Peu de groupes accèdent au douloureux statut de formation culte. Swell peut prétendre en faire partie en remplissant in extenso les deux conditions sine qua non : être soumis aux critiques élogieuses du milieu concerné (surtout à l’étranger) et rester dans le flou commercial, sans jamais vraiment se retrouver sur le devant de la scène. La scène en question c'est celle de San Francisco début 90's, lorsque la folie Nirvana bat son plein et que David Freel et Monte Vallier décident de monter ce qu’est encore Swell plus de 15 ans plus tard, un groupe intègre et discret, caractérisé par ses nappes mélancoliques de synthés lo fi, et son folk rock groovy et psyché. En 1998 et faisant suite à Too many days without you, Swell livre un cinquième disque de revenants, comportant peut-être les meilleures chansons jamais écrites par le groupe.
Exit le Studio 41, bienvenue aux studios Outer Space (tout un programme!). Le son est très direct, plus complexe, mieux arrangé. La présence à la batterie de Rob Ellis (PJ Harvey) en lieu et place de Sean Kikpatrick le batteur fétiche explique en partie ce changement. Prenant racine dans les quartiers populaires post hippie de la cité californienne, la musique de Swell s'inscrit toujours dans une déprime qui colle à la peau, chronique pesante et désespérée de ce que peuvent être les moments merdiques de la vie. Pas bien joyeux, For all the beautiful people est noir et long, ni évident ni ambitieux, et maintient l'auditeur la tête sous l'eau, entrecoupé de quelques moments de lumière furtive et généralement bienvenue (Everything is good).
Du côté de la réinvention, les 3 basses simultanées du Oh my my, l'usage des claviers avec Make up your mind ou encore l'utilisation du piano Rhodes avec la guitare sèche acoustique. Sombres et hypnotiques, les lignes de basses sont à tomber. Celle de Swill 9, ma préférée, précède batterie et toutes sortes de couches sonores (orgue, cuivres, violons...). Les arrangements de voix ne sont pas à la traîne, en témoigne Today, premier titre et premier morceau lancinant, calme et luxuriant, porté par la voix sale et pesante de David Freel. La tristesse de Oh my my n'a rien de sur jouée et fait preuve d'une humanité inimitable. Enfin, Don't you know they love you est un morceau que Joy Division aurait pu écrire, oppressant et pur comme un bijou.
Faisant peut-être suite au For those not so beautiful des Tindersticks, cet album et l'ambiance sombre et envoûtante à la Sparklehorse qu'il m'inspire est un sommet dans son genre. Sans faire trop de vagues (dommage quand on s'appelle Swell), le groupe marotte de Lenoir semble malheureusement porter la même poisse que leurs voisins les American Music Club de Mark Eitzel. Désabusé et tendu, sous le joug d'aucune pression artistique, ce disque est d'une beauté moite éblouissante. Merci frérot pour le cadeau.
En bref : Pas très guilleret ce folk rock lo-fi, et pourtant bougrement addictif. Une tristesse musicale qui colle à la peau.
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_Le clip très 90’s de Everything is good :
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