Dejà deux ans après la sortie de Awoo, The Hidden Cameras, groupe génial et fauché, continue inlassablement d'enchaîner les petites tournées, souvent allemandes et autrichiennes. Deux ans, c'est un laps de temps qui nous laisse en droit d'attendre du nouveau, de voir en ce concert l'occasion d'entendre les dernières compositions de Joel Gibb. Mais The Hidden Cameras, groupe génial et fatigué, n'a que deux inédits à nous offrir ce soir. Ils ouvrent d'ailleurs le concert avec un de ces inédits, qui font cruellement grandir les attentes quant à la suite. Un bleu sombre enrobe les sept musiciens, et le premier inédit se développe en boucle dramatique autour de notes de clavier synthétiques, grande nouveauté dans le son de The Hidden Cameras. Il y a deux jeunes nouvelles recrues derrière ces claviers, et l'on devine qu'ils sont à l'origine de la réorientation sonore de cette "gay church folk music" (comme la qualifie Joel Gibb, fondateur du collectif). C'est que The Hidden Cameras est un groupe ouvert, où les musiciens circulent au gré des rencontres et des projets. Le violoniste Owen Pallet (Final Fantasy) est parti depuis des années maintenant, et aujourd'hui on regrette l'absence de l'enthousiaste batteuse Lex Vaughn (partie rejoindre Lesbians On Ecstasy), et de la charmante claviériste Maggie MacDonald. L'ensemble et donc exclusivement masculin ce soir. Mais le groupe fonctionne et avance ainsi, des figures partent et d'autres arrivent; ce qui a l'avantage de rendre chaque concert unique, selon les cohésions entre les personnes, public compris, puisque celui-ci a aussi un grand rôle à jouer.
Et donc, il importe peu que The Hidden Cameras ne propose que quelques inédits, puisque le propos est collectif, et que le public est en majorité composés de fidèles qui participent aux circulations d'énergie. The Hidden Cameras sont, de leur ville-mère Toronto à l'Europe germanique, discrètement devenu cultes, et leurs chansons font toutes figure de tube aux yeux des passionnés. Donc quels que soient les titres choisis parmi les quatres albums du groupe, le public ravi peut se les approprier. Il fait partie d'elles, elles font partie de lui. Les musiciens, qu'ils soient derrière un violoncelle ou un xylophone, crient, jouent, bondissent, provoquent. La joie est extatique pendant "Ban Marriage", "Lollipop", ou "Smells like Happiness", pendant laquelle le groupe exécute le rituel attendu : jouer avec le célèbre bandeau rouge sur les yeux.
Il est vrai qu'il peut manquer aux non-initiés un peu de l'intensité du moment, même si l'énergie donnée sur scène est indéniable, et que les pop songs s'apprécient, grâce aux qualités d'écriture de Joel Gibb, même si on ne les connait pas. Mais on ne peut pas regretter que ces concerts semblent n'appartenir qu'aux membres de cette "Armée aux Manières Douces" qui suivent The Hidden Cameras depuis des années, tant il est émouvant de pouvoir constater que The Hidden Cameras possèdent, comme Belle and Sebastian, cette force imperceptible à certains qui les place au centre d'un cercle fidèle et secret. Un concert de The Hidden Cameras, lorsque ce public est au rendez-vous, ressemble donc à une célébration de la vie et du sexe sale (ces paroles!), à une petite messe secrète, baroque et tordue, fascinante et jouissive. Et on espère seulement qu'ils ne ressortiront pas définitivement épuisés d'un tel don d'énergie. On repense à ces concerts vains et tristes qu'on les a vu donner devant une poignée de légumes, et on espère aussi qu'ils n'abandonneront jamais.
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Découvrez The Hidden Cameras!
Découvrez The Hidden Cameras!
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