Il est toujours extrêmement plaisant de découvrir des artistes qui partagent le même fétichisme que vous. Les Jazz Liberatorz ne jurent que par le hip-hop soulful du début des années 1990 que j'ai toujours considéré comme le seul et unique hip-hop, par opposition au rap. Clin d'oeil est donc un hommage, en long format, à tous ceux qui, d'A Tribe Called Quest aux Roots, savent que le hip-hop est la prolongation directe du jazz - un peu à la manière de Madlib et de son Shades of Blue, qui rendait honneur au catalogue de Blue Note. Le seul listing des invités de cet opus suffit à en deviner le contenu: Sadat X des Brand Nubians, Fatlip et Tre Hardson (alias Slim Kid Tre) des Pharcyde, Buckshot de Blackmoon, etc. Pas mal pour un groupe de Meaux, Seine-et-Marne, cité davantage célébrée pour son brie que pour sa nu soul, et rebaptisée “MeauxTown” pour l’occasion.
Je ne m’étendrais pas sur les carrières bien pleines de Damage, Dusty et Madhi. Sachez que le plus ancien d’entre eux, Damage, est dans le circuit depuis le début des années 1980 et qu’il a fondé, aux côtés de ses potes Crazy B et Cut Killer, le supergroupe de DJ’s hexagonal Double H. Quant à Dusty et Madhi, ils ont forgé ensemble les beats d’une bonne brochette de rappeurs français (Futuristiq, Mystik, La Malédiction du Nord...). Réunis en 1999 sous l’écusson des Jazz Libz, les trois trentenaires ont mûri leur projet pendant près de dix ans avant de le sortir en janvier dernier. Entourés d’excellents musiciens, dont les petits génies du clavier Olivier M'Sellem et Olivier Portal, ils ont fourni à leurs prestigieux invités des instrus qui évoquent plus la joaillerie que le simple beatmaking.
Sur une base “boom-bap” classique, les beats impériaux et les samples sont sertis de percus caressantes, de flûtes fuyantes (“Ease my mind”) et de synthés liquides qui rappellent Lonnie Liston Smith (“Cool down”, “Speak the language”...). A la fin de chaque plage, les guests ont une minute pour parler de leur rapport personnel au jazz et de leurs influences. Ainsi entend-on J Sands évoquer le souvenir de son grand-père écoutant Miles Davis, ou T. Love déclarer sa flamme à Billie Holiday, Max Roach et Thelonious Monk. T. Love, justement, délicieuse chanteuse-poétesse américaine installée à Paris, pose avec Fatlip pour l’un des temps forts de l’album, “Genius at work”, sur un tempo saccadé en rupture avec le reste des titres. Autre grand moment, le très feutré “Take a down”, qui confirme s’il en était besoin le talent de storyteller de Buckshot. En fin d’album, “Speak the language” nous emmène sur des territoires purement soul où s’illustre la diva new yorkaise Lizz Fields, avant que la formation parisienne Soul Clan ne vienne clore ces très douces hostilités par “Qidar”, puissant jam funky aux légers accents moyen-orientaux. La cohérence du projet va jusqu’à l’artwork et à la typo, largement inspirés des pochettes de Black Jazz Records, le label du pianiste Gene Russell. Le clin d’œil est certes appuyé, parfois redondant, mais l'insistance a parfois du bon.
En bref : Une pléiade d’invités de première classe pour un album de hip-hop comme on n’en fait plus, œuvre de trois perfectionnistes français maniaques de jazz et de soul. Essentiel.
Je ne m’étendrais pas sur les carrières bien pleines de Damage, Dusty et Madhi. Sachez que le plus ancien d’entre eux, Damage, est dans le circuit depuis le début des années 1980 et qu’il a fondé, aux côtés de ses potes Crazy B et Cut Killer, le supergroupe de DJ’s hexagonal Double H. Quant à Dusty et Madhi, ils ont forgé ensemble les beats d’une bonne brochette de rappeurs français (Futuristiq, Mystik, La Malédiction du Nord...). Réunis en 1999 sous l’écusson des Jazz Libz, les trois trentenaires ont mûri leur projet pendant près de dix ans avant de le sortir en janvier dernier. Entourés d’excellents musiciens, dont les petits génies du clavier Olivier M'Sellem et Olivier Portal, ils ont fourni à leurs prestigieux invités des instrus qui évoquent plus la joaillerie que le simple beatmaking.
Sur une base “boom-bap” classique, les beats impériaux et les samples sont sertis de percus caressantes, de flûtes fuyantes (“Ease my mind”) et de synthés liquides qui rappellent Lonnie Liston Smith (“Cool down”, “Speak the language”...). A la fin de chaque plage, les guests ont une minute pour parler de leur rapport personnel au jazz et de leurs influences. Ainsi entend-on J Sands évoquer le souvenir de son grand-père écoutant Miles Davis, ou T. Love déclarer sa flamme à Billie Holiday, Max Roach et Thelonious Monk. T. Love, justement, délicieuse chanteuse-poétesse américaine installée à Paris, pose avec Fatlip pour l’un des temps forts de l’album, “Genius at work”, sur un tempo saccadé en rupture avec le reste des titres. Autre grand moment, le très feutré “Take a down”, qui confirme s’il en était besoin le talent de storyteller de Buckshot. En fin d’album, “Speak the language” nous emmène sur des territoires purement soul où s’illustre la diva new yorkaise Lizz Fields, avant que la formation parisienne Soul Clan ne vienne clore ces très douces hostilités par “Qidar”, puissant jam funky aux légers accents moyen-orientaux. La cohérence du projet va jusqu’à l’artwork et à la typo, largement inspirés des pochettes de Black Jazz Records, le label du pianiste Gene Russell. Le clin d’œil est certes appuyé, parfois redondant, mais l'insistance a parfois du bon.
En bref : Une pléiade d’invités de première classe pour un album de hip-hop comme on n’en fait plus, œuvre de trois perfectionnistes français maniaques de jazz et de soul. Essentiel.
Leur Myspace
Celui de Kif Records
A lire aussi : Digable Planets - Reachin' (1993)
Quelques titres :
L’amusante vidéo promo de l’album :
Jazz Liberatorz
Un retour bien pointu pour Dave, ça fait plaiz.
RépondreSupprimerA+
Ju
Hé oui, quel bon son et quelle bonne époque !
RépondreSupprimerIls passent bientôt en concert. J'ai entr'aperçu des affiches mais difficile de trouver des infos sur le net !