15 avril 2008

Thee Silver Mt. Zion Memorial Orchestra & Tra-La-La Band - Concert à La Maroquinerie

On rentre dans la Maroquinerie comme dans une cave. D'ailleurs la salle a tout d'une cave : plafond bas, espace exigu, obscurité. Les effluves des corps comprimés se mêlent en un fumet peu agréable qui ferait presque regretter cette époque où l'on subissait la tabagie des autres. Mais j'arrête de grincher puisque nos musicos de Montréal ont plutôt l'air d'apprécier l'endroit : " On est très content de jouer dans une cave, ça nous change des théâtres un peu fancy ", dira le guitariste. N'empêche qu'il y a quelque chose qui cloche. Le son est méga amplifié par rapport à l'exiguïté du lieu, et on aura l'impression que, pendant tout le concert, les musiciens auront rusé avec ce paramètre imprévu pour trouver une sonorité qui leur convienne. On verra, par exemple, Efrim Menuck chanter à trois mètres de son micro ; sans quoi, il est vrai, se serait perdue cette texture si particulière qui fait la beauté de sa voix.

"We are Thee Silver Mount etc. etc. etc. and tralala band, and we are from Montreal", ça y est, ça commence. Il semblerait que ce soit une particularité du groupe que de rôder les morceaux sur scène avant de les graver sur disque. Le concert est donc un mélange de morceaux nouveaux et de morceaux extraits du dernier album 13 blues for thirteen moons. Deux violons, une contrebasse, un violoncelle, deux guitares et une batterie, et pourtant on aurait bien du mal à appeler ça "rock progressif", tant les cordes s'intègrent dans la masse sonore, et dans un jouer ensemble remarquablement maîtrisé. Du blues, il y en a, au sens d'une mise en musique de la plainte et du sentiment de la catastrophe, mais cet art de la sym–phonie permet d'éviter l'écueil d'un pathos exacerbé à coup de violons larmoyants. On retrouve sur scène ce qui fait la force de ce groupe : non pas une alternance entre violence et douceur (du genre System of a down), mais un art du passage d'une intensité à une autre, du crescendo et du decrescendo, au plus près de la rythmique réelle de l'affectivité, quand elle fonctionne sur le mode du "blues".

Les Silver Mount Zion sont un groupe engagé dans la forme la plus accomplie qui soit : la force de la métaphore plutôt que celle de la démonstration, l'éloquence de la musique en lieu et place d'un discours pesant. One million died to make this sound est dédiée à tous les musiciens qui sont morts pauvres, tous ces créateurs en puissance, dont la vie a été accaparée par la préoccupation de la survie. L'autonomie matérielle, monétaire, est la condition de possibilité de la création ; ça fait un bien fou d'entendre ça, à l'heure d'une précarisation généralisée des conditions d'existence, de la destruction du statut des intermittents du spectacle, et du populisme sarkozien. On vit des moments de pure grâce, où des polyphonies vocales émergent d'un déluge sonore, pareilles aux oiseaux chantant après l'orage pour signifier aux autres qu'ils sont bien en vie et ont survécu à ce qui aurait pu les détruire. D'ailleurs l'oiseau est l'emblème des Silver Mount Zion, présent jusque sur la peau des musiciens tatoués. Le groupe n'est pas avare en rappels : une nouvelle chanson, traversée de multiples réverbérations et distorsions plutôt inhabituelles, et un au revoir a capella, où tous les musiciens chantent ensemble, ultime symbole de la manière d'être du groupe. Un très beau concert en somme.

Le site du Tra la la band et le Myspace du Silver Mt Zion

HIPHOP

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