27 février 2008

Vampire Weekend - Vampire weekend (2008)

Je ne sais quel étrange élixir avait été introduit dans mon café ce dimanche matin lorsque mes errances m'amenèrent à visionner le Concert à emporter de ces 4 jeunes New Yorkais. Après recherches, il semblerait que Vampire Weekend soit la dernière coqueluche à la mode de la grosse pomme. Limite hype donc. Une instrumentation typiquement pop, des rythmes rafraîchissants au possible mais surtout ce je ne sais quoi d'exotique. J'écoute de plus près, mais oui, ce sont bien des tam tam et des flûtes que j'entends là. Curieux, je fouille un peu le buzz ambiant et les écrits confirment mes impressions. Plus 20 ans après, 4 têtes blondes à peine sorties des bancs de la fac remettent au goût du jour le fabuleux disque de Paul Simon, Graceland. Explications:

Paru en 1986 dans un difficile contexte d'Apartheid, Graceland est alors le 9ème album solo de Paul Simon. Si si, vous connaissez, le pote de Art Garfunkel. Parce qu'il brisait à l'époque le boycott culturel de Soweto, Graceland (en référence à la demeure d'Elvis) connut une sortie plus que controversée qui ne l'empêcha pas d'être hissé dans le top 100 des meilleurs disques de l'histoire par de nombreux magazines spécialisés. Mais vous me direz, quel est le rapport avec nos vampires? Et bien Graceland, enregistré à moitié dans les townships de Johannesburg avec des artistes locaux fut l'un des premiers disques à véritablement lancer la world music moderne et à avoir un impact majeur et durable sur un bon paquet de productions à venir avec en tête de liste les Talking Heads.

C'est ce mélange des cultures que l'on retrouve dans la musique des new yorkais. L' Afrique y est plus que jamais mise à l'honneur au travers d'inspirations malgaches dixit Ezra Koenig (chanteur et guitariste), caribéennes et africaines (Orchestra Baobab). Pourtant les bases pop sont bel et bien présentes (ils ont fait la première partie des Shins), les harmonies sont séduisantes et les 35 minutes réparties sur les 10 titres passent en un éclair de simplicité et de bonne humeur. A l'image du premier jet des anglais de The Coral, Vampire Weekend est enthousiasmant d'exotisme et de fraîcheur. Pour ne citer qu'eux, Boston, Walcott, One ou Campus sont les morceaux qui représentent le mieux ce joyeux mélange. Et le très Specials A-punk d'enfoncer le clou. Moins instrumentaux que Yeasayer et moins démonstratif que Clap Your Hands, Vampire Weekend dépasse les clivages et fait se rencontrer les genres, le bayou style Randy Newman et le mbaqanga (rock des township). A surveiller de très près.

En bref : Sans superlatif, Vampire Weekend livre un premier disque pop équilibré dans un registre atypique.
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A lire aussi : Oh No Ono - Yes (2007)

Revivez ce fabuleux Concert à emporter avec une mention spéciale pour l'excellent batteur qui même privé de ses instruments trouve les moyens de soutenir le rythme:
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#80.1 - VAMPIRE WEEKEND - Mansard Roof
envoyé par lablogotheque
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Egalement le clip de A-Punk, tout aussi excellent:




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25 février 2008

The Mighty Diamonds - Inna de Yard (2008)

Le label français Makasound poursuit son travail de célébration des grands noms du reggae jamaïcains. Cette fois-ci, ce sont les Mighty Diamonds qui se retrouvent dans le jardin du maître Earl « Chinna » Smith pour une session acoustique estampillée « Inna de Yard ». Les Mighty Diamonds, derniers survivants de la grande époque des trios roots vocaux, ont fermement gardé le cap depuis leur formation il y a plus de 30 ans, en 1969. Ils délivrent un reggae suave et plein de sagesse, bien soutenus par la guitare d'Earl Smith et une belle panoplie de percutionnistes (Jah Youth et le berger Kiddus I notamment). Je n'y couperai pas : les diamants sont bel et bien éternels...


Lloyd « Judge » Ferguson, Fitzroy « Bunny » Simpson et Donald « Tabby » Shaw, les trois membres des Mighty Diamonds sont originaires de Kingston et ce n'est pas une surprise, du quartier de Trenchtown. Ils jouent au coin de leur rue puis décident un jour de « porter ça plus loin, vers un public », comme l'explique Bunny. Le groupe cartonne en 1975 avec un premier album, I need a roof, et enregistrent au mythique studio Channel One.

Les années dorées de la formation s'inscriront sous les auspices de cette grande maison du reggae, dirigée par les frères Hoo-Kim. Hormi un virage pop, impulsé par la direction artistique de Virgin, pour les albums Planet Earth et Ice on fire, le trio compose une musique roots de qualité, aux thèmes certes classiques mais à la délicieuse candeur.

Pour répondre à leurs deux productions pop-isantes (et soup-isante) chez Richard Branson, les Mighty Diamonds pondront une galette libératrice, Deeper roots, sous-titrée « Back to Channel one ». Jusqu'à aujourd'hui, ils ne cessent de sortir des albums, de niveaux assez variables, restant toujours fidèles à leur credo : racines africaines, textes engagés, et douces harmonies vocales.


Cette session « Inna de Yard » est une sélection des titres qui ont fait la réussite du groupe. S'il manque indubitablement le magnifique « Master plan » et le fameux «Pass the kutchie », on y retrouve les plus belles songs des Mighty Diamonds, dont « Poor Marcus », « I need a roof » et « Leaders of black country ». Le tout dans des versions acoustiques accordant une large, et délectable, place aux percussions. Ce qui n'était pas forcément le cas des autres enregistrements champêtres de Makasound. C'est chaud, réconfortant et eurythmique. Bref, un disque qui peut aisément se frayer une place dans vos discothèques. En douceur.


En bref : Un trio roots vocal de grand standing, dans une session acoustique soignée.





A lire aussi : Kiddus I - Inna de Yard et Black Roots - In Session

Quelques petits plaisirs vidéos :

"Pass the kutchie"



"I need a roof"



Une session d'enregistrement au studio Channel One


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22 février 2008

Hank Mobley - Workout (1961)

Le jazz est un sport de combat. Bien sûr, il ne met pas en scène l’affrontement de deux musiciens dans le cadre d’une compétition, où seul l’un des deux participants sortira vainqueur. Il ne s’agit, non plus, de terrasser l’adversaire à coup d’accords de piano pour l’un, ou par la bourrade d’un solo de saxo pour l’autre. Non. Simplement, en terme de « volume de son », comme il se fait pour la boxe en termes de poids, il est possible d’établir des divisions entre les différents musiciens. Hank Mobley est le champion poids moyen de saxophonistes ténor, comme Coltrane est de son côté, le champion chez les poids lourds. Sa réputation de « poids moyen » dans le milieu du jazz n’est en rien un défaut de qualité. Il définit sans ambages son « son », « not a big sound, not a small sound, just a round sound. ».

En 1951, il fréquente dès l’âge de 21 ans un des pionnier du bebop, le percussionniste Max Roach. Il participe, en 1954, aux Jazz Messenger, formation d'un certain Horace Silver. Au terme de cette expérience, Hank façonne le technique nécessaire qui lui permettra de trouver son véritable style musical. Il s’investit pleinement dans le hard-bop. Sa musique est bien évidemment mâtinée d’influences venant du rhythme and blues et du blues. Alors, sur Workout, on trouve l’immense guitarise Grant Green et l’implacable Philly Joe Jones aux percussions. Les deux autres musiciens, Wynton Kelly au piano et Paul Chambers à la basse, avaient déjà collaboré avec lui sur son précédent - et non moins intéressant - album Soul Station.

Workout n’est pas une simple promenade de santé. Il est le résultat d’un entraînement forcené de sportifs de haut niveau. On le sent, les cinq compères n’en sont pas à leur premier essai. D’emblée sur le morceau éponyme, les caisses de Philly imposent un rythme effréné qui ne faiblit jamais. La piste damée, il semble facile de réaliser le parcours. Le quintet fonctionne à merveille. La guitare de Green électrifie l’air et échauffe les esprits. Sur le désinvolte "Uh Huh", on expérimente le « round sound » ce son velouté de Mobley ; le thème est repris à merveille par chacun des musiciens. Ils dévoilent tour à tour l’étendue de leur brio. La communion des saints. La messe dite, les trois derniers morceaux sont des invitations à prolonger la fête : le mouvement se doit donc d’être suivi.

La même année, Hank enregistre Another Workout - publié en 1986 (?). On raconte qu’il encore meilleur que le Workout, mais c’est une autre histoire… Zut, on dirait qu’il y en a encore pas mal à raconter.

En Bref : Hard-bop coulant, décontracté et toujours animé, Workout est une pièce travaillée avec le plus grand soin.


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Buika - Mi niña lola (2006)

Il m'a fallu peu de temps pour lui succomber. En concert à la Maison de la radio le 17 janvier dernier, une demi-heure de répétition, un premier contact, et me voilà scotché à mon fauteuil, suspendu aux lèvres de ce petit bout de femme. La temps semble s'être arrêté autour de la demoiselle. Son corps vibre. Sa voix égratignée parle la douleur, l'écorchure, la vie. Le beauté aussi. Sur des airs flamenco, elle chante comme au bord d'un gouffre. C'est ma première fois, je crois assister à sa dernière. Quelques mots avec elle, et reste le souvenir d'un sourire irradiant. Buika ne s'oublie pas.

D'elle, je sais peu de choses, quelques éléments glânés par-ci par-là. Concha Buika est née en 1972 à Palma de Majorque dans les Baléares. Ses parents sont originaires de Guinée Equatoriale. Peu argentée, la famille vit dans les quartiers déshérités de l'île et c'est auprès de la communauté tsigane que la petite Concha se forme à la musique. Elle découvre les rythmes flamenco et traditionnels espagnols. Après avoir assisté à un concert de Pat Metheny, le virtuose guitariste jazz américain, la jeune femme est résolue à devenir chanteuse. Buika se produit alors avec des groupes locaux puis se fait même imitatrice de Tina Turner pour un casino de Las Vegas. Une année de Tina suffira. Elle revient à la compositon et s'installe en studio. Elle prend aussi le temps de poser sa voix sur quelques titres de deep house. Surprenant. En 2005, sort un premier album aux compositions mêlant jazz et flamenco, sobrement baptisé Buika. Dans la foulée la chanteuse se lance dans l'écriture de Mi niña lola. Le disque débarque en 2006 et le succès est au rendez-vous. Et moi de la découvrir un peu après coup, au hasard d'une de mes journées stagiaires.


Pour parler de Mi niña lola, soit dit en passant produit par Javier Limon, l'homme qui se cachait derrière le splendide Làgrimas negras de Bebo Valdés et Diego « El Cigala », que dire... cet album est tout simplement enchanteur. D'une beauté et d'une profondeur troublantes. Dès les premières intonations de voix de la diva flamenco, et les premières notes d'un piano aux accents mélancoliques, tout est presque dit. La première impression est la bonne. Chaque palabre de Buika émerge de ses profondeurs les plus intimes et l'écorche au passage, sans jamais la ménager. Pire, la chanteuse paraît s'abîmer au contact de sa musique. Piano, violoncelle et basse la soutiennent entre jazz et flamenco, avec grande classe. Mes tripes chavirent. La profondeur et la sensibilité de Làgrimas negras semblent ici convoquées.

Si je vous parle de « diva flamenco » loin de moi l'idée de réduire Buika à cette simple étiquette. Je ne suis pas si ingrat et cruel. De la viscérale « Mi niña lola » à la très soul « Love », en passant par les claquements africanisants de « A mi manera » et la très gitane « Triunfo », la chanteuse accomode avec justesse ses influences. Manouche, latin-jazz, soul, funk. Parcourant le tout de sa voix éraillée et éminemment émotive. Peut-être pas un disque révolutionnaire, mais un de ceux qui font un bien fou. Parce que plus humains que les autres.


En bref : Entre flamenco et jazz, le spleen intense d'une diva écorchée. Bouleversant.





Le site de Concha Buika.

Son myspace.



"Mi niña lola" :



free music

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21 février 2008

Dr Dre - 86 in the mix (1987)

Déniché sur le site d’un DJ new-yorkais, voici un objet extrêmement rare et excitant, puisqu’il s’agit d’une mixtape réalisée par André Young aka Dr Dre en 1987. Cette année-là, elle était vendue exclusivement sur le stand de Steve Yano, producteur à ses heures et marchand avisé du Roadium Swap Meet, un gros marché aux puces en plein air de Los Angeles. Sorti la même année que “Boyz in the hood”, 86 in the mix précède la fondation de Niggers With Attitude (N.W.A.) par Dre, Eazy E, Ice Cube et Yella. Et préfigure le son du gangsta rap bourgeonnant.

Cette sorte de mégamix au rythme effréné, saturé de cuts grossiers, fleure bon le rap old-school, bien sûr, mais aussi la funk et l’électro. Des techniques de mix originales permettent à l’artificier californien, malgré le matériel rudimentaire dont il dispose, de superposer trois ou quatre morceaux et de rajouter ses scratches. L’effet zapping, il est vrai, peut rendre l’écoute de cette mixtape un rien rébarbative. Elle restera donc réservée aux fétichistes, qui s’amuseront sans doute à en reconnaître les titres. Avec environ trois cents morceaux enchaînés en soixante minutes, le blind-test promet d’être salé, d’autant qu’aucune playlist n’est disponible - à ma connaissance. Entre autres joyeusetés, les nerds détecteront sûrement, en face A, "The show" de Slick Rick, "Time to get ill" des Beastie Boys, "Buffalo Girls" de Malcolm Mc Laren, "Genius of love" de Tom-Tom Club, et évidemment plusieurs titres du World Class Wreckin’ Cru, le premier groupe de Dre, au sein duquel il officiait aux platines depuis 1982.

La face B, particulièrement intéressante, commence dans une veine électro, au sens premier du terme, avec notamment des classiques d’Afrika Bambaataa et de ses sbires de la Zulu Nation. Signe d’allégeance s’il en est, la fin du mix prend des allures d’hommages à Roger Troutman (Zapp) et George Clinton (Funkadelic, Parliament, etc...). Ce quart d’heure de très bon aloi est inauguré par “More Bounce to the ounce”, de Zapp, monument funky que Dre utilisera, quinze ans plus tard, pour célébrer la mémoire du sieur Troutman (décédé en 1999) lors de son Up in smoke tour. Suivent les standards du P-funk que sont “Flashlight”, “One nation under a groove”, et “(Not just) Knee Deep” de Funkadelic, trois réservoirs à samples choyés par le docteur. Le tout se clôt, dans une ambiance festive et ensoleillée, sur un nouveau morceau de Zapp.

Mais au fait, que devient Dre ? La sortie de son troisième et supposé dernier album, Detox, était originellement prévue pour 2004, mais il avait alors décidé de se concentrer sur la production d’autres artistes (50 cent, Busta Rhymes, Eminem, The Game... pas forcément ce qu’il a fait de mieux). Annoncé ensuite pour 2006, on l’attend toujours. On le dit prêt à sortir au mois de juin prochain, mais allez savoir ! Vu le temps qui sépare habituellement ses albums, Dre pourrait bien repousser sa parution à, disons, 2010...

En bref : En 60 minutes, 300 classiques funk, électro et hip-hop se bousculent sur cette mixtape rare, concoctée par Dr Dre à une époque où nous faisions encore dans nos culottes.



Ô, joie du net, cette mixtape introuvable dans le commerce peut être rapidement téléchargée ici :
Face A
Face B

Petit bonus, le clip très daté de "Buffalo Girls", de Malcolm Mc Laren :



Pour le fun, la vidéo en forme de course-poursuite de "100 miles runnin’", de N.W.A. :


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Nada Surf - Lucky (2008)

Ce qui est à priori pratique avec Nada Surf, c'est que les présentations ne sont plus à faire. A peu près chaque personne sur la planète a été Popularisée en 96 et chaque adolescent ayant grandi dans les années 90 connaît la tranquille destinée du plus français des trios new-yorkais. Pourtant, 15 jours après sa sortie, aucune chronique sur la toile, pas même une veste. C'est vrai que 2 ans après le décevant The Weight is a gift, il y a de quoi se méfier. Pourtant, et afin de mettre toutes les chances de leur côté, les trois gars décident de confier la production à John Goodmanson (Blonde Redhead) et d'inviter quelques amis pour un goûter musical dominical. Ben Gibbard (Death Cab For Cutie) et Ed Harcourt sont entre autres de la partie. Il suffit d'enregistrer ça aux studios Robert Lang (Nirvana) et le tour est joué, Lucky est né.

Dès les premières notes, le son n'a pas vraiment changé, il est toujours optimiste, délicat, simple. 3 écoutes de See These Bones et on la connaît par coeur, immédiate, entre Calc et Girls in Hawaï. Arrive Whose authority, le premier morceau singueulisable au classique refrain en ohohoho. Personne ne marrie mieux mélancolie et énergie que ces trois là. Matthew Caws est un frère, quelqu'un dont on connaît la voix, douce et soyeuse, pleine d'entrain. On continue avec Here goes something, gentille ballade folk et Ice on the wing dont le final en trompette fait sacrément plaisir. Mais attention à ne pas oublier The Fox, morceau le plus intéressant du disque parce que torturé, presque sombre, davantage post rock que pop. La galette se termine sur une magnifique berceuse folk avec accord très nada surfeur.

Un retour en beauté? Oui et non. Parce qu'il faut bien l'avouer, une curieuse impression de déjà vu (en français dans le texte) plane sur les dernières productions du trio. Nada Surf m'a peu fait vibrer depuis The proximity effect en 1998. S'ils se contentent par moment de répéter un refrain, ils risquent le répétitif voire par moment le sado masochisme façon James Blunt, piano en tête de gondole. Un peu trop gentil, un peu trop calme. M'enfin, ne boudons pas notre plaisir de retrouver plus de 15 ans après l'un des tous meilleurs groupes de power pop alternative des années 90. Et puis ils le disent eux-mêmes, "Only make you happy"(I like what you say).

En bref : Nada Surf réussit aux trois quart son retour sur la scène rock pop sucrée. Davantage de prise de risque et moins de refrains auraient été bien vus. Sympathique quand même.

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20 février 2008

Dan Deacon - Spiderman of the rings (2007)

S'il est bien un disque 100 % allumé et illuminé en 2007 c'est sans aucun doute Spiderman of the rings. 8ème et pourtant premier album à être distribué en Europe, ce manifeste bariolé et fantasque de la bidouille électronique ne produit qu'un seul effet incontournable: euphoriser. Le grand fou Dan Deacon aurait donc tourné sur plus de 300 concerts en 2 ans et composé une bonne barquette de disques complètement foldingues, convoquant au venant samples de jeux vidéos Nes, extraits de dessins animés, voix de Teletubbies sous morphine ou encore instruments carrément inventés tels que le génial Buddy drum, issu de l'assemblage absurde et inventif d'une boite en conserve, une ampoule, des tubes, une caisse en bois, quelques boutons et hop, emballé c'est pesé, voilà comme on explose un dancefloor en soirée.

Diplômé en composition électro acoustique (!?!), Dan Deacon réussit le pari d'apparaître loufoque et vibrant à la fois. Armé de claviers cosmiques, de pédales d'effet et d'un vocoder, ce showman au look décalé scelle sur ce disque bordélique 9 morceaux et autant de coups d'éclats plein de candeur et de déconnade jouissive poussée jusqu'à la schizophrénie musicale. A écouter Wham city épopée disjonctée de 12 minutes on ne peut qu'être enjoué, emballé, réjoui. A regarder le clip de Crystal cat on comprend vraiment là où nous emmène le génie à lunettes, dans un torrent de psychédélisme electronica enivrant. Pink Batman et son duo clavecin guitare distordue, assembleur et ridicule. Sans compter les réminiscences d'un xylophone cannibale, d'un laptop déchaîné et de voix de Lemmings sous acide. Complètement autoproduit, ce doux foldingue est à classer désormais auprès d'Aphex Twin et des Midnight Juggernauts, très haut dans la démence musicale (le final de Jimmy Roche, magistral!).
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En bref : Dan Deacon vient de Baltimore et nous démontre en 9 titres étincelants que l'on peut être appliqué et désordonné, loufoque et génial. Qui n'a pas eu son hélium?

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Crystal Cat :


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Interview - Revolver

La première chose qui vous confond, lorsque vous découvrez Revolver sur scène, c’est le contraste entre l’extrême jeunesse du trio et la maturité de sa musique. Avec leurs visages poupins, Ambroise, Christophe et Jérémie, appliqués comme des écoliers, maîtrisent indéniablement leur sujet et livrent une pop acoustique et vocale singulière, imbrication inédite de mélodies liverpooliennes et de chansons de la Renaissance. De la “pop de chambre”, comme ils l’appellent.

Trois voix, deux guitares (Christophe et Ambroise) et un violoncelle (Jérémie) : le dénuement règne. Cordes et voix se superposent et chaque variation mélodique prend une ampleur presque mystique. Ambroise, qui tient le rôle de chanteur principal, entonne les couplets, tout en anglais, d'une voix limpide et assurée. Un harmonica dylanien s’invite sur quelques titres, comme sur “Get around town”, le mini-tube probable de Revolver. Lors d’un concert (organisé par l'association Nouveaux Cinémas) dans la salle bondée du Truskel, j’ai pu juger de l’enthousiasme que suscite le groupe, notamment auprès des demoiselles, étonnamment attentives. Depuis quelques mois, le buzz a tendance à s’amplifier et Revolver enchaîne les concerts dans différentes salles parisiennes (Flèche d’or, Maroquinerie, OPA...).

L’originalité et le potentiel du trio n’ont pas échappé à la maison de disques Delabel (division de la major EMI), qui s’est empressé de le signer, en septembre dernier. Les compères n’avaient alors que 19, 20 et 21 ans. Aujourd'hui, ils s'apprêtent à sortir un ep de 5 titres, qu'ils ont fini d'enregistrer au début du mois. Christophe revient pour nous sur la courte mais prometteuse histoire de Revolver.

La genèse

« J’ai rencontré Ambroise au lycée. On se connaît très bien, on jouait déjà ensemble à cette époque. Jérémie avait connu Ambroise très jeune : ils chantaient tous les deux dans les choeurs de la maîtrise Notre-Dame de Paris. Jérémie a persévéré dans la musique classique. En plus du chant lyrique et du violoncelle, il s’intéresse maintenant à la direction d’orchestre. Lui et Ambroise se sont retrouvés, presque par hasard, en 2006. Moi, j’étudiais le cinéma à la fac de Nanterre. On a commencé à jouer tous les trois et on a fondé Revolver. »

« Pop de chambre »

« Il y a eu une sorte d’échange musical très intéressant avec Jérémie. Il est devenu fan des Beatles, et moi de Schubert ! Et il nous a fait connaître des compositeurs de la Renaissance comme Clément Janequin (1485-1558) et Josquin des Prés (vers 1450 - 1521). Ces artistes faisaient des morceaux courts, très simples, avec entre trois et cinq voix : de vraies petites chansons pop. On a aussi découvert Henry Purcell (1659-1695), que nous considérons maintenant comme l’équivalent d’Eliott Smith en musique classique. Dans notre musique, le côté “Renaissance” vient surtout des polyphonies et du violoncelle. Pour le reste, le mode de composition, la structure des chansons, tout ça est très pop. »


La signature

« L'année dernière, au printemps, on a jeté un œil sur notre page Myspace, et on avait un message d’un type de Delabel qui nous disait que notre musique les intéressait. Au début, on a cru à une mauvaise blague. Mais, au mois de septembre, on s’est retrouvé dans les bureaux de la maison de disques. Le directeur artistique nous a dit que le concept de “pop de chambre” leur avait beaucoup plu, et aussi le fait que nous jouons uniquement en acoustique. Et on a signé. »

En studio

« Fin 2007, on est allé au Danemark sur invitation de SoKo. Elle nous a proposé de faire sa première partie sur 4 ou 5 dates. C’était dingue, parce qu’on a joué dans des salles de la taille de l’Olympia (1000-1500 places), alors qu’on était habitué aux petits bars parisiens. Au fil des concerts, on a sympathisé avec Robin Leduc, le guitariste de SoKo. C’est dans son studio, dans une cave, à Paris, que nous avons enregistré notre ep.
Ce disque, Delabel nous l’a surtout fait enregistrer pour nous permettre d’apprendre, de nous familiariser avec les techniques de studio, les phases de mix, de mastering. C’était passionnant. En plus, on a eu de bonnes surprises musicales, comme sur “Get around town”, une chanson qu’Ambroise et moi avons composé avant que Jérémie nous rejoigne. L’apport du violoncelle et le traitement studio ont transformé la chanson de manière vraiment intéressante. »

Sur leurs platines

« Ambroise est dans sa période Elvis et rock des 50’s à mort... Il y a beaucoup d’enregistrements intéressants de cette période, des albums enregistrés live. Un peu comme ce qu’ont pu faire les Kills, plus récemment. Pour ma part, j’écoute beaucoup “Niandra LaDes and Usually Just a T-Shirt”, le premier disque solo de John Frusciante, le guitariste des Red Hot Chili Peppers. C’est un album magnifique, qui date de 1994, réalisé au moment où il venait de quitter le groupe et sombrait dans la déchéance junky. J’écoute aussi énormément Howe Gelb et Giant Sand. »

Propos recueillis par Dave (merci à Christophe, Davy et Fanny)

Leur Myspace


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18 février 2008

2for5 – Broke Minds Think Alike (2004)

Ce pourrait être un de ces graffs, aperçus d’un œil distrait, sur la façade d’un immeuble quelconque, ignoré et perdu, quasiment anonyme. Mais 2for5 est surtout une formation hip-hop dont la signature mérite une attention toute particulière. Seulement, ils n’ont laissé filtrer que peu d’informations les concernant. Quelques indications erratiques permettent une localisation géographique : Bronx, New-york, Etats-Unis.

Broke Mind Think Alike, sort en 2004 sur un petit label indépendant, Cajo !, dont les productions tournent essentiellement autour de l’album susnommé... Sans prétention ? « Broke Minds Think Alike was not only a tribute to the streets, but also an ode to the independant artist’s hustle. Not to mention a tribute to heavy weed smoking, liquor drinking, and putting the mack down on fly ass chicas ! », s’affiche sur leur page myspace à la façon d’une déclaration solennelle et enfumée de branleurs magnifiques à la culture de rue. Cependant, ils n’entendent pas le hip-hop dans la tradition east-coast, caractéristique du hip-hop new-yorkais. Tout en utilisant des samples soul et jazzy, les 2for5 gomment les cotés sombres et parfois « sale » de ce hip-hop. Fi de la sobriété ; ils dévoilent des compositions chamarrées.

Un certain sens de la démesure et un soupçon d’emphase caractérise les premiers morceaux de l’album. Des cuivres haut placés provoquent sur "Gimme Mine" une attente excessive. Heureusement, la frustration ne dure pas quand vient le morceau éponyme "Broke Mind Think alike", une des grande réussite de cet album. Propulsés à grande vitesse par des cuivres étincelants, soutenus par des beats rebondissants, les 2for5 trompettent, exultent, déclament à qui voudra que la réunion de leurs esprits toqués génère de très belles réussites. Ils s’amusent et l’on reste coi. La bourrasque passée, les morceaux suivants retrouvent un semblant de calme. Pour suivre leur piste, les gais lurons nous refilent la boussole cassée "Any direction" et s’amusent de notre situation ; ils chantonnent, I don’t know were you going, but I know where i’ve been. Le jeu amuse, mais fatigue. Alors, arrive à point nommé "I don’t Sweat it", moment de répit animée par des cordes joliment jazzy, qui introduit le single "Whatz Ya Naim?!". Franche réussite, le morceau coule tranquillement au sons de riffs charnels d’une guitare blues, accompagnés par quelques notes de flûte. La discussion autour d’une apparition féminine, dont le nom reste un mystère, tourne à la gentille plaisanterie. Les pieds en éventail à la manière du relâché "Good Times", on apprécie le voluptueux "Thah Fowndation". Pour sûr, ils sont oubliés, les mauvais tours de la vie quotidienne ; - Jouissez sans entraves, pourrait-on lire entre les lignes.
Dans ces conditions, les épicuriens des getthos et bons vivants de tous bords ne sont pas près de l'oublier.

En Bref : Si l'album souffre de quelques compositions médiocres, l'ensemble reste fort appréciable, car emmené par des singles imparables à l'écoute jubilatoire.




Le myspace de l'album

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17 février 2008

Crocodiles - Evolution (2007)

Cela faisait un moment que je souhaitais vous présenter les Strasbourgeois de Crocodiles... Le groupe est né en 2005 de la rencontre d'Adrien Moerlen, 25 ans à l'époque, et Benjamin Voituriez, de dix ans son aîné. Si Benjamin a déjà évolué dans plusieurs formations de la région, en tant que guitariste, Adrien est vierge de toute expérience musicale, en dépit d'un héritage familial loin d'être négligeable. En effet, son père Pierre avait été le batteur du mythique groupe de rock progressif Gong (article à propos de Gong), fondé en 1967 par l'Australien Daevid Allen. Il participa aussi à Magma, collabora avec Biréli Lagrène ou Mike Oldfield, et parcoura sans répit la planète de concerts en enregistrements. Malgré cette ascendance, Adrien n'attrape pas le virus. Il s'essaye à la batterie puis à la guitare mais laisse rapidement les instruments prendre la poussière.

La découverte de la musique industrielle de l'autre côté du Rhin puis les premiers manifestes post-punk et new wave changent la donne. David Bowie, Joy Division, Wire, Devo tournent très vite en obsession chez le jeune homme. Ce goût pour des sons torturés et décalés il le partage avec Benjamin Voituriez, son patron en journée, qui voit en Adrien un « créatif » et lui propose un soir de s'essayer à quelques reprises. Ce premier after-work musical s'ouvre avec le classique « She's lost control » de Joy Division. La sauce prend plutôt bien et les deux comparses sont très rapidement rejoints par d'autres musiciens. Des connaissances et des amis d'amis. Crocodiles, référence à l'album du même nom d'Echo and the bunnymen, est alors né. Le groupe compose quelques titres sous influence punk new wave et se produit pour la première fois sur scène fin 2005. Un peu à la surprise générale, le public accroche et Adrien Moerlen prend ses marques au micro. "Je ne sais plus comment on nous a contacté pour jouer ce soir-là mais nous nous sommes retrouvés pour la première fois sur scène. A la fin du concert, des gens sont venus nous féliciter pour notre musique. Ca nous transmis une énorme motivation et nous nous sommes mis à travailler de plus en plus sérieusement" se souvient le bassiste du groupe, Sebastien Metzger.

Les Crocodiles répètent après le boulot et prennent du coffre en live. En l'espace de deux ans, ils brûlent les étapes : un album autoproduit (Evolution), de nombreux concerts, une critique dythirambique des Inrocks et la signature avec un tourneur. Et surtout une musique de qualité qui, étonnamment, ne laisse jamais transparaître la jeunesse d'un groupe presque nouveau-né. Pour 2008, pas question de lever le pied, les Alsaciens viennent tout juste de présenter un nouvel album azimuté, intitulé Project White.


Evolution est la première production du groupe et pour ma part, elle m'a bluffé. Derrière un visuel particulièrement soigné (Benjamin et Adrien travaillent dans la pub), des compositions maîtrisées et nerveuses. Vraisemblablement les Crocodiles ont les dents longues. Les titres oscillent entre pure énergie punk et profonds errements new wave. Adrien Moerlen déclame ses textes en anglais se fait tour à tour planant, enragé et distant. Mais toujours charismatique. Guitare et clavier se distinguent et se montrent entreprenants. Le rythme est saccadé et la partie instrumentale sait se faire sauvage. Devo n'est jamais loin. L'ensemble a un côté baroque et est terriblement séduisant. Mentions spéciales à deux titres : l'excité « The-16 string ouverture » et « Aart ».


En bref : D'une étonnante assurance, du rock punko-new wave en provenance de mes faubourgs alsaciens. A découvrir et à suivre.




Ecoutez l'album des Crocodiles dans l'iPod player (en dessous de la colonne de disques à gauche).

La page myspace de Crocodiles.

La page myspace du Project White.


A lire aussi : rubriques rock et post-punk


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15 février 2008

Daniel Darc - Amours Suprêmes (2008)

Un nouvel album de Daniel Darc est toujours un événement, ne serait-ce que par sa rareté, il y en a eu 5 en un peu plus de 20 ans - si l'on inclut celui co-écrit avec Bill Pritchard. Et bien que 4 années seulement séparent ce nouvel opus du précédent, Crevecoeur (2004), Amours Suprêmes est aussi l'opportunité de dresser un bulletin de santé de notre loser préféré.
Bon, l'humeur quoi qu'empreinte de fantaisie, n'est pas au beau fixe, elle est même un peu Darc, à l'image de sa pochette qui dans un magnifique portrait, ne prend pas la peine de mentionner le prénom de l'artiste ! Clin d'oeil au come-back triomphant de 2004 ? Peut-être. Il n'est plus besoin en effet de présenter cet auteur hors-normes dans nos contrées ; et il est par ailleurs quelque part rassurant au pays (hélas!)natif de Benabar et celui ( doublement hélas!) adoptif de Garou de voir le Darc inonder les gondoles à CD.
Comme on ne change pas une équipe qui gagne, Daniel a jugé judicieux de collaborer à nouveau avec Frederic Lo qui avait mis en musique et de fort belle manière on le sait, l'album précédent. Steve Nieve et Pete Thomas, légendaires Attractions, sont de l'équipée.
Deux faits marquants : la tendance toujours plus prononcée à l'épure. Darc s'affirme de plus en plus comme un folkeux et rejoint ses maîtres Johnny (Cash) et Bob (Dylan) dans leurs rêches aspérités, pas au niveau de la voix oh non ! mais dans cette manière acérée et sèche de délivrer ses mots (l'homme, on le sait, a le verbe imparable). Dès "Les remords" et son refrain abrupt, on pressent l'humeur peu badine de cet album où formules candides et imparables ("Quand je mourrai j'irai au paradis/c'est en enfer que j'ai passé ma vie" ), ("Un an et un jour mon amour, si personne ne t'a trouvée/ Je viendrai te chercher") côtoient formules plus faciles (le titre "La Vie Est Mortelle").
Cette sobriété assumée dans les arrangements en comparaison duquel le chef d'oeuvre de 1994, Nijinsky paraîtrait (c'est un comble !) presque surproduit, conduit Amours Suprêmes à certains écueils, à savoir que là où prime le texte, la mélodie fait parfois défaut.
Ainsi, et nonobstant l'étincelante musicalité du morceau-titre, sorte de blues lancinant imparable, du single mentionné plus haut, c'est peu de dire que le disque ne frappe pas par son immédiateté de composition. On a connu Frederic Lo plus inspiré que sur ce médiocre "La Seule Fille Sur Terre", suite d'accords bien convenue au piano -en fait, pompage éhonté du "Prettiest Star" de Bowie-  et que dire de ce naufrage que constitue "L.U.V", rencontre au sommet avec un autre monstre sacré Bashung, pour ne pas le citer, où non content de nous infliger un embryon de mélodie, notre beau ténébreux décline une série de clichés en anglais (bâillements).
Sur pareil album, on l'aura compris, ce sont les mots les moteurs de la force, le meilleur exemple étant ce troublant, effrayant et très beau "Environ" ("Environ je dispose/De presque un peu moins que rien") qui clôture Amours Suprêmes et qui nous surprend à craindre le pire pour la santé mentale et physique -surtout- de Darc. Entre interviews tragi-comiques où l'homme convoque son intelligence à la lisière d'Alzheimer -il commence mais ne finit jamais ses phrases, oublie les questions en cours de route- et même si on l'imagine soigner son mythe forcément moins destroy sur disque, Darc se met en danger, on craint pour sa survie !
Ce n'est pas le moindre des paradoxes d'un artiste qui depuis peu, armé d'un chauffeur, d'un staff et d'une maison de disques dévoués à sa cause, n'a jamais paru plus funambule de sa destinée !
Pitié, Lord ! Encore beaucoup de Daniel Darc en têtes de gondole ces prochaines années, et sans lui faire injure, car ce compositeur lui a véritablement réinsufflé la force de faire des disques, peut-être un autre collaborateur que Lo serait-il le bienvenu pour le prochain opus !

En bref : un disque en demi-teinte du plus magnifique de nos rockeurs, avec quelques indéniables réussites ("Les Remords", "J'irai au Paradis","Un An et Un Jour", "Amours Supremes", "Environ"), mais dont les compositions ne rendent pas toujours justice aux superbes mots de l'auteur !


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Dusty Kid - Luna EP (2007)

Je ne me risque pas trop en disant que ce jeune homme est une des sensations électroniques du moment et animera probablement les colonnes des magazines spécialisés cette année. Sur les platines des plus grands dj's, enchaînant les maxis depuis deux ans, Dusty Kid fait feu de tout bois et s'impose sur les dancefloors. Le garçon, Paolo Alberto Lodde de son vrai nom, a la vingtaine (il ne veut pas donner son âge exact), il est né à Cagliari en Sardaigne et semble pouvoir pondre les hits les uns après les autres. Avec le retour de l'italo-disco et maintenant un son techno qui émerge de la botte, 2008 pourrait être italienne.


Parmi la constellation de maxis livrés par Dusty Kid c'est Luna qui m'a tout particulièrement secoué. Le EP, produit par le label berlinois Bpitch Control d'Ellen Allien, se distingue des autres compositions plus techno, parfois de moins bon goût, du jeune italien. Mes oreilles rejetant par exemple le hit The cat, dont les vocaux, à mon grand désespoir, me renvoient vers le titre Sex de Benny Benassi. Déjà entendu. Luna m'entraîne par contre vers de délicieuses pentes lyriques et sensitives à la Gui Boratto. Beaucoup plus coquin.


Luna s'ouvre pianissimo sur un petit beat à la fois scintillant et arrondi. Instant de placidité avant la transe. Le morceau gagne très rapidement en vitesse et en vélocité dans une boucle entêtante et tubulaire. Puis le thème s'impose presque dans l'urgence et entame sa traque. Peu à peu, il nous enveloppe jusqu'à nous submerger totalement. Le son de Dusty Kid ne nous invite pas à l'évasion et à l'élévation, il nous y contraint avec finesse. Pas de réflexion ou de temps de latence nécessaires. La servitude est volontaire, et le corps s'alanguit dans un abandon total à la musique. De courts intermèdes plus low tempo nous laissent stagner en lévitation avant que le beat, frénétique, ne nous saisisse à nouveau. La production est propre et efficace. Et à chaque instant Luna semble nous convier à envahir le dancefloor le plus proche pour un moment de transe. De la techno fine et passionnelle. Dusty Kid devrait sortir un album dans l'année. A n'en pas douter, il faudra y jeter une oreille.
Il faut signaler que le maxi contient deux remixes. Lee Van Dowski se distingue dans cet exercice et réalise une version plus ambiante et métallique de Luna. A la fois obscure et erratique. Pas désagréable du tout...


En bref : Techno élégante et transcendante. Une implacable invitation au clubbing.




Le site myspace de Dusty Kid où vous pourrez écouter Luna.


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14 février 2008

Gonzales - Soft power (2008)

La plupart d’entre vous connaissent déjà Jason Beck, alias Gonzales. Peut-être par ses excellents morceaux "So Called Party Over There" (repris ici en version "White Gloves") ou "Take Me To Broadway". Par Solo Piano, son dernier projet, ou par son DVD From major to minor. Ou est-ce en tant que co-réalisateur des albums de Feist, ou producteur de Katerine et Teki Latex ?

Toujours est-il que l’auto-proclamé Worst MC prend un nouveau virage avec Soft Power, un album teinté d’humour et d’autodérision (que l’on retrouve sur le titre "Apology" mais aussi dans les teasers de l’album), passant du plus kitsch de ce qu’a pu être la musique des années 70, à des morceaux dans lesquels on retrouve le génie de Gonzo derrière son piano. Nous sommes loin du hip-hop de Gonzales Über Alles et plus proches de la version « crooner » du titre de Daft Punk "Too Long", qu’il avait réalisée en 2002. Ceux qui s’attendent à retrouver le flow des 3 premiers albums du génie canadien risquent d’être surpris par des titres comme "Slow Down", "Unrequited Love", ou l’hymne disco "Let’s ride". En revanche, l’ambiance « costume rose » semble être toujours là, avec Gonzales posant en Napoléon, ou en costume ringard/nœud-pap’ et peignoir sur une plage.

Sans entrer dans un débat du type de ceux qui hantent les fans de Pink Floyd ou de Radiohead, on peut constater que Solo Piano et Soft Power sont deux titres d’albums à neuf lettres et qui partagent les mêmes initiales. Aucune idée du message subliminal que ceci peut cacher. La ressemblance s’arrête là. Pas un seul morceau purement instrumental sur les 10 tracks de l’album.
Après un passage par la Laiterie de Strasbourg le 5 avril, Gonzales sera sur la scène de l’Européen, du 22 au 26 avril, avec Mocky, So-Called, Katie Moore et Matthew Flowers, les membres du Together Ensemble. La sortie du 6e album de Gonzales est programmée au 7 avril 2008.

BS

En bref : Le génie de Gonzales saveur 70’s concentré dans un excellent album, toujours aussi barré, comme on l’aime.




Un teaser:


"So called party over here" en live (extrait du DVD From major to minor):


Le Myspace

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Digable Planets - Reachin (a new refutation of time and space) (1993)

En 1993, bien loin du gangsta rap de la côte ouest, les Digable Planets s’engouffrent dans la brêche jazzy ouverte par De La Soul, A Tribe Called Quest ou Arrested Development, et accouchent d’un album au nom abracadrabrantesque : Reachin’ (a new refutation of time and space). Incarnation d’une branche intellectuelle, volontiers surréaliste du hip-hop US, le groupe de Brooklyn atteint alors des sommets dans l’utilisation du sample jazz-funk.

L’album entier repose en effet sur des échantillons triés sur le volet de certains des plus grands artistes de la musique noire américaine. Des samples “grillés”, dirait-on aujourd’hui, mais dont l’utilisation, à cette époque, n’avait rien d’honteux. Sonny Rollins, Art Blakey, Curtis Mayfield, Eddie Harris et jusqu’aux Last Poets sont convoqués au festin. Mais s’il suffisait d’aligner les jolis samples pour faire de bons disques, nous serions tous musiciens... Quand la basse majestueuse du "Devika" de Lonnie Liston Smith ouvre "Pacifics", les Digable ne se contentent pas de profiter de sa puissance, mais la magnifient. Ils disposent pour cela d’armes de choix, à commencer par le flow des trois MCs, Doodlebug, Butterfly et Lady Bug. Des flows purs, jamais agressifs, presque candides. Particulièrement impressionnante, Lady Bug parvient, à une époque où les rappeuses se comptaient sur les doigts d’une main, à surpasser ses partenaires masculins par sa capacité à varier les tons et les atmosphères.

Autre arme de gros calibre : un fabuleux duo de producteurs. Seul Butterfly est crédité dans le livret, mais il était en fait épaulé par un dénommé Silkworm. Celui-ci fera ensuite une brillante carrière solo, distillant indifféremment soul, house et trip-hop sous le nom de... King Britt. Silkworm et Butterfly enrichissent l’instru de claviers psychés et de beats qui claquent sans heurter. Moogs limpides en toile de fond, les DP déploie des lyrics empreints d’une “coolness” imperturbable. S’inscrivant dans la tendance afro-chic de l’époque, fin mélange de négritude revendiquée, d’esthétisation de la vie dans le ghetto et de réminiscences des années 60 et 70, ils se muent en storytellers pour raconter une journée de “chill” à New-York ("Pacifics"), militent pour l’avortement (Butterfly dans "La femme fétal") ou se tapent une bonne tranche d’égo-trip ("Nickel bags").

Reachin’, disque d’or dès sa sortie, permet aux Digable Planets de rafler un Grammy Award. Le single ultra-funky "Rebirth of slick (cool like dat)" est sur toutes les lèvres et campe dans les charts pendant de longs mois. L’année suivante, leur deuxième album, le sous-estimé Blowout Comb, ne connaîtra pas le même succès, ce qui entraînera la dissolution du groupe en 1996. Recomposé en 2005, le combo a fait paraître une compilation incluant quelques inédits, et prépare actuellement un nouvel album qui devrait voir le jour cette année, après 14 ans d’attente.

En bref : L’un des cinq plus grands albums de hip-hop jazzy de l’Histoire.




Le clip de "Rebirth of slick (cool like dat)":


Le site officiel
Le Myspace
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13 février 2008

Lightspeed Champion - Falling off the lavender bridge (2008)

Je voudrais témoigner ici d'une injustice. Comment se fait-il que moi, à l'âge de 21 ans j'en étais encore à me crever les boutons en jouant à Fifa (j'exagère) et que Dev Hynes, lui, en soit à produire des albums qui recueillent l'unanimité des critiques internationales tout comme son pote Conor Oberst de la même génération? Et d'ailleurs comment passer après cette horde de textes dithyrambiques qui inondent la toile? En acquiescant. Oui, après le buzz Test Icicles emporté par son succès aussi court qu'intense, le guitariste black et binoclard (Quelle pochette!) Devon Hynes est un génie inattendu. Il nous pond avec Falling off un grand disque de country brit pop, rempli d'allégresse et de mélodies évidentes. "Je suis un fan de refrains, mélodies et harmonies". Bin voyons. C'est juste ça alors? "Le format album m'obsède, j'en ai plein la tête et il faut que ça sorte". Ah ouais quand même. Et c'est ainsi qu'après moult Ep, covers et appropriations (dont un album de Green Day en entier), Fallin off est cohérent, homogène et grandiose.

Sur douze titres, déjà de nombreux élans tubulaires, Tell me what it's worth, classique et efficace, Galaxy of the lost, ultra sucré et magnifique ou encore Dry Lips genre comédie musicale parfaite. Sans oublier Midnight surprise, le Bohemian rapsody de Devon, autobiographique et multiple, délicat et lumineux, sur près de 10 minutes. Morceau particulier, I could have done this myself, sorte de Weezererie touchée par la grâce. Sur les thèmes du premier amour, de la masturbation ou de la prostitution, l'album ne connait aucune baisse de régime (ou très peu). Inspiré par les Zombies, Costello et Neil Young, Devon fait preuve d'un talent de composition immense en se réinventant lui même au travers d'un disque sucré et accessible mais jamais facile.

Produit au Nebraska avec l'aide de Mike Mogis l'ancien de chez Bright Eyes et distribué par la maison qui se trompe rarement, Domino, cet album bi national anglais américain contient son lot de ritournelles efficaces, débridées et multicolores. Un zeste de folie plane sur ce disque finalement assez calme, comme un coup de maître de standard pop. Mais c'est tourné vers l'Amérique que sonne ce premier album solo réalisé avec le choeur d' Emmy The Great, personnalité du milieu. Et dire que nous nos jeunes à nous ils font la StarAc. Ils pourraient pas se taire un peu et écouter ce que vient de réalisé le jeune Devon Hynes, l'album de ce début d'année, celui qui met la barre très haut aux autres. Le deuxième est déjà en préparation. Next big thing? Assurément.

En bref : Sur un air sucré et captivant, un nerd américano anglais de 21 ans remet la folie pop folk de 67 au goût du jour. Immanquable.


2 clips : Tell me what it’s worth et Galaxy of the lost en live




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12 février 2008

Jamie Lloyd - Trouble within remixes 2 : Drumpoet Community mixes (2008)

Soyons clairs, cette deuxième paire de relectures de l’Australien Jamie Lloyd n’a rien de très novateur. Soultourist et Quarion, membres du collectif zürichois Drumpoet Community, y creusent le sillon déjà bien profond de la deep house jazzy. Si j’éprouve le besoin de vous parler de ce maxi, c’est parce qu’il est accrocheur et très abouti, à la fois méditatif et dansant. Et aussi pour vous signaler la qualité d’un petit label, établi à Sydney, qui porte le nom un rien mégalo de Future Classic.

Claviers passés au phaser, petit sample de voix féminine, acidité bon enfant et candeur baléarique... Le remix de "You out or in ?" par le quatuor Soultourist est une de ces sucreries vénéneuses à ne goûter qu’avec mesure sous peine d’indigestion. Son arôme me rappelle un tube du début des années 1990 - "Sweet Harmony", des Beloved, pour ceux qui s’en souviennent. Un ton en dessous, Quarion, Helvète récemment installé, comme tant d’autres, à Berlin, squatte la face B avec sa version de "May I ?", qui sonne comme un éloge de la sobriété. Trop, peut-être, puiqu’après une ascension placide sur le dos d’une basse dodue, le morceau nous laisse un peu sur notre faim. Belle production, cependant, maîtrisée et charnelle. Pas de doute, Jamie Lloyd, artiste assez inégal qui s’abîme parfois dans une électronica lounge un peu mièvre, bénéficie ici de remixeurs de bon goût. Un disque réunissant tous les remixes de l’album devrait sortir dans les semaines qui viennent. A suivre, donc.

En bref : les Zürichois de la Drumpoet Community signent deux beaux remixes deep-house de facture classique.



Les pages Myspace de Jamie Lloyd, Drumpoet, Soultourist, Quarion et Future Classic.
Les sites de Drumpoet, Soultourist et Future Classic.

A lire aussi : rubrique House


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The Wee Turtles - This is your land (2000)

Fabi ne s'était pas trompé en me ramenant cette galette à l'appart un après-midi d'août. Il faut dire, le post-it accolé à la pochette laissait présager de mon futur enthousiasme. Ceci dit ne comptez pas trouver une quelconque documentation en français sur cette formation car The Wee Turtles reste un groupe anecdotique, en dehors du faisceau des projecteurs. "Garage pop, entre Elf Power et Apples In Stéréo". C'est ce que disait le post-it. Effectivement, Fabi n'était pas tombé bien loin de mon pseudo label adoré, Elephant 6, feu le collectif d'Athens qui comptait dans ses membres Neutral Milk Hotel ou Olivia Tremor Control. Un cadeau parfait, je nage dans mon univers.

Joes Croxton, Brian Crews, Robbie Beers et Phil Horan sont 4 américains qui sur un coup de tête s'emparent d'une citation des Simpsons (un épisode sur les Wee turtles) et qui en font un disque lo-fi, 4 pistes sur certains titres, limite Guided By Voice. 14 titres, 40 minutes, le moins que l'on puisse dire c'est que c'est catchy. Avec un humour évident, le quartet indie pop n'échappe pas non plus aux influences classiques, Kinks et Beach Boys, auxquels le titre Summer song est même consacré. Ils ne se prennent pas au sérieux et marrient à merveille des choeurs baba cool ensoleillés avec d'énergiques et parfaites guitares.

Mis de côté des bouts de plage bruitistes, This is your land donne en général envie de rouler sur nationale la vitre ouverte le bras ballant. La patte Chris Bishop (Elf Power, The Gerbils...) est ici largement identifiable parmi d'autres, entre geek pop, garage et enthousiasme sixties. C'est gai, c'est du plaisir, merci Fab. Wee will rock you!

En Bref: Guitares sixties acérées et chansons lo-fi pop forment le quartet The Wee Turtles. Ne cherchez pas plus loin. Et c'est déjà bien.




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09 février 2008

Public Image Ltd - Album (1986)

Qu'il soit permis de rendre hommage à l'une des plus grandes figures tutélaires de la "pop" anglaise : il faut redécouvrir en effet l'un des grands disques des 80's, dont le maître d'oeuvre fut John 'Fuck and rrrrrot" Lydon.

Nous sommes en 1986 : en rupture de ban de PiL, son mythique et génial "2ème" groupe, tout simplement inventeur d'un dub blanc qui n'en finit plus d'être décliné aujourd'hui, Lydon recrée de toute pièce un groupe qui n'a de PiL que le nom et qui ne cessera d'être à géométrie variable jusqu'à l'avis de décès officiel dix ans plus tard....avant la remise en route ultérieure.

Johnny se découvre une nouvelle conscience politique, fait jouer les racines irlandaises, et dans un (d)étonnant mélange de heavy metal et de world parsemé de sitar et de digeridoo, se lance dans un faux premier album solo. Intitulé à l'avenant et selon le support Album, Compact ou Cassette -on imagine le même disque de nos jours intitulé MP3 File- ce curieux disque post-moderne et irrésistiblement conceptuel, qui reprend le "second verse/same as the first" des Ramones, invite à une sorte de transe, un mantra d'écorché vif, où tour à tour, des sujets tels que l'Apartheid, l'estime de soi, la trahison d'un ami resurgissent.

Les participants au projet sont tous des pointures, qu'on en juge : Ginger Baker, batteur spasmodique qui a sévi dans Cream, Ryuchi Sakamoto et ses synthés "orientaux", et surprise, un guitariste tout aussi virtuose que péniblement démonstratif, rien de moins que Steve Vai. Et le tout est orchestré par Bill Laswell.

"Rise", premier single, l'une des 7 longues pièces de l'album, et sans doute l'un des plus imparables singles des mornes 80's, voit Lydon le long d'un clip sous forme de chaos, gesticuler en pantin désarticulé et système pileux carotte. Tous les morceaux enchainés sans temps mort, portent la même urgence, la même folie et attestent du talent retrouvé de Lydon dans l'écriture. Les batteries monolithiques dont on ne peut guère trouver d'écho moderne plus approchant que celles du 10000 Herz Legend de Air pourfendent l'air.
Le mantra de Lydon, les guitares survoltées dont l'invraisemblable solo final sur "Ease" et son intro putassière très 80 au DX, achèvent d'asphyxier l'auditeur, le rouent de coups, le laissent groggy, avant l'accalmie finale, celle qui lui permet de se relever, éprouvé.

Et de comprendre qu'il vient d'écouter un grand disque. "May The Road / Rise With You !"

En bref : album atypique -jusqu'à son titre- et l'un des moins représentatifs d'un groupe alors dissous, Album n'en demeure pas moins une curiosité, une incongruité (de plus) à redécouvrir.



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