisées sur A quiet vengeance, épopée frissonnante au pays de nulle part. Garçon extrêmement prometteur, Bvdub s’est récemment lancé dans le projet Quietus Recordings. Ce label tout juste opérationnel est entièrement dédié au CD-R (?) et tire ses disques, avec artwork “personnalisé”, à 100 exemplaires seulement. Une démarche originale. Qui a dit “élitiste” ?
En bref : techno-dub distante et élégante à la Basic Channel. La relève est là !
Après avoir compilé et réédité leurs deux premiers albums, sous le titre On the Frontline, le label Makasound remet les Anglais de Black Roots à l'honneur. In session revisite les standards du groupe de Bristol en live, lors de deux sessions enregistrées en 1982 chez le fameux producteur de la BBC 1 John Peel (un des premiers dans son pays à passer du reggae et du punk sur les ondes radio). Originellement sorti en 1985, In session permet de renouer avec un des grands groupes (injustement oublié) du reggae brit.
Trajectoire classique, les huit membres de Black Roots, alors minots, débarquent en Angleterre au milieu des années 60, en provenance directe de Jamaïque. Destination les suburbs de Bristol et un pays qui s'enfonce peu à peu dans la crise économique. Chômage de masse, politique de rigueur, ségrégation spatiale, racisme. Les marges s'expriment à pleine voix et se construisent. Skinheads première génération, teddy boys puis punks. Parfois elles s'affrontent. Les musiques ska et reggae connaissent leurs heures de gloires, vous connaissez l'histoire. Les Black Roots se forment en 1979. Ils enregistrent leur premier disque en 1980 et très vite parcourent l'Angleterre. Plus de 1000 dates enchaînées entre 1980 et 1986, des collèges de province au Hammersmith Theater de Londres. Ils participent ensuite à leur première tournée mondiale avec UB40. Leur premier album, éponyme, est pressé en 1983. Pendant près d'une quizaine d'années les Black Roots s'enquillent les scènes sans négliger de revenir régulièrement en studio. Ils se séparent en 1993 et laissent derrière eux dix albums et huit maxis. Forces vives du reggae britannique des eighties, ils semblent aujourd'hui largement ignorés. A tort, amnésie industrielle.
L'entrée dans In session se fait dans une douceurextrême sur un rythme syncopé classique très ambiant et enveloppant. On marche sur du velours. Ligne de basse soyeuse, choeurs chaleureux, solos de guitares et de piano flegmatiques. La voix de Delroy Ogilvie, suave quoique haut placée, est à la fois pure et reconfortante. Pas de grande originalité dans les thèmes abordés par les Black Roots, plutôt les marronniers du reggae des 80's. Au fil du disque, se croiseront les titres « Tribal war », « Juvenile delinquent », « Africa » ou encore « Chanting for freedom ». Mais la musique de la troupe de Bristol a un tel pouvoir de captation. Dans son ensemble In session dégage une sorte de candeur salvatrice. Les voix de Delroy Ogilvie et Kondwani Ngozi nous hissent avec délicatesse dans leur noble impesanteur. Leurs chants fleurtent par moment avec la soul pour revenir ensuite dans une veine plus reggae roots, non sans nous rappeler furtivement à leurs voisins de Birmingham, Steel Pulse. Les titres, de structures indéfectiblement identiques, ménagent une large place méritée à des solos rondement menés. Certaines mélodies nous renvoient un instant aux sonorités des Gladiators. Plutôt flatteur. « Juvenile delinquent », « Tribal war », « Chanting for freedom » ou encore « Bristol rock »... difficile de dégager des titres de ce live d'une grande homogénéité, en dépit de son enregistrement en deux temps.
Juste un conseil pour finir... Vous n'avez rien de spécial à faire... enfoncez-vous dans votre canapé... tirez une grande bouffée... appuyez sur play et laissez vous guider... Black Roots saura vous faire apprécier le temps à sa juste valeur. Indispensable aux reggae freaks comme aux simples amateurs de roots mélodique. Les enregistrements In session sont complétés par les premiers maxis du groupe et quelques versions. En bref : Reggae roots mélodique made in Britain, réconfortant et aérien