On ne pourra lui enlever, le curriculum vitae de Jun Miyake est pour le moins surprenant et impressionnant. Le Tokyote, alors dans la vingtaine, débute sa carrière musicale en composant des bandes sonores pour spots publicitaires. La route sur laquelle s'engage le garçon sera pavée de réussites et, de surcroît, certainement très formatrice. Rapidement, il se distingue. Il monnaie ses services auprès des plus prestigieuses multinationales (Sony, BMW, Canon, Ford etc.) et, en implacable stakhanoviste, enchaîne les contrats, allant jusqu'à enfanter 2000 compositions par an (!). Sa renommée ne tarde évidemment pas à grandir, et de nombreux festivals internationaux rendent hommage à ses patchworks sonores impressionnistes. Bruitiste hors-pair, fin mélodiste et phogacyteur d'influences, Jun Miyake, confortablement assis financièrement, peut alors s'adonner progressivement à des projets plus personnels et ludiques.
Il compose pour le cinéma, nippon principalement, et livre ses premiers disques, hors du champ publicitaire et plus largement filmique, au début des années 90. Pour l'anecdote, il participa en 1988 à l'un des titres de Révolutions de Jean-Michel Jarre. Bref, à partir de 1995, sa production se concentre sur de véritables albums à proprement parler, dont Glam Exotica !, en 1999. Ce dernier se révèle particulièrement emblématique de la griffe du Japonais. On y retrouve ainsi son insatiable goût pour le métissage d'influences et le travail d'ambiance. Bossa, tango, rythmes arabisants, solo free-jazz, chants africains, Jun Miyake accomode emprunts et inspirations avec raffinement et les enrobe de ses touches électroniques délicates, bien souvent vaporeuses.
L'orchestration est luxuriante (violon, piano, saxophone, ukulélé, cymbales, berimbau, flûte alto...) et vous me verrez bien incapable de citer l'intégralité des instruments utilisés au fil des douze titres orgiaques de ce disque. La première plage au doux parfum oriental, “Rain forest”, est déjà en soi une démonstration de la richesse des compositions de Miyake. S'en suit une balade atmosphérique et errante, “Lotus isle”, conduite sous opium par le saxophone de son compatriote Dairo Miyamoto. En dépit des variations de styles, les transitions sont emmenées avec douceur et charme, sans rupture. Se dessine peu à peu une ambiance qui pourrait trouver son pendant pictural dans les films de Terry Gilliam. Une impression persistante, étayée par la gracieuse reprise du thème de Brazil, un des long-métrages du dit réalisateur américain, sorti en 1985. La gastronomie sonore du Japonais oscille entre des titres vocaux et instrumentaux, accalmies à dominante pop et transes jazzy world, le tout dans une sorte de féérie technicolore propice à la perte de repères et au bien-être.
Certains s'élèveront pour objecter que Miyake délivre ici un simple joli disque d'ambiance (quelle expression horrible!), “à écouter en fond sonore”. Je dis qu'il s'agit là d'une grande oeuvre à laquelle il mérite de prêter toute son attention. Une quête spirituelle en 12 épisodes qui stimulera tous vos chakras et vous conduira directement au nirvana.
Pour info, on peut signaler que Jun Miyake a collaboré à plusieurs reprises avec le chorégraphe français Philippe Decouflé, entre 2000 et 2005. Ses compositions ont également été utilisées par Robert Wilson et Pina Bausch.
En bref : Un disque méditatif, planant et charnel, témoin s'il est besoin de la virtuosité du Japonais Jun Miyake. Avec minutie et érudition, le compositeur nippon réussit un modèle de melting-pot musical impressionniste. Magique.
Gnossienne 1.mp3 (reprise d'Erik Satie)
Le myspace et le site web de Jun Miyake
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2 Comments:
Je suis en pleine période nippone alors ça tombe à pic. M'en vais me renseigner sur ce Miyake qui m'était complètement inconnu... Merci Fab!
De mon côté, je me penche assidument sur le cas Takahashi... Soit dit en passant, tu as lu le numéro spécial de Tsugi consacré à l'Empire du soleil levant ?
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