06 août 2008

Beck - Sea Change (2002)

Si Mutations était le disque de l'insouciance, de la parenthèse amoureuse, Sea Change toujours folk est son pendant de la rupture. Amoureuse, en premier lieu -c'est pourquoi le disque est si sombre - et rupture de ban avec la critique, qui depuis le multiplatiné Midnite Vultures, n'aura de cesse de se payer le californien touche-à-tout.
Arguant de sa longévité, de sa fécondité et de ses parti-pris spirituels, certains critiques n'auront de cesse d'occulter l'essentiel : sa musique.

S'il est vrai que "Paper tiger" est un véritable calque de Histoire de Melody Nelson (71), dont il épouse jusqu'à la rondeur du son de basse, la chaleur des cordes, et l'attaque de guitare, le morceau compte de toute façon parmi ce que Beck a fait de mieux. D'autre part, dans un contexte musical où tout sonne peu ou prou comme une allégeance à Serge Gainsbourg, Beck ne fait que rappeler son admiration envers celui dont il a racheté tous les disques lors d'un séjour à Paris. Comme dit l'autre : mieux vaut piquer un riff qu'en inventer deux mauvais.

Nombre de gens pourtant séduits par la production clinquante mais au final creuse de Midnite....ne virent en Sea Change que l'oeuvre désincarnée d'un artiste bobo à côté de ses pompes et croulant sous l'ennui et les royalties. 
Nonobstant, s'il est toujours difficile des années après de percevoir une différence entre les arpèges de "The golden age" et ceux de "Guess I'm doin' fine", il y a cependant dans ce disque matière à s'enthousiasmer.
Beck la joue folk, mais mélancolique et ténébreux - pas blasé ni shooté. Dès la quatrième piste, un vibrant "Lonesome Tears"  arrache des larmes ou à défaut une sourde émotion.
La terreur et l'effroi de  "Round the bend", qu'on jugerait produit par Robert Kirby - ces cordes eerie -  réussit à faire dresser les poils. Les magnifiques contrepoints de contrebasse honorent en effet Beck de sa dette à Nick Drake. "It's all in your mind", revisité et amélioré, est un ancien single de Beck chez Kub Cares qui témoigne des progrès réalisés par le blond californien. Les arrangements, toujours discrets de cordes et pianos, ne font que souligner l'excellence des compositions d'un disque qui n'a pas peur d'exhiber ses failles - ici Beck ne chante plus de sa gênante voix de fausset, ce qui sert mieux son propos.

Et si le touchant "Lonesome cause", au titre peu engageant peut paraître primesautier au regard de l'ensemble, les ambiances sombres de "Already dead" et ses envoûtants échos, arrivent à point nommé pour recoller à l'humeur générale du disque.
Dans son final, Sea Change offre même deux des meilleurs chansons de Beck : "Sunday sun"  subtilement décalé avec son dulcimer tout droit sorti de  "Lady Jane".
Et "Little one", qui parachève dans la dramaturgie ce dernier disque majeur de Beck Hansen ; "Side of the road" ne lui offrant qu'une trompeuse éclaircie.

En bref : un grand f**k aux béotiens français qui n'ont eu de cesse de sabrer Beck sur l'autel de sa scientologie. Les américains, ont fait preuve de davantage de discernement, qui ont classé ce disque dans le Top 8 de l'année 2002, et ont su faire fi de tout effet de mode putassier. 


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A lire aussi : Beck - Modern Guilt (2008)
"Sunday Sun" en écoute :

1 Comment:

Anonyme said...

pour ma part j'ai aussi un gros faible pour cet album, qui, effectivement, a été un peu sous-estimé à sa sortie.