Déjà quatre ans se sont écoulés depuis la sortie de Wet From Birth et l'exceptionnelle tournée avec Bright Eyes. Si j'ai certes pu survivre sans The Faint, il m'est difficile de nier l'attente qu'a suscité la sortie de leur nouvelle production, Fasciination. Quatre ans, tout de même. Entre-temps, il y a deux mois, un premier extrait, "The Geeks Were Right", a affolé les blogs : l'electro-rock sombre et profondément sexy du groupe culte et pourtant jamais hype allait faire son retour! Or, l'excitation est aussitôt retombée: un riff facile, des plans synthés déjà servis, une mélodie inconsistante. Alors pour un groupe capable de titres si puissants que l'"Erection" de l'opus précédent, on espérait que ce ne soit qu'une panne. Malheureusement c'est quasiment tout l'album qui est touché par les mêmes symptômes.
The Faint s'est toujours attaché à produire ce son indéniablement new-wave, et à l'assumer jusqu'au bout. Le groupe a ainsi réussi l'exploit de se créer une identité radicale autour d'une esthétique pourtant datée et galvaudée. C'est parce que ses membres ont toujours su, en disciples crades de Dr. Frankenstein, lui donner une matière modelée de leur mains, une épaisseur physique, presque palpable, à coup de guitares tendues, de basses hypersexuées et de synthés liquides et visqueux. Mais leur grande force résidait dans cette capacité de faire de ce son énorme et dense une véritable tuerie grâce à des mélodies intelligentes, directes et imparables. Ce sont ces mélodies tubesques, qui avaient fait de Danse Macabre (2002) une drogue dure, qui font défaut ici. Car au niveau du son, tout est là, resserré, tendu, compact, comme à l'accoutumée. Les synthés et les basses sont sales, et dégagent d'alléchantes odeurs corporelles ("Forever Growing Centipedes"). Mais les chansons ne fonctionnent pas, elles ont perdu ce pouvoir de fascination, elles ont perdu ce qui différenciait la créature de Frankenstein du Golem.
Et même lorsque le groupe s'enfonce dans des couloirs plus electro-goth que post-punk ("Fulcrum and Lever"), la digression ne convainc pas; on ne peut qu'en constater l'inconsistance. Ailleurs, lorsqu'il ressort le plan de la new-wave qui joue du clavier les yeux au plafond ("Mirror Error"), le groupe atteint presque, oui, le ridicule, en évoquant de bien trop près des choses honteuses qu'il vallait mieux laisser aux années 80. Et c'est vraiment regrettable pour un groupe qui avait jusque là accompli la prouesse de l'éviter. The Faint n'arrive plus à terrifier, exciter, et fasciner.
Si l'on se souvient bien, Wet From Birth avait déçu aussi. Il avait déjà, par rapport à Danse Macabre, perdu en intelligence mélodique. Il avait pourtant fini par convaincre, car The Faint y enrichissait discrètement sa palette de couleurs expressionistes, grâce à des cordes judicieusement placées, avec "Southern Belles in London Sing" comme grande surprise pop. Fasciination se rattrape de la même manière, en introduisant une electropop lumineuse parmi les monstres attendus. Nous ne demandions pas, surtout pas, à The Faint une révolution sonore, mais il se trouve que ses seules réussites aujourd'hui sont celles où le son se tord pour tendre vers autre chose. Certes la lumière y est toujours glauque, immondes néons de ruelles crades, mais les créatures évoluent désormais à l'air libre. Ainsi "Fish in a Womb", "A Battle Hymn for Children", et surtout le complexe et jouissif "Machine in the Ghost", s'ils ne sauvent pas le disque, confirment l'efficacité que The Faint peut atteindre. Le reste n'est que paresse.
En bref: Un disque raté, inefficace. Mais trois tueries, les seuls dignes de ce groupe tueur, apportent une lumière inattendue dans les ruelles sales empruntées depuis toujours par The Faint.
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La vidéo du fade "The Geek Were Right":
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