21 mai 2008

Destroyer - Trouble In Dreams (2008)

Chaque album de Destroyer sort, même distribué comme ici par Rough Trade, avec la plus grande discrétion. Il est pourtant de chanceux initiés qui accueillent chaque sortie avec la curiosité la plus vive. Car au fil d’un répertoire en mouvement, Daniel Béjar, des plus grands poètes nord-américains contemporains, replie et déploie un univers textuel fascinant. D’une litérarité emphatique à une oralité triviale, de ficelles absurdes en cordes sensibles, la poésie de Béjar chasse sur les terres du non-sens. « Night’s surgeon dons his robes to take apart a fellow amateur » : une écriture cryptique dont nous ne pourrions avoir la clef ? Mais ces références à l’Art, aux villes concrètes, au Cinéma, et surtout à la Pop ne sont-elles pas autant d’invitation à entrer dans la ronde des mots ? Les textes de Destroyer sont troués de ramifications auto-référentielles : il y a au détour de chaque vers un renvoi à d’autres chansons, enregistrées sur des albums précédents. L’Eternel Retour ? La vie ne serait que cycles sans raison ? La question à peine posée que les mots creusent sur place puis partent en vrille.

La poésie de Destroyer est sonore, ne l’oublions pas, et elle est là mue par le nouveau perpétuel. La linéarité aveugle ? La vie ne serait que paliers perdus ? La question à peine posée… Et elle est là, la fébrilité des Mélomanes, moins sur les écrits que sur l’ïnouï évidemment : où le son de Destroyer est-il allé cette fois-ci ? C’est que nous étions passés du lo-fi We’ll Build Them a Golden Bridge au glam rock de Streethawk : a Seduction, puis du du folk rock noisy de This Night aux symphonies synthétiques de Your Blues. Ici Trouble in Dreams : belle déception. Destroyer creuse à peu près le même sillon que sur le précédent Destroyer’s Rubies, à savoir une sorte de piano-prog-rock d’influence 70’s. Dommage, ce n’est pas là que le groupe était le plus pertinent.

Dan Béjar se situerait donc dans une démarche contraire à celle de Leonard Cohen, pour qui la guitare n’était au départ qu’un prétexte au verbe, mais qui a finit par s’impliquer plus encore dans la mise en musique. Dans Trouble in Dreams, Destroyer semble avoir asséché la composition et tourné le dos au radicalisme sonore des précédents opus, aux partis pris extrêmement marqués. On écoute alors parfois un groupe qui chercherait à avoir des idées, qui malheureusement ne fonctionnent que rarement. Plus triste, l’emphase qui apparaît sur Shooting Rockets (From the Desk of Night’s Ape) va se révéler indigeste et énervante en fin d’album (les quasiment inaudibles Leopard of Honor et Plaza Trinidad). L’auditeur se retrouve ainsi immergé dans un ensemble dont il peine à sentir la consistance. Il se raccroche à quelques mélodies, à de belles nappes de synthé (revenues de Your Blues), à la délicatesse de Blue Flower / Blue Flame, aux cavalcades de Dark Leaves Form a Thread, à l’outro de Foam Hands ou à l’intro de My Favourite Year. Ces quelques réussites lui retiendront une attention certes émue mais pas éblouie. Pour le reste, Destroyer n’est tout simplement pas parvenu à mettre en forme ses chansons. On regrette alors, profondément, les derniers joyaux de Béjar au sein de The New Pornographers : Myriad Harbour, Entering White Cecilia et The Spirit of Giving sur Challengers. Ces pop-songs renversantes, produites au pinceau fin, avaient laissé augurer du meilleur, surtout auprès des admirateurs passionnés du canadien.

Mais cette fois-ci, entre le clair et l’obscur, Destroyer a préféré le flou, qui donne à vrai dire bien mal à la tête. Et déformer ainsi les contours des chansons n’a contribué, au-delà sûrement de l’effet recherché, qu’à les rendre impuissantes et inexpressives. Non, pas un mauvais disque en soi, c’est juste qu’à côté des crêtes sauvages, impressionnantes de splendeur, que sont This Night et Your Blues, les vallées cultivées de Trouble in Dreams font bien pâle figure.


En bref : Destroyer, pourtant fins et doués, négligent la mise en musique des grands textes de Daniel Béjar.

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Le site pour les infos, et myspace pour écouter. Mais Béjar et Destroyer sont avares en communication.

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Donc, aucune vidéo officielle, aucun live TV... que de plans de concerts filmés à la volée, dont ce Dark Leaves Form a Thread, de piètre qualité plastique malheureusement:



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