Alors qu'est-ce que Lykke Li a de plus que les autres ? Eh bien ce que Lykke Li a de plus, c'est le moins. Ecoutons de plus près le jouissif single "Little bit" : il y a un beat, volontairement saturé mais parfaitement cutté, il y a une petite guitare, et il y a le chant... et il n'y a rien d'autre. Parce que la voix et la mélodie, excellentes, suffisent à elles seules à faire tenir la chanson. Sur Youth Novels, chaque chanson est si bien écrite qu'il est inutile de surcharger l'instrumentation. Et si l'instrumentation tend à l'épure, la production bénéficie d'un soin extrême, qui fait de Youth Novels un objet d'une perfection plastique absolue, un pendant musical au design contemporain : rond, pop, minimaliste, aux lignes claires et précises. Lykke Li et Björn Yttling (de Peter, Björn and John) créent une sorte de dance acoustique, de la pop de chambre moderne.
Les parfaits"Dance dance dance", "I'm good I'm gone", "Let it fall", "Breaking it up" rappellent pourquoi les puristes électro et indé ont succombé à l'écoute du "Hollaback girl" de Gwen Stefani/Pharrel Williams ou du "Slow" de Kylie Minogue/Emiliana Torrini : l'envie de danser est la même, imparable, l'épure instrumentale est radicale, et les voix sont sucrées, irrésistibles. Mais à la différence de ces stars pop, Lykke Li a le charme sans la minauderie. Lykke Li est moins pétasse que grande classe. Tout est dans le flux de voix, jamais dans la respiration racoleuse.
Et puis il y a "Hanging high", qui en plus d'être tout simplement beau, vient faire acte d'un événement culturel majeur. Derrière les choeurs du refrain, ceux exactement que l'on a entendu chez Jens Lekman et Taken By Trees l'an passé, c'est mine de rien toute la pop suédoise qui vient de se trouver une identité. Après avoir vécu dans l'ombre de la pop britannique, dont elle n'avait pris que la structure, la pop suédoise acquiert une véritable swedishness, dans sa composition mélodique parfaite et dans ses voix enchantées. Youth Novels confirme la force et l'identité de cette pop jusque dans ses influences exotiques (la guitares hispanisante de "This trumpet in my head", et le 1,2,3,4,5,6 en français dans le texte de "Window blue"), et c'est sûrement pour cette raison aussi qu'il nous enthousiasme tant.
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