31 août 2008

Mud Flow - Ryunosuke (2008)

Après en avoir bassiné certains un bon nombre de fois concernant Mud Flow à la sortie de A life on standby il y a trois ans, je ne pouvais manquer l'occasion de remettre le couvert en cette année 2008, à l' heure du 4ème album de mon groupe belge préféré. "On voulait sortir un disque plus joyeux" dixit Vincent Liben tête pensante de la formation qui compte aujourd'hui Fred Donche, Charlie de Croix et Blazz. Une intention louable tant le dernier jet misait sur la mélancolie auto complaisante, pour notre plus grand spleen. Mais malgré cet avertissement prometteur, les premières écoutes nous replongent dans ces balades pop enlevées, pas bien guillerettes non plus (écouter le titre éponyme), qui ont bâti la réputation du groupe. Une impression de finalement nager en terrain connu renforcée par la longueur des morceaux -8 minutes en moyenne-, comme ça a toujours été le cas avec Mud Flow, qui laisse le temps à ses chansons de grandir, généralement vers de très beaux finaux. Mais alors, il est bien ou pas ce nouveau Mud Flow?

Bien sûr qu'il est bien: mieux produit (Rudy Coclet), plus british, plus classe donc -non pas que les moules frites ne puissent être classes-, plus gai c'est vrai ("In time" et ces Lalalalala), et surtout doté d'arrangements impeccables (toutes). Plus de choses ont été tentées dans l'écriture -sur les thèmes de la mort, souvent- et dans la voix -plus haute-, conférant une atmosphère toujours très prenante à l'ensemble, fortement appréciée par les fans, et bientôt par les autres. Des changements renforcés par le magnifique artwork signé GWL, entre élégance orientale et bordel occidental. L'auditeur compulsif se rendra compte que les plus belles perles sont au milieu de l'album, à partir de "Ryuosuke" et jusqu'à "Waltz 1", soit quatre chansons plus tard, en passant par un "Tranpoline" presque festif, et un "Monkey doll" tubulaire équipée pour la bande FM, si cette dernière voulait bien lui ouvrir les bras. Déroutant aux premiers abords, ce cru 2008 from Bruxelles contient finalement son lot de petits plaisirs, qu'il serait bien dommage de bouder.

En bref : Moins plombant que A life on standby, Ryunosuke renoue avec une pop délicate mais prête à exploser, à tout moment, en un feu d'artifice d'émotions.
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Le site officiel et le Myspace

A lire aussi : Mud Flow - A life on standby (2005)

"Monkey doll" en vidéo :

Monkey Doll

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28 août 2008

...And You Will Know Us By The Trail of Dead - So Divided (2006)

...And You Will Know Us By The Trail Of Dead, déjà ce nom ! Pas le plus court, pas le moins long, ni le moins idiot d'une époque qui en compte à la pelle : I'm From Barcelona/ I Love You But I'Ve Chosen Darkness/ Clap Your Hands Say Yeah/ We Say Party You Say Die, etc.....c'est la raison pour laquelle nous les appellerons AYWKUBTTOD ou plus sûrement, Trail Of Dead.

Les Trail Of Dead sont donc nés à la fin des 90's et enregistrent leur premier album éponyme en 1998.Composés de la paire Conrad Keely/Jason Reece et de leurs sbires du moment, le groupe se situe, notamment lors de ses débuts, dans une longue tradition US de pop hardcore, dont les plus beaux fleurons nés dans les 80's n'étaient autres que les séminaux et indispensables Hüsker Dü, Replacements ou Minutemen.

Les Trail of Dead, pourtant très portés vers le brutos, l'énergie hardcore de leurs héros, ne se départissent cependant jamais de l'héritage beatlesien de leurs ainés dont les meilleurs représentants étaient ou sont toujours les Guided By Voices ou Yo La Tengo. D'ailleurs, un très bel hommage au  groupe de Robert Pollard est de la partie ; le groupe qui sait payer ses dettes, s'acquittant de fort belle manière "Gold heart mountain top queen directory" issu sur Bee Thousand (94), le magnifiant même.

Le reste du matériel, gagne lui en légèreté et ce qu'il y avait ainsi de pesant sur Worlds Apart (2005), ces digressions symphoniques parfois un peu fumeuses, laissent la place à plus d'immédiateté, plus de spontanéité, y compris sur des morceaux plus ambitieux tel le très roboratif "Wasted state of mind", ses irrésistibles percussions et ses belles notés égrénées au piano et au bandonéon.

"Naked sun" lui, envoie la sauce comme le ferait des Mudhoney (d'ailleurs, on jurerait entendre les feulements de Mark Arm sur le refrain) sur une chanson qui de blues pêchu - normal, la mélodie du couplet est carrément pompée sur le "Work song" de Oscar Brown Jr.- s'échoue en final rêveur et majestueux. Les très étirés "So divided" et "Life" procèdent du même schéma couplet/refrain sous couvert de rock héroïque ; la voix de chat écorché de Conrad Keely qui n'est pas sans évoquer celle de s'y prêtant à merveille..

Cet album est donc un pur bijou de pop ("Eight day hell" qui revisite "With a little help from my friends") que ne parviennent pas à ternir à peine quelques refrains hardcore convenus, et un dernier morceau singeant trop ouvertement The Cure ("Sunken dreams").

...And You Will Know Us By The Trail Of Dead a peut-être accouché de son disque le plus abouti mais celui-ci a été quelque peu été boudé par la critique, qui reprochait au groupe d'avoir délaissé l'intransigeance  hardcore de ses formidables Madonna (99) et de Source Tags And Codes (2002) ; ce dernier album obtenant la note inédite de 10/10 chez Pitchfork. La réalité était sans doute plus nuancée ; car le AYWKUBTTOD réussissait ici le crossover ârfait entre l'âpreté du son des débuts et une ouverture vers une dynamique pop relativement maîtrisée/
Une chose est sûre :  ce disque,  si l'on excepte les séquences héroïques les plus inspirées de son successeur The Century Of Self  2010, serait la dernière oeuvre majeure du groupe. Qui se mettrait à ronronner sérieusement par la suite.

En bref : sans doute l'un des groupes indé les plus passionnants de la scène hardcore US des 2000"s, en live comme sur disque. Un certain savoir-faire pop hérité des plus éminents activistes hardcore de la fin des 80's.



"Wasted State Of Mind"

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The Byrds - Younger Than Yesterday (1967)

En 1967, qu'on ne s'y trompe pas : les Byrds ne sont plus que 4 en dépit de la pochette offrant des visions dédoublées de ses membres. Gene Clark a définitivement jeté l'éponge, supportant mal l'émergence de talents venant troubler sa main-mise sur le songwriting ; cette version est bien plus plausible que sa supposée phobie de l'avion. Quand on a écrit une chanson comme "Eight Miles High" et qu'on est habitué à flotter très haut sous substances psychotropes.........
Bien en a pris au désormais ex-Oyseau, qui trouvera en solo des manières très dignes d'accomplissement, tandis que Roger Mc Guinn, David Crosby et Chris Hillman, délestés des poids encombrants de Clark et de l'obsession Dylannienne vont s'en donner à coeur joie avec cet album, qui pour la première fois va tutoyer le psychédélique ; Fifth Dimension (66) l'étant surtout au niveau des textes. Et la musique des Byrds, réellement décoller vers de très hautes sphères.

Alors, les Byrds se lâchent, raillent les Monkees sur l'hilarant "So You Want To Be A Rock'n'Roll Star" (repris entre autres par Patti Smith) sur fond de trompettes mariachi,  1er jet du nouveau duo Mc Guinn/Hillman. Puis dans ce son si caractéristique de Rickenbacker 12 cordes, certes introduit par les Fab Four, mais à jamais associé au son Byrdsien, le génial bassiste (en fait multi-instrumentiste) signe seul l'enlevé "Have Your Seen Your Face"

McGuinn reprend la main sur le très curieux "C.T.A -102" qui part en réjouissante virée psyché vite calmée par la voix d'un bébé démoniaque (car filtrée à l'envers). Puis c'est "Renaissance Fair" initiée par Crosby, et après l'anecdotique et countrysant "Time Between, le futur CSN&Y signe le merveilleux "Everybody's Been Burned".

Et c'est déjà la face B, car et c'est malheureux, les albums des Byrds comptent parmi les plus courts de l'histoire, avoisinant tout juste la demi-heure, soit le temps imparti aux interminables solo des groupes prog bavards des 70's.

Donc, nous voila repartis dans le trip, toutes guitares inversées de l'ultime "Thoughts And Words", aux choeurs angéliques - on oublie à quel point les Byrds étaient fantastiques dans ce domaine, le disputant aux Beach Boys très certainement. Le nasillard et hindouisant "Mind Games" fait également la part belle aux bandes passées à l'envers ; les Byrds habillant là leur country d'enluminures sous trip LSD.

Retour au plus classique et unique reprise Dylanienne "My Back Pages", Hillman participant ensuite au jubilatoire "The Girl With No Name", avant que le disque ne s'achève par un nouveau morceau de choix, soit le "Why" écrit à quatre mains par Crosby et Mc Guinn, dont il existe une version très lente en simple, tout aussi enivrante.

En bref : que l'on soit fan des Smiths, de R.E.M ou de tout autre grand groupe pop à guitares doublées, l'on sait le tribut qui doit être décerné aux Byrds, l'un des 4,5 plus grand groupes de son temps.
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en écoute : Everybody's Been Burned


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26 août 2008

The Magnetic Fields - 69 Love Songs (1999)

En 1981,
Jean-Michel Jarre sortait son Champs Magnétiques ; peu de temps après, Stephin Merritt créait la première et la plus fameuse de ses entités, les Magnetic Fields. Aucun rapport évidemment.

Les Magnetic Fields impressionnent avec cette somme de travail, que dire ce pavé, édité en 3 CD distincts en 1999, avant de voir compiler ses 3 volumes et plus tard d'être enfin édité en coffret 25cm vinyle.
On n'enlèvera pas au leader stakhanoviste des Magnetic Fields le Merritt d'être conceptuel : en 2004, il publiait I, dont toutes les chansons commençaient par la lettre I (Ministry en ferait de même avec le W, amusant) ; en 99, il conviait donc ses amant(e)s à un ébouriffant 69.
Quoique....à bien y réfléchir, il n'est pas sûr que cette improbable histoire de laisse de chien ("Fido Your Leash Is Too Long") ou cet étrange récit de poulet décapité ("A Chicken With Its Head Cut Off") soient des déclarations en bonne et due forme ; en revanche le mot "love" apparait 11 fois dans un titre, sans compter les innombrables corollaires que sont les "cuckoo" et autres "heart" ; donc on peut raisonnablement valider l'entreprise.
Plus sérieusement,  c'est là le côté roots-hicks-bluegrass de l'oeuvre -, il reste en tout point remarquable que ne se dissimulent très peu de ratages dans la jungle de ce disque ; allez disons 3, 4 déconnades, 2 poilades, 1 merde (trouvez-là) quelques morceaux bouseux un peu auto-indulgents, pas désagréables, mais pas fondamentaux non plus. Il en reste un ratio nettement supérieur au Double Blanc.

Pour ce qui est des chansons sympatoches, l'on pense notamment aux airs folkloriques qui trahissent les origines celtiques du groupe (enfin de son leader, parce que pour le dénommé John Woo au violoncelle.....) telles la très crin-crin "Wi' Nae Wee Bairn Ye'll Me Beget" ; mais l'oeuvre entière, dans un habile mix de pop new wave 80's qui peut évoquer aussi bien O.M.D ("Let's Pretend We're Bunny Rabbits"), Young Marble Giants et leurs mélodies syncopées ("If You Don't Cry"), que XTC ("Parades Go By") ou la meilleure folk (l'élégiaque "Bitter Tears" chantée par l'énigmatique LD Beghtol (?), est remarquable de constance.
Au milieu de cela, quelques brûlots noisy pop et bardées d'écho évoquent même le meilleur de The Jesus And Mary Chain (sans la fuzz barbelée, toutefois),  ces "When My Boy Walks Down The Street", "(Crazy For You But) Not That Crazy", "Yeah, Oh Yeah !", "Washington, D.C" où le gang des frères Reid aurait invité Moe Tucker à en pousser une.

Cette même Moe Tucker si bien incarnée par la violoniste Claudia Gonson, interprète des superbes "Sweet Lovin' Man", "Yeah, Oh Yeah !" ou autres "Acoustic Guitar".
Et Stephin Merritt dans tout ça ? Il se taille nonobstant la part du lion, avec les vibrantes envolées sur piano de "My Only Friend", "Busby Berkeley Dreams", le merveilleux et si caractéristique de son art - mélancolique mais faussement candide - "I Don't Believe In The Sun", il y a aussi la narcoleptique et nimbée de ouate "Love In The Shadows".
Merritt, qui outre les innombrables chevauchées, banjo en bandoulière, s'offre même une récréation reggae "It's A Crime" et va jusqu'à singer Tom Waits sur "Love Is Like Jazz".
Il est en fait responsable des deux tiers des interprétations ; les autres échéant aux accompagnateurs indiqués, ainsi qu'à la douce Shirley Simms, responsable des très convaincants "Come Back From San Francisco" et "No One Will Ever Love You" et son envoutant feedback.

Patchwork gonflé et résumé d'un siècle de musique occidentale, 69 Love Songs est une oeuvre majeure qui invite donc au rapprochement des corps. Sans se départir toutefois d'un romantisme fin de siècle.

Cette somme remarquable a bénéficié d'une très belle première édition vinyle en 2010.

En bref :  Assurément difficile à compiler en best-of  ; trop de belles et tuantes chansons dans tous les styles formant à n'en pas douter le point d'orgue de la discographie des Magnetic Fields.



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Le site où tout trouver sur les Magnetic Fields ainsi que sur les autres groupes de Stephin Merritt et le Myspace
"The Book Of Love" du disque 1


"Epitaph For My Heart" du disque 2




Le libidineux "Underwear" du disque 3



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DODB aime Good Karma


Une fois n'est pas coutume je vous présente le chouette blog Good Karma qui avait eu la gentillesse de nous évoquer dans ses colonnes cet été (souvenez-vous). Animé par Jean Sébastien Zanchi, un passionné de musiques -on s'en serait douté-, le site existe depuis 2005 mais depuis novembre 2007 dans sa version 2.0.
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Aujourd'hui on y trouve de nombreuses news (ce qui nous fait un peu défaut) ce qui le rend très complémentaire à Dodb. Un seul mot d'ordre: le partage d'infos sur les majors comme sur les indés accompagnées de compte rendus de concerts et de soirées, ainsi que de clips. Un sympathique blog à découvrir.

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Interview - Variety Lab

Certains se souviennent sûrement du titre électro-lounge "London in the rain", reprise de la chanteuse Blossom Dearie. Variety Lab revient après cinq ans d'absence avec Team up!, aux collaborations des plus variées, du vieux routier du rock aux jeunes aspirants, en passant par une nouvelle égérie de la chanson française. Thierry Bellia apprécie toujours le molletonné des canapés Costes, mais montre qu'il ne se refuse pas à l'exercice avec ce deuxième opus vitaminé. A lire avec un grand verre de jus d'orange.

Comment fonctionne Variety Lab ? Quelle est son histoire ?

Variety lab à commencé à exister début 2000, je me suis acheté un ordinateur et un sampler. À l'époque j'étais jaloux et agacé par les interviews d'artistes qui racontaient que leur principale influence était la soul, le jazz, le reggae roots (ou des styles encore plus coolos) car leurs parents ou leurs frères écoutaient ça à la maison quand ils étaient plus petits. Moi, mes parents écoutaient RTL grandes ondes et mes frères écoutaient les Cure. Je me suis donc dis que – comme eux – j'allais faire appel aux sons que j'avais entendus plus jeune. Et manque de bol, Rinôçérose (que j'adore), avaient déjà samplé des chansons de Seventeen Seconds. J'ai donc samplé du Nicoletta et des trucs de variété française des années 70. Je dois dire que, du coup, j'ai passé pas mal de temps à écouter des merdes en pensant que c'était mieux lorsque j'étais petit. Rapidement, j'ai tourné en rond à boucler des samples de trois secondes de Michel Fugain (période Big Bazar, je précise) et à mettre un kick derrière. C'est là que mes amis de toujours, Jérôme Didelot (Orwell) et Alexandre Longo (Cascadeur) mon aidé. Ce sont d'excellents musiciens, ils ont apporté le temps et leur talent au projet. Et puis un jour, Alex Mélis, un autre ami qui a aussi un blog pas piqué des hannetons m'a envoyé une compilation. Il y avait dessus l'original de "London in the rain" et des autres titres. J'ai un peu tout mélangé, Alex Longo a joué du wurlitzer et Jérôme de la basse. Un vendeur de la Fnac Nancy nous a conseillé de l'envoyer au label qui s'occupe des compilations Hôtel Costes. Nous l'avons fait et ils ont mis ce titre sur Hôtel Costes 4. Du coup, on a fait Providence dans la foulée. Là, j'ai pas mal frimé, vu que le morceau passait parfois dans les magasins de bricolage et les bars pourpro-lounge de Nancy et même de Metz.


Depuis la sortie du premier album à Team Up !, il s'est écoulé cinq ans. Que s'est-il passé entre temps ?

La sortie de notre premier album a créé une véritable onde de choc dans toute la scène éléctro de mon quartier. Ailleurs ce fut plus discret. J'ai démissionné de mon travail, nous sommes partis en tournée aux Etats-Unis avec Orwell et j'ai retiré la moquette grise de mon appartement au profit d'un parquet flottant « merisier ». Je me souviens avoir aussi beaucoup joué avec Alex et Jérôme. Nous avons enregistré les uns avec les autres et nous avons travaillé sur « la nuit des balançoires » un disque de Hugo. Avec Jérôme, nous sommes fans de ses chansons (depuis la formule et particulièrement la nacelle). Cela nous à pris pas mal de temps. J'ai failli faire une dépression à cause d'un morceau de Hugo qui s'appelle "je vais au Brésil". J'ai enregistré toutes les prises de piano chez Alex pendant une semaine, et le disque dur à crashé avant que je fasse des sauvetages. Malgré nos efforts, nous n'avons pas réussi à refaire les mêmes prises sur cette chanson. Et les reprises sont dans un disque qui s'est grillé lui-même, jeté dans une poubelle de chez grosbill informatique. J'ai aussi filmé des dames qui faisaient des recettes de cuisine pour gagner ma vie. Et voilà cinq ans.
Puis tout doucement je me suis remis à faire des démos

Providence, était à dominante electro-lounge, Team up ! sonne pop-rock, comment expliquer ce virage ? Tu en avais assez de trouver ton titre "London in the rain" sur toutes les compilations lounge ?

Non je n'en ai pas assez. C'est flatteur d'avoir un morceau repris. Mais il y avait aussi quelque chose de frustrant : ce morceau nous a coincé dans un style particulier sans que nous puissions vraiment en profiter. En général « les gens » pensent que c'est Stéphane Pompougnac qui joue. Il y en a d'autres qui doivent penser que c'est une serveuse de l'hôtel Costes qui fait le solo de piano. Bref après toutes ces mésaventures j'ai décidé de repartir dans une autre direction. Et en fait je suis parti dans plusieurs directions différentes. Car je ne savais pas trop ce que je voulais. J'ai donc fait des démos chez moi. J'ai acheté plein d'instruments « bizarres » : un stylophone, un omnichord, un ukulélé et un vieil orgue inventé par Mattel dans les années 70. Ces instruments m'ont bien amusé. J'ai envoyé les démos à Alex, Jerôme et David Bartholomé et tous les trois ont commencé à mettre leur grain de sel la dedans. C'est devenu le principe du groupe. Je faisais des démos et on ne gardait que celles qui enthousiasmaient tout le monde. David me proposait régulièrement des lignes de chants et il m'a beaucoup encouragé, engueulé, remué - un jour, il m'a écrit : « ton texte pue le vieux cul », j'ai encore le mail.
Il m'a forcé à aller au bout des choses. C'était, là aussi, très flatteur car je suis fan de son groupe (Sharko). Il a chanté sur beaucoup de maquettes et c'est lui qui m'a incité à chercher d'autres voix.
J'ai donc contacté pas mal de gens via leur MySpace ou cherché à droite à gauche.

Donovan, David Bartholomé (Sharko), Vincent Mougel (Kidsaredead) et Yael Naim, comment s'est opéré le choix des invités ? Comment as-tu préparé cet album ?

Pour David, nous l'avions rencontré à quelques reprises lors de concerts et c'est le premier à m'avoir dit oui. Il a beaucoup participé à l'écriture des chansons. Puis il m'a incité à contacter d'autres personnes pour l'interprétation. Et pour tous c'est un cas différent. Pour Yael Naim par exemple, j'avais ses démos chez moi depuis longtemps. Elle et David Donatien avaient en effet envoyé leur maquette à Ici d'ailleurs, notre label. Et Stéphane le boss du label me fait toujours écouter les démos qu'il adore. Là, il m'a dit : « elle est super cette fille vous devriez collaborer ». J'ai donc envoyé ma démo, elle a aimé le titre (qui figure dans une autre version sur l'album se Sharko d'ailleurs !) .Elle a accepté de chanter et puis elle est devenue très connue. La phrase précedente peut prêter à confusion, ne vous méprenez pas. Pour Vincent Mougel c'est un hasard. Jérôme m'a envoyé la page MySpace de kidsaredead (son projet super bien) et on s'est rendu compte qu'on habitait tous à quelques mètres de distance. Et là aussi ce fût une rencontre déterminante. (C'est pour ça que j'utilise un passé simple). Car Vincent est vraiment doué et il s'est impliqué à fond dans les morceaux. Il a apporté beaucoup de pêche au projet car il est arrivé quand je commençais à en avoir un peu marre. Mais il est tout le temps à fond.

De quelle façon composes-tu, avec quelles machines ? Qui s'occupe de la production ?

Je m'occupe de la production musicale. Sauf le mixage qui a été fait par Yann Arnaud. Sinon je fais tout sur un ordinateur dell avec une carte son Layla 24, une version de logic audio 5.1 et des jacks multicolores qui traînent dans mon appartement. J'avais vraiment envie pour ce disque de mélanger les sons électroniques aux instruments cités au-dessus. J'aime beaucoup Pascal Comelade et au début mon fantasme musical c'était de faire une espèce de Pascal Comelade électro chanté. Bon, c'est loupé, mais au moins tu sais tout !

On retrouve dans les titres de l'album toutes sortes de textures funk, pop, rock, disco, dans tes compositions, quelles sont tes influences ?

Oui j'aime tout ça, mais pas tout dedans. Ca dépend vraiment ou je suis, avec qui etc. J'aime beaucoup le principe du Grand mix de Radio Nova. Un coup tu entends un truc electro-bizarre puis un classique de soul et hop un truc chanté en Français. Ils devraient juste passer un France Gall de 1977 de temps en temps.

Comment expliques-tu le petit côté Kitsch, sucré, ensoleillé de tes productions ?

Alors Kitsch je ne sais pas et ça m'ennuie un peu parce que je ne voulais vraiment pas ça. Pour le coté ensoleillé et sucré sans doute grâce à tous les gens qui ont participé à ce projet.

Une tournée de prévue ?

Rien pour le moment, mais on y travaille !

Ta playlist du moment ?

Tahiti 80 : all around
Fabio viscogliosi : Il Nostro Caro Angelo
Milton Nascimento : O trem azul
Kenna : Say Goodbye to love
The Stranglers : walk on by

Propos recueillis par Antoine

Le MySpace et le site.

Découvrez !

A lire aussi :
Interview - Kidsaredead

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25 août 2008

Alexander Spence - Oar (1969)

  Ce qui est bien avec cet album unique et ultra-culte d'Alexander "Skip" Spence, c'est qu'à l'aune du CV du bonhomme, est donnée l'occasion de passer en revue quelques groupes hippies de Frisco les plus excitants qui soient. Ainsi que de citer quelques autres leaders de groupes (plus ou moins) oubliés, également auteurs d'OVNIS musicaux aux confins de la lysergie mentale._
Donc, le sieur Spence, fut le batteur originel du Jefferson Airplane - un album d'ex-batteur ? Bigre, cela n'a rien d'engageant pour qui connait les croûtes de Ringo Starr ou Keith Moon malgré l'exception notable Dennis Wilson, batteur il est vrai  hors normes. Même si cette première mouture de l'Airplane n'avait encore rien d'exceptionnel , Grace Slick étant alors "remplacée" par une chanteuse oubliée. D'ailleurs, Skip n'y restera pas longtemps.

D'un naturel violent et erratique, notre échevelé au cerveau ravagé par le LSD (vise la pochette d'obédience Mr Hyde chez Mamoulian) s'en va former le mythique Moby Grape, l'un des orchestres les plus violents et les plus suggestifs du Flower Power. Il y tient l'une des deux guitares du combo jusqu'au pétage de plomb qui s'ensuit lors de l'enregistrement de Wow (68), où muni d'une hâche, il revient tout casser dans le studio d'enregistrement. Oar, enregistré et produit tout seul après un séjour sous camisole de force, est l'objet d'un culte qui ne se dément pas auprès des routiers critiques, tels Philippe Garnier, qui dans son passionnant livre Les Coins Coupés (2001) en livre une anecdote qu'il est difficile de ne pas inscrire en panégyrique.

Il est impossible de jouer les accords ouverts de ce disque folk déglingué sans avoir au préalable accordé sa guitare en ré voire en do ; c'est en effet la sonorité sépulcrale et la tessiture grave de Spence alliés à son cerveau en bouillie qui commandent cela : Oar livre d'autant mieux ses richesses qu'il est joué sur une guitare pourrie à la lisière du faux. Jouées sur un tempo très lent - semblable à la démarche statufiée du zombie qu'il est devenu alors - les chansons se succèdent dans cette torpeur vide : "Little Hands", en choeurs faussement enjoués et décharnés, sert de mise en bouche, tandis que "Cripple Creek" et le très beau "Diana" font passer Léonard Cohen pour un castrat. "Weighted Down" ou l'expiation ultime révèle un semblant d'âme, de concience j'entends ; c'est peut-être le seul titre pour lequel on n'imagine pas Spence se donner les consignes à lui même dans le studio.

Encore que l'album soit taillé, rongé dans l'os ; même s'il faut attendre l'excellent et gémi "War In Peace" où Skip s'affaire autour d'un solo de guitare et de roulements de batterie pour entendre le disque s'ouvrir vers d'autres sonorités, à la psyché toujours aussi troublée.
"Lawrence Of Euphoria" et "Books Of Moses" donnent en effet à entendre par leurs emprunts bibliques et leur chant de vieillard édenté et haletant, une sorte de Nick Cave embryonnaire, celui des obsessions blues. Comme une catharsis accomplie dans ce qui serait une salutaire et (très) brève lueur de lucidité sur son état.
L'épilogue fout la chair de poule, cela s'appelle "Grey/Afro" et consiste en une sorte de transe vaudou, avec thème obsédant dégringolant sur une batterie tribale, noyée de Flanger, ultime pied de nez sonique à ce disque qui tout en évoquant pléthore d'artistes ne ressemble à rien de connu.

Ou alors peut-être à certaines oeuvres solo et atypiques, celle partiellement ratée de TS Bonniwell (ex-Music Machine) ou bien celle très achevée de Mayo Thompson (Red Crayola). Assez curieusement, Alexander Spence n'est mort ni sous une voiture, ni pendu à une corde ou en se défenestrant ; il est tout bêtement décédé d'un cancer du poumon en 1991.

En bref : ce que pouvaient donner les ravages du LSD et une folk suppliciée. Si Syd Barrett n'avait pas été anglais.........
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"War In Peace" en écoute :


ainsi que "Grey/Afro"



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DODB sur France Inter (suite)

Ca ne vous a certainement pas échappé, le toujours impeccable Fabien s'est chargé vendredi dernier de défendre Dodb sur l'antenne de France Inter au micro d'Emmanuel Khérad dans l'émission Escale Estivale. Si vous avez manqué l'émission ce jour là ou que vous souhaitiez la ré-écouter encore et encore, voici le lien :


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24 août 2008

The Decemberists - Picaresque (2005)

Tout le monde l'a écouté, et tout le monde l'a apprécié, ou presque. Ce qui m'a décidé à sauter le pas? Le post-it traditionnellement collé sur la pochette par mon disquaire préféré : "Pop X Large par Rough Trade". Sachant que tous deux -mon disquaire et Rough Trade- ne se trompent jamais, j'avais peu de chances d'être surpris, et pourtant. Considéré comme le sommet de leur courte discographie, Picaresque succède à Castaways and cutouts en 2001 et Her majesty en 2003 et se voit sans vergogne attribuer le désormais célèbre qualificatif d' "album de la maturité". Et même si cinq membres -dont deux filles- composent la bande de Portland, c'est bel et bien le génial songwritter américain Colin Meloy qui porte le disque à lui tout seul.

Intellectuel notoire, homme de lettre, fin limier mélodique, les comparaisons avec son ami Conor Oberst de Bright Eyes sont sans fin et imposent à ce jour les deux hommes comme incontournables sur la scène folk urbain déglingué. Des mélodies hors pairs mais surtout des textes qui se refusent tout schéma couplet / refrain pour mieux raconter des histoires, celles de vagabonds bohèmes voguant d'aventures en aventures, sur la longue route de l'apprentissage de la vie (d'où picaresque). Un personnage dont la voix nasillarde ne fait pas forcément l'unanimité aux premiers abords, mais qui se laisse finalement apprivoiser, jusqu'à devenir indispensable.

Attention cependant à ne pas se laisser tromper par le titre d'ouverture, "The infanta", étrangement pompeux par rapport au reste de l'album. Mais passé ce cap, c'est du bonheur en barre. Epiques et flamboyants, les singles potentiels et universels s'enchaînent et ne se ressemblent pas, du naïf "The sporting life" au très doux "Eli, the barrow boy" en passant par le très enlevé "16 miltary wives". Un quasi sans fautes mené batterie battante, tambourins, cordes et cuivres à l'unisson sur un lit de hand claps. Comme souvent dans le genre, les collaborations sont nombreuses et même Chris Walla -le producteur- prend la guitare (pas étonnant quand on sait qu'il officie au sein des Death Cab For Cutie).

Anciennement chanteur de country -faut bien commencer-, Colin et sa bande sonnent très traditionnel américain, et semblent avoir écouté tout ce qui s'est fait entre Van Morrisson et REM (dont le titre "We both go down together" en est un vibrant hommage). Un retour aux sources tout en guitare sèche qui favorise l'émotion plaintive à chaque détour de mélodie, de "From my own time love" (pas si loin de Big Star) à "The engine driver" et son rare refrain "If you don't like me let me go" posé sur un duo accordéon / arpèges. Un accordéon qui donne une touche très européenne à l'ensemble, et qui introduit le morceau de bravoure anachronique du disque: "The mariner's revenge song", mélange d' Okkervil River et de Brel (!) qui frappe au coeur neuf minutes durant.

A noter qu'une série de nouveaux singles en trois volumes intitulée Always the bridesmaid series sortira selon des dates échelonnées à partir du 14 octobre prochain, ce qui vous laisse le temps de (re)découvrir cette merveille qu'est Picaresque.

En bref : LE chef d'oeuvre d'un collectif américain bouillonnant, mené de main de maître par un fan de Morrissey et Neutral Milk Hotel. Whatelse?

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Le site officiel et le Myspace

A lire aussi : The Raconteurs - Consolers of the lonely (2008)

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"16 miltary wives" et "The mariner's revenge song" en vidéo:



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Dieter Schöön's - Lablaza (2008)

Surprise complètement inattendue prévue dans nos contrées pour octobre prochain, le suédois Dieter Schöön -déjà bien connu chez lui- débarque avec un premier album plutôt brillant, multi influencé et surtout diablement subversif. Avec un nom digne de figurer dans une chronique d'Emmanuel, Dieter a fait vraissemblablement appel à une production phénoménale emmenée par le label Headspin, suédois lui aussi. de quoi agencer un savant fourre tout, entre pop expérimentale et electronica décomplexée, proche des élucubrations des Earlies, Hot Chip et autres Radiohead. Les parties les plus mélancoliques autorisant même la comparaison avec le Mutations de notre ami Beck.

Dès l'ouverture, sur "Manuel", on flirte avec la bidouille d'Animal Collective et la folie du feu Beta Band. On sent que ça ne va pas être si simple que ça à chroniquer, finalement. Surtout quand le sublime "Mary Jane" commence, comme le meilleur de The Coral, qui par une lente incursion de sonorités, se transformerait en un dub maîtrisé du plus bel effet. On nage en plein mariage arrangé. C'est déjà l'un des sommets du disque. Plus ludique, "Warm Hearts" évoque irrémédiablement l'esprit du Panda Bear de Person Pitch, et arrêtez moi si je me trompe, se termine en une instru très proche du récent générique de l'Ile de la tentaion (sic).
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C'est la grande force de cet album, sauter du coq à l'âne en gardant une logique. Car dès "The Harbour's cold", le rythme se libère, devient plus rapide, et garde un pied dans la mélodie sans jamais sacrifier aux facilités drum'n bass. Et alors que l'on se prépare à décoller, "Soft and slow" est comme son nom l'indique, soft and slow. Une ballade donc, bien mieux réussi que le trop simple "Everyone must leave". D'autres titres continuent d'osciller entre le Archive de Londinium et le délire tribal d'Animal Collective. Dernière originalité du disque, "Jethead" qui donne l'occasion aux Beatles de revivre en 2008 dans un délire rave inattendu.

Fortement imbibé d'opium, d'acide et de gaz hilarant, ce premier album est une réelle réussite là où on ne l'attendait pas, qui pourrait si l'on y met du notre, venir faire concurrence à ses frères américains et anglais. C'est tout le mal que je lui souhaite.

En bref : Un suédois se joue des références opiacées sur un premier album complet.


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Le Myspace (pour écouter "Mary Jane", svp)

A lire aussi : Panda Bear - Person Pitch (2007)
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TV On The Radio - Return To Cookie Mountain (2006)

TV On The Radio était un groupe multiracial - on n'en trouve pas tant que ça, des Equals aux Specials, en passant par la Family de Sly Stone. Là, les Blacks ont carrément pris le powaa, avec pas moins de 2 chanteurs, même si originalité ultime, le démiurge du groupe est en fait un blanc, l'essentiel David Sitek, producteur de son état (de New York, ha ha ha ). Il s'est en effet occupé des Yeah Yeahs, de Liars et est le bassiste du groupe.
Avec Tunde Adebimpe avec qui il fonda le groupe, il est ainsi impliqué sur la majorité des compositions.

Tribal et biscornu "I Was A Lover" ouvre l'album et il y a déjà matière à s'enthousiasmer sur la qualité de l'écriture la texture des voix et les sonorités. "Hours", deuxième piste déclamée par Tunde Adebimpe, est ce genre de morceau qu'on avait pas entendu depuis des lustres : libre, mélodique, un peu fou, qui sous l'apparence d'une mélodie sage, fait apparaître des premières brisures free par son sax inopiné, pas aisément discernable dans le mix en premier lieu. Ceci convie à une atmosphère étrange ) qui constitue la marque de fabrique du disque.
Présent au casting de la chanson comme alors dans à peu près un disque sur deux parmi les groupes qu'il affectionne, David Bowie est noyé dans le mix de "Province", heureusement supplanté par le falsetto de Kyp Malone à l'octave.
Tout l'album est parfait, de l'étonnant et a capella "A Method", qui rappelle certain groupe mythique vocal, en passant par la chaotique et hautement jouissive "Playhouses", qui soudain enfourche la 6ème vitesse sur un tempo jungle du plus bel effet : saturation, hypnotisme de la mélodie qui pilonne en boucle, choeurs aériens en sus.

La deuxième face reprend l'affaire où elle l'a laissée, avant que d'enchaîner avec une énième perle, ce "Dirtywhirl" tournoyant et apaisé, aux délicats et discrètes nappes de Rhodes. "Blues From Down Here", en comparaison, se veut dark, avec toujours ce subtil stratagème des voix de Adubimpe et Malone qui se complètent à l'octave, sur un rythme presque martial. "Tonight" un autre condensé de la richesse vocale du groupe, est plus laidback ; et mélancolique. Qui annonce le chaos final de "Wash The Day", sur vomissures de larsens et de feedback.
La tempête après le calme.

Par la suite et après la parution de quelques bons albums, le décès brutal du bassiste Gerard Smith a semble-t-il porté un coup fatal à la formation de la Grosse Pomme qui n'a plus publié que Seeds en 2014.

En bref : un grand disque, l'un des plus novateurs des 2000's finissantes, qui sort quelque peu l'indé de ses sentiers battus.



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Le site off de TVOTR et le Myspace

"Dirtywhirl"


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22 août 2008

Isaac Hayes - Hot Buttered Soul (1969)

Là où les mécréants ou autres mélomanes à la vue basse s'arrêteront à la star mégalo devenue scientologue sur le tard, revêtant chaînes en or sur un torse aussi glabre que luisant d'imparable pimp, nous retiendrons avant tout le destin hors du commun d'un des plus grands artistes soul à avoir sévi.
A vrai dire, Isaac Hayes est l'un des plus patentés dépositaires de cet art du groove, du déhanchement sexy et lascif au son de cuivres aussi tranchants que cristallins, lorsqu'il usine à la douzaine au début des 60's, tous les hits maisons de la Stax, et qu'il se fait le nègre d'à peu près tout le monde : les "Hold On I'm Comin' " ou autres "Soul Man" de Sam And Dave , c'est lui.

Dans les années 80, 90, soit bien après l'heure de gloire des chefs d'oeuvre de la blaxploitation que sont Shaft (71) et son thème ultra célèbre, ou Tough Guys (74), quantités de musiciens parmi lesquels Portishead et Massive Attack le sampleront parfois au-delà du raisonnable, érigeant des hits entiers sur la trame mélodique des chansons du génial compositeur-arrangeur.
A vrai dire, et jusqu'à ces soundtracks cruciaux, c'est toute l'oeuvre solo de Hayes qu'il convient de posséder, et en premier lieu cet étonnant deuxième album. Il n'est constitué que de 4 pièces, et donc comme souvent dans l'oeuvre d'Isaac, de variations, de jams électriques autour d'un même thème, qu'il soit de sa propre création ("One Love" et ses choeurs féminins....)

Ainsi en va-t-il du mythique "Walk On By" du tandem Bacharach/David repris par à peu près tout le monde, de la somptueuse Dionne Warwick aux. Stranglers  ; tous en ont tiré de vaillantes adaptations. Mais est-il utile de le préciser, aucune n'a atteint en majesté celle d'Isaac qui lui donne un tour "symphonie de poche".
"Walk On By", dans une unité parfaite est mixée à la longue jam d' "Hyperbolicsyllabicsesquedalymistic" - ce n'est certes pas à Prince que l'on dut les premiers titres alambiqués  - véritable orgie de choeurs, de wah-wah furieuses et d'orgues disloqués.
En comparaison, la si IsaacHayesment vôtre "One Love" qui ouvre la face B au terme de 20' endiablées paraîtra un brin sage, ce serait oublier toute l'onctuosité dont Hayes est capable aux confins du trémolo et du sirupeux sexué qui sont sa marque de fabrique, sur tapis de violons.
Le dernier titre consiste en une longue intro sur le "By The Time I Get To Phoenix" de Jimmy Webb - que Nick Cave rependra brillamment.  Le tout sur une unique note d'orgue Hammond, jusqu'au final qui reprend peu ou prou, toute la trame dramatique instrumentale du début de l'oeuvre.

Ne jamais oublier l'adage qui est que lorsque Barry White n'est pas mièvre, c'est Isaac Hayes qui chante.

En bref : un Isaac Hayes frémissant, et susurrant une pop princière, libre. Du grand art en  terme d'interprétation et de production.
 
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"Walk On By"

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21 août 2008

DODB sur France Inter

Quelques minutes seront consacrées demain à DODB dans l'émission de France Inter Escale estivale. Il y sera question de la création du blog, de son but et de son développement. En somme la petite histoire de notre cher site. Rendez-vous donc à 18h10 pour écouter tout ça.

Pour podcaster ou simplement écouter l'émission d'Emmanuel Khérad : Escale estivale sur le site web de France Inter.


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19 août 2008

The Beach Boys - Surf's Up (1971)

Il est communément admis que ce monument constitue la dernière grande oeuvre des cruciaux Beach Boys, et c'est juste. Est également souligné l'apport nouvellement écologique de ce 17ème album studio de la fratrie Wilson, en phase avec la prise de conscience environnementale de la pop d'alors.

En revanche, il est beaucoup moins universel de voir en Surf's Up, le chef d'oeuvre des Garçons de la Plage. Et pourtant, de même que Sergent Pepper... ne constitue pas le sommet créatif des Fab Four, Pet Sounds (66) son pendant beachboysien, est malgré son contenu princier, un tantinet surfait.
Les Beach Boys sortent de grands disques depuis qu'ils ont levé l'option surf systématique de leurs oeuvres et que Brian Wilson s'est affirmé comme un compositeur décomplexé et brillant. En gros, depuis All Summer Long (64) et Today! (65). A partir de Pet Sounds, ça devient plus problématique, car les démons intérieurs de l'ainé des Wilson le rattrapent au point qu'il va peu à peu laisser les rênes du groupe à ses frères et à l'infernal Mike Love. Et que tout ce qui va découler du naufrage Smile, sera finalement jeté en pâture sur de très beaux albums, dont celui qui nous occupe.

Carl se taille ici la part du lion, avec les enchanteurs et candides "Long-Promised Road" et "Feel Flows", qu'il chante d'une voix aérienne. Sans parler de sa partie lead sur la première partie de "Surf's Up" . Voila pour le consensus , avant le tuant assaut final qu'est la face B (avec "Feel Flows" en ouverture) Alors, ce qui semble gêner le plus de "spécialistes", c'est l'influence toujours plus forte du cousin et du copain des 3 frères, le despotique Mike Love et le fluet Al Jardine. Il n'empêche : leur contribution sur "Don't Go Near The Water" est remarquable, et le rocker "Student Demonstration Time" est admirablement bien chanté par Love.

Oublieux sont aussi ceux qui ne mentionnent jamais la bien sous-titrée "Looking At Tomorrow (A Welfare Song)", l'un des morceaux les plus méconnus des Boys, et qui bénéficie de la griffe et de l'angélique apport de Al Jardine ; "Looking At Tomorrow" ? L'un des seuls morceaux de l'art Beachboysien, qui puisse être fidèlement rendu avec une seule guitare.

Alors, bien sûr, il y a bien la cucu "Take A Load Off Your Feet" (et encore !) ou la gentille bluette de Bruce Johnston ("Disney Girls") dans cet enchevêtrement de chansons disparates, alors d'où vient que cet édifice hétéroclite tient à ce point la distance ?
De sa pluralité. Ici, tout le monde chante, en lead, en choeurs, les plus doués composent ; en fait il se passe un peu la même chose lorsque Harrison prend confiance en lui et offre ses meilleurs morceaux à Lennon et Mc Cartney à partir de Rubber Soul (65).

Mais ce qui fait de Surf's Up un monument difficilement surpassable -tiens, les Beatles avaient bien fait de se dissoudre, car la compétition par Atlantique interposé, aurait fait rage- c'est en fait le brelan de chansons signées Brian Wilson en toute fin de disque, celles dont les béotiens disent qu'elles sauvent le disque ; alors qu'elles ne sont que 3 gemmes de plus au riche répertoire des BB.

En ces temps troublés, où Brian ne fait plus partie des tournées du groupe, se voit mettre sur la touche par son félon de cousin et a le cerveau en compote, persuadé qu'il est d'avoir déclenché un incendie à distance (l'affaire des musiciens casqués en pompiers), il délivre à la planète ébahie un manifeste dans lequel il raconte sa vie d'arbre ("A Day In The Life Of A Tree", chanté par le manager Jack Rieley, à la troublante similitude de timbre) au son d'un harmonium liturgique, s'imagine en bouchon de bouteille dérivant sur une mer déchaînée ou en feuille d'arbre volant inexorablement au vent (" 'Til I Die") -ce sont là les affres d'un cerveau en miette-  avant que de s'échouer avec son frère Carl, sur la symphonie de poche du morceau-titre, dans un texte touchant de sincérité sur la fin du rêve 60's.

En bref : que dire de plus qui n'ait été dit ? Cet album est une pièce essentielle à l'art pop du siècle dernier, et qu'il recèle la plus belle chanson du monde, "'Til I Die". On en oublierait presque les arrangements et la texture, d'une confondante modernité, comme toujours chez les BB.

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Site Beach Boysien

Acheter  Surf's Up chez l'International Records

"'Til I Die ":





"4th of July", magnifique inédit des sessions de Surf's Up et publiée en coffret il y a quelques années ! Gemme signée Dennis Wilson !


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18 août 2008

The Magnetic Fields - Distortion (2008)

N'en déplaise à Nickx, je me charge de prendre la Distortion à bras-le-corps, et les Champs Magnétiques avec des pincettes. Ce temps passé à se demander qui en écrirait la chronique (Distortion est sorti en février!) est peut-être le signe du doute que suscite cet album : comment appréhender un tel changement chez the Magnetic Fields? Certes, Stephin Merrit nous a appris à le suivre de la pop à violons à la pop à guitares, de la pop en ukulélé à la pop en synthés. Mais ce au sein d'un même album, si bien qu'au final, nous pouvions reconnaître et s'attacher au style de The Magnetic Fields.

Ici, Stephin Merrit, accompagné d'une nouvelle chanteuse à qui il laisse l'interprétation de la majorité des chansons, nous propose un son que nous n'avions encore jamais entendu chez son groupe. Distortion, renvoie, comme son titre le fait à un premier degré, à la noisy pop de la fin des années 80, celle de My Bloody Valentine, ou The Jesus and Mary Chain. Gulp. Et peu après la sortie du dernier album de The Raveonettes dans le même créneau, il est intéressant d'écouter ce que devient cette pop lyrique, collage poétique de chants mélodieux et de murs de révérbérations de guitares dissonnantes, après un passage entre the Magnetic Fields.

Encore une fois, tout est dans le titre. Alors que les précurseurs de la noisy pop étaient habités d'un grand sens de la poésie, the Magnetic Fields en reprennent le son pour raconter les pires horreurs, soit des histoires de vieux soûlards, de solitaires frustrés, ou de pétasses californiennes. Distortion est bien tordu, et tord le cou aux sens communs de la beauté. Stephin Merrit est un grand iconoclaste: l'icône de la pochette n'est pas innocente, ô loin de là. Distortion est donc une bonne blague, dont les textes sont au fond tristes et horribles comme il se doit, et d'autant plus hilarants.

Mais les blagues les plus courtes sont les meilleures, et il faut avouer que sur la longueur, plusieurs mois après, l'album ne présente plus beaucoup d'intérêt. Toutes ces guitares peinent à rendre ces chansons vraiment attachantes. Seuls les titres les plus enjoués restent drôles et musicalement efficaces: "Three Way", "California Girls", "Too Drunk to Dream". Les autres ne restent que drôles. Mais peu importe puisqu'ils ne donnent plus très envie de les réécouter. On les aurait en réalité sûrement préféré dans un habillages de violons... Mais tant pis; de toute façon, the Raveonettes n'ont pas fait mieux.

En bref: The Magnetic Fields se jouent de la noisy pop. Bonne blague! Bonnes chansons! Mais nous préférions les violons!




Le site officiel de Stephin Merrit et de ses projets.
Le Myspace de The Magnetic Fields.
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A lire aussi : The Magnetic Fields - Live à KarlstorBahnhof, Heidelberg le 03/07/2008


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Big Star - Radio City (1974)

Ah, si Alex Chilton avait été anglais ! Pour un génie précoce comme lui - "The letter" interprété à 16 ans au sein des Box Tops, c'était lui - eh bien, gageons qu'il aurait goûté aux affres de la célébrité comme d'autres très doués façon Stevie Winwood, Steve Marriott ou Dave Davies, fleurons de la classe biberon.
Las, notre homme était bêtement américain, ce qui signifie peut-être un marché au potentiel colossal, mais hélas nul n'est prophète en son pays, aux Etats-Unis moins qu'ailleurs, qui nous exportent généralement leurs plus splendides losers façon Flamin Groovies ou New York Dolls pour ne parler que de pop rock.

Donc, une fois achevée l'aventure blue-eyed soul des Box Tops, Alex Chilton se retrouve aux commandes de Big Star, combo adepte de flamboyants power chords, et grave dès 1972 le culte et superbe #1 Record qui fait un four complet. La maison de disques Ardent, pourtant une succursale de la mythique Stax oubliant d'assurer une diffusion correcte du disque. C'en est trop pour le dépressif et déjà dans le Cosmos Chris Bell, principal pourvoyeur de chansons aux côtés d'Alex ; l'aventure se poursuivra donc en trio.
Radio City, qui n'est pas davantage considéré par la maison-mère sonnera le glas des espérances commerciales de Big Star, lequel sombrera et splittera peu après, et pourtant quel disque ! C'est bien simple, cette oeuvre est annonciatrice de toute la brit-pop des 90's, rien de moins.
Il y a aussi deux ou trois choses en sus de la magnifique photo de William Eggleston qui constituent la valeur ajoutée de Radio City  : un chant princier, doux et désabusé, qui offre un troublant mimétisme avec celui de Roger McGuinn, des ruptures harmoniques étonnantes et flirtant parfois avec le jazz (voir les breaks et les montées en septième de "O my soul") et l'art d'aller à l'essentiel (la concision parfaite des mélancoliques "Morpha too", au piano désenchanté ou "I"m in love with a girl" et ses délicats accords diminués). Des couplets et des refrains qui font la joie des apprentis guitaristes et nostalgiques beatlesiens que ne sont pas sans évoquer les impeccables "Way out west", "You get what you deserve" ou autres "Back of a car".

Radio City, c'est aussi l'album du mini-classique de Chilton, son incontournable en public, la si charmante "September gurls" (avec un "u" ) qu'on a pu écouter lors des ultimes festivals, accompagnée du groupe reformé (de ce qu'il en restait), et avec l'ajout de membres des Posies, adorateurs notoires.
En 1978, sortira le dépressif Third, rebaptisé Sisters Lovers, que lui préfèrent certains aficionados. Impossible d'en démordre : c'est ce deuxième album de loin le plus abouti qui fixe à jamais le savoir-pop de Big Star.

En bref : classique indémodable , et four commercial absolu à ranger aux côtes des Pet Sounds 
et autres Berlin.





Le site officiel et le Myspace d’Alex Chilton


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Big Star, en concert ("Way Out West"), tel que j'ai pu les voir "reformés"à Benicassim (hé, hé !) et "Back Of A Car", génial !













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15 août 2008

Gui Boratto live au Panorama Bar - Berlin

La première angoisse qui vous saisit à l’approche du Berghain / Panorama Bar est celle de vous faire jeter. La sélection a la réputation d’être extrêmement aléatoire, bien que démocratique. Contrairement aux boîtes parisiennes, l’établissement berlinois n’apprécie pas les clubbers trop sapés ou trop sûrs d’eux. Les touristes ivres ont également peu de chances. Le physio du club, un géant gothique tatoué et percé nommé Sven Marquardt, est à lui seul une légende. Photographe trash de son état, il vous scrute, impitoyable, et vous songez un instant au pénible chemin du retour qui vous attend en cas d’éjection, le club étant franchement excentré, à proximité de l’Ostbanhof (gare de l’Est). Pour nous, fort heureusement, ce sera un “Viel Spass” (amusez-vous bien) libérateur. Ouf!

Ce vendredi soir, la grande salle du Berghain est fermée et seul le Panorama Bar, au troisième étage, est accessible aux clubbers. Gravir les escaliers presque insalubres de l’établissement procure déjà une émotion intense, qui s’accroît à mesure que les basses pénètrent vos membranes. L’architecture massive et minimaliste du club, installé dans un ancien transformateur électrique des années 1950 au beau milieu d’une friche industrielle caillouteuse, confére une atmosphère unique au lieu : on a davantage l’impression de se plonger dans une free party que dans un club à proprement parler. A l’origine, il y avait l’Ostgut Club, établissement gay aux moeurs libertines, contraint à fermer en 2003. L’année suivante, la boîte déménage et prend le nom de Berghain, en référence à sa situation géographique à la frontière des quartiers Kreuzberg et Friedrichshain. Le lieu se démocratise peu à peu, même si ses darkrooms sont encore témoins de scènes parfois licencieuses.

Retour dans la salle, dont les murs sont couverts de gigantesques photographies de parties génitales signées Wolfgang Tillmans - j’ai particulièrement scotché sur l’une d’elles, rappelant étrangement L’Origine du Monde de Courbet. Aux platines pour entamer cette nuit consacrée au label Kompakt, Mathias Aguayo lâche un set minimal et mélodique sur lequel il éructe comme un punk efféminé. Un bon hors d’oeuvre, sans plus. Le plat de résistance arrive bien chaud vers 3 heures. Tout sourire, monsieur Gui Boratto, petit homme discret et courbé auteur du formidable album Chromophobia en 2007, se cale derrière son laptop sous les hurlements euphoriques de la faune homo-hétéro-ado-quinqua qui l’attendait de pied ferme. Dès lors, je dois bien avouer que ma mémoire passablement endommagée ne me restitue que quelques flashs embrumés, parmi lesquels une version densifiée de son "Gate 7" qui me fit l’effet d’un uppercut acide. Le climax sera atteint vers 5h, lorsque Boratto balance "Arquipelago", l’un de ses premiers maxis, et également l’un de ses meilleurs. La liesse est totale, cataclysmique. Le Brésilien prend un plaisir visible à jouer pour ce public de connaisseurs. Même Fanny, habituellement peu sensible à la techno minimale, lève les bras au ciel et hurle de joie...

A notre sortie dans la lumière blafarde du petit matin berlinois, une seule idée me traverse la tête, retourner dans ce lieu hors du temps. Le courage et les forces me manqueront cependant pour la soirée BPitch du samedi, réunissant entre autres Lee Van Dowski, Chaim, Sascha Funke, Ellen Alien et Modeselektor (!). Sans hésitation le meilleur club que j’ai visité, devançant même la sublime Fabric de Londres. Si vous passez à Berlin, considérez cette “visite” comme incontournable.

Gui Boratto - Arquipelago


Le site et le Myspace du Berghain
Le site et le Myspace de Gui Boratto

A lire aussi : Gui Boratto - Chromophobia (2007) et Gui Boratto - Chromophobia remixe part 1 (2007)
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14 août 2008

Jeremy Jay - A Place Where We Could Go (2008)

Le glam-rock est-il mort? Pour qui n'en a retenu que le rock'n'roll et les poses ridicules, définitivement. Mais il réapparaît parfois, réduit en jean et T-shirt, sous sa plus belle forme, soit celle de ces grandes ballades à-propos héritées de Hunky Dory (Bowie), Electric Warrior (T-Rex), ou de Steve Harley & Cockney Rebel. Et l'on craque à chaque réapparition, pour cette production délicate de guitares aigües et de batteries de coton. Dès les années 90 le glam était revenu nous hanter, nous tromper, nous jeter de la poudre aux yeux : Supergrass ou Guided By Voices avaient repris le flambeau. En ces années 2000, nous passerons sur Of Montreal et autres, puisque A.C. Newman avait déjà placé la barre bien plus haut avec The Slow Wonder (2004), tandis que Destroyer, avec Streethawk : a Seduction (2000) s'était directement élevé au rang des grands de 71-74, n'en déplaise aux passéistes.

Les pop-songs de Jeremy Jay sonnent, et c'est jouissif, incontestablement glam. Mais le jeune homme en propose une version tordue, déformée par les réverbérations de sa voix de crooner, magistralement enregistrée par Calvin Johnson. Et cette voix se balade avec une classe folle sur des compositions parfaites et parfaitement produites dont "Till We Meet Again" est le sommet judicieusement placé à mi-album, juste après une escale à Aspen ("Escape to Aspen"), dont la mise en scène rejoint celle, inoubliable, de The Fall (sur Fall Heads Roll). Mais ce ne sont qu'exemples, car chaque chanson exerce un pouvoir, qui va même au-delà de l'émotion pop. L'ensemble est vraiment excellent, et concis, et cohérent. Les chansons durent moins de trois minutes et s'enchaînent sans temps mort. Même si les tempos sont lents, Jeremy Jay ne laisse aucune place à une mélancolie hors de propos.

Cette voix! Le chant du jeune crooner fait montre du même dandysme et du même détachement que celui de Jarvis Cocker. Mais aussi de la même gravité que celui de Ian Curtis. Au lieu de jouer de leur brillance aveuglante, Jeremy choisit d'assombrir la pièce, et d'égarer ses chansons dans des méandres obscurs. Obscurs objets de fascination. Jeremy Jay déambule, et l'auditeur avec, dans un monde nocturne dont on aperçoit les éléments au gré des lampadaires ou des spotlights. L'instrumentation est très réduite : le décor de "While the City Sleeps" se compose d'une basse lancinante et sensuelle, de snaps et d'une voix qui ne le sont pas moins. Au fur et à mesure des pas, le frisson se fait aussi inquiet qu'excité. Les rues sont désertes, et résonnent d'échos tout droit venus du monde industriel du Désert Rouge. Les gens font-ils la fête ailleurs? Les rejoindrons-nous? Car ceux que l'on a croisés jusque là portent certes des vêtements flamboyants, mais leur visage est blême. La production de Calvin Johnson est si datée que le disque nous apparaît comme un objet du passé revenu nous hanter avec une voix d'outre-tombe. La pochette annonce la fin de l'album après le magnifique "Someone Cares". Mais il poursuit sa route sans se soucier de sa mort annoncée, avec un titre sans titre de toute beauté. C'est un monde de morts-vivants qui reviennent s'amuser, beaux et élégants.

Ce premier album porte une esthétique très marquée, et se développe autour d'une ligne directrice très forte. Mais il ne peut être déjà considéré comme une griffe, comme une introduction au style Jeremy Jay. Il y a seulement réuni ses titres les plus glam, justement. Ce qui peut décevoir les passionés qui suivent le musicien depuis plusieurs mois au gré de ses chansons postées très régulièrement sur Myspace. Car ces morceaux, à l'instar du single "Airwalker" ont un pouvoir de fascination bien plus grand encore que ceux réunis sur A Place Where We Could Go. Une sorte de funk grave et froid, glacé par des notes de clavier new-wave. Et alors qu'on espérait un grand disque de funk étrange, Jeremy sort un petit album de glam bizarre. Mais peu importe, le talent du garçon est immense, et ses chansons sont si précieuses que l'on craint qu'elles nous échappent.
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En bref: De la pop glam au son patiné, assombrie par une grande voix de crooner caverneuse. Des compositions qui se baladent fièrement au-dessus de leurs contemporaines. Une collection de titres excellents qui ne témoigne même pas assez du talent de leur auteur. Une invitation à écouter ses inédits fascinants, forgés dans un funk froid et sombre.




Son Myspace, une mine d'or à creuser.


A lire aussi: Destroyer - Trouble In Dreams (2008)

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"Someone Cares" en vidéo:
Et "Escape to Aspen" en live:

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