Ceux qui ont connu Field Music avec leur premier album éponyme (2005) avaient sûrement vite oublié leur pop légèrement psyché, post-punk et arty, distante et confuse. Pourtant le groupe a sorti, l'année suivante, une collection de faces-B qui pourrait en faire le meilleur groupe pop anglais, loin du circuit agaçant des groupes pop punk jetables: humble, inspiré, solidaire. On entend sur cette compilation un vrai travail, minutieux, de l'écriture à la production. Une finition à la précision métronomique pour des chansons en costume trois pièces. Or on sent derrière nos orfèvres des moyens limités; le résultat tient sa beauté non pas de la richesse des matériaux, mais dans l'art et la manière de les accorder.
Si ces chansons fonctionnent si bien, c'est qu'elles donnent cette impression profondément émouvante d'être déjà pré-écrites quelque part dans notre imaginaire indie, qui n'attendait plus que le groupe idéal pour les interpréter. Ainsi les notes de piano de Trying To Sit Out apparaissent, bouleversantes, juste au bon moment pour nous faire craquer; le chant et la production de ce seul vers "I'll only make it worse", renvoie Breakfast Song à la mélancolie de nos propres rêves égarés.
Ce qui n'empêche pas Field Music de surprendre. Entre faux chapeaux de roues et fausses fins, fausses pistes et hors pistes (les rythmiques électro de I'm Tired, Test Your Reaction et Alternating Current), le groupe joue des codes et prend quelques risques heureux. Première surprise: le premier titre, avec ses choeurs introductifs, sa rythmique soutenue et ses cordes barrées, laisse augurer un disque twee et ludique, tandis que la suite révèle une mélancolie prégnante aux mélodies pop, élégantes et efficaces de bout en bout. Car ces titres restent indéniablement pop, au sens le plus noble, et sont dans ce registre les plus fins entendus ces dernières années. En effet le problème des groupes qui recherchent la perfection pop, c'est cette tendance à polir les chansons pour faire effet, alors que le résultat, faute de composition, frise l'ennui. Ces raretés de Field Music sont tout aussi polies, mais le polissage ne dénature pas le matériau: ce matériau-là est fait pour briller. La différence ici, c'est que le groupe atteint effectivement une perfection qu'il n'a pas cherché en soi, puisqu'il se sentait déjà vaincu, dépassé, limité. Ces chansons sont celles d'un groupe qui, ayant livré ce qu'il croyait être le meilleur de lui-même, déclare forfait et n'a rien à perdre, de beautiful losers provisoires, qui ont l'élégance sans l'arrogance: ici on ne construit pas de cathédrales.
D'où l'incroyable cohérence de cette compilation: chaque essai a été enregistré, de 2000 à 2005, avec la même application et la même implication, sans enjeu autre que la Chanson elle-même. Une collection de premiers singles, de ceux qui ont d'abord pensé court et bon avant de faire lourd et long (Jens Lekman a eu la même démarche, d'une compilation magnifique à un album indigeste), est souvent bien loin de l'inconsistance d'un vulgaire best of. Celle de Field Music ressemble à s'y méprendre à l'album pop de nos rêves, dont on sculpte les cadres au lieu de les briser.
En bref: Une collection de premiers enregistrements humbles et soignés; au final un album pop parfait.
La page myspace et le site officiel
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Le clip du premier titre, You're not supposed to :
Si ces chansons fonctionnent si bien, c'est qu'elles donnent cette impression profondément émouvante d'être déjà pré-écrites quelque part dans notre imaginaire indie, qui n'attendait plus que le groupe idéal pour les interpréter. Ainsi les notes de piano de Trying To Sit Out apparaissent, bouleversantes, juste au bon moment pour nous faire craquer; le chant et la production de ce seul vers "I'll only make it worse", renvoie Breakfast Song à la mélancolie de nos propres rêves égarés.
Ce qui n'empêche pas Field Music de surprendre. Entre faux chapeaux de roues et fausses fins, fausses pistes et hors pistes (les rythmiques électro de I'm Tired, Test Your Reaction et Alternating Current), le groupe joue des codes et prend quelques risques heureux. Première surprise: le premier titre, avec ses choeurs introductifs, sa rythmique soutenue et ses cordes barrées, laisse augurer un disque twee et ludique, tandis que la suite révèle une mélancolie prégnante aux mélodies pop, élégantes et efficaces de bout en bout. Car ces titres restent indéniablement pop, au sens le plus noble, et sont dans ce registre les plus fins entendus ces dernières années. En effet le problème des groupes qui recherchent la perfection pop, c'est cette tendance à polir les chansons pour faire effet, alors que le résultat, faute de composition, frise l'ennui. Ces raretés de Field Music sont tout aussi polies, mais le polissage ne dénature pas le matériau: ce matériau-là est fait pour briller. La différence ici, c'est que le groupe atteint effectivement une perfection qu'il n'a pas cherché en soi, puisqu'il se sentait déjà vaincu, dépassé, limité. Ces chansons sont celles d'un groupe qui, ayant livré ce qu'il croyait être le meilleur de lui-même, déclare forfait et n'a rien à perdre, de beautiful losers provisoires, qui ont l'élégance sans l'arrogance: ici on ne construit pas de cathédrales.
D'où l'incroyable cohérence de cette compilation: chaque essai a été enregistré, de 2000 à 2005, avec la même application et la même implication, sans enjeu autre que la Chanson elle-même. Une collection de premiers singles, de ceux qui ont d'abord pensé court et bon avant de faire lourd et long (Jens Lekman a eu la même démarche, d'une compilation magnifique à un album indigeste), est souvent bien loin de l'inconsistance d'un vulgaire best of. Celle de Field Music ressemble à s'y méprendre à l'album pop de nos rêves, dont on sculpte les cadres au lieu de les briser.
En bref: Une collection de premiers enregistrements humbles et soignés; au final un album pop parfait.
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Le clip du premier titre, You're not supposed to :
4 Comments:
Ahhhh, une chronique de Field Music, excellent!
Je ne connaissais pas cette compil, par contre j'ai écouté le très récent effort solo de David Brewis "School of language" et on y retrouve bien le style Field, un groupe dont on ne parle pas assez.
Merci à toi donc.
Ju.
J'ai donc, dirait-on, passé le cap?
Merci pour le conseil. Je serais sans doute passé à côté. Beaucoup aimé la chanson du clip, avec ce petit côté Orange Juice, cette façon de tout reprendre à zéro.
Super chronique, à l'image de ce groupe, l'un des secrets les mieux gardés du rock anglais actuel !
Bien loin des merdes vulgos à la Kaiser Chiefs ou Franz Ferdinand !
Merci à toi,Emmanuel, expert ès-groupes en Field !
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