Voilà un groupe bien typique de chez nous, qui a du talent, de l'enthousiasme, des idées, qui tourne depuis quelques années, et n'est plus confidentiel, mais n'a pas, pour l'instant, atteint une visibilité très élevée. Originaires de la région de Lyon, les frères Benn et Viktor ont deux albums et plus de 250 concerts au compteur, ont fait une première partie des Klaxons, et ont été élus espoir électro du printemps de Bourges 2003. Leur nom est trompeur ; il faut toujours se méfier de la confiture. Souvenez-vous de l'artwork magnifique de Strawberry Jam, l'avant dernier album des Animal Collective : de la confiture de fraise, en effet, mais bien autre chose en fait, des paysages solaires, hallucinés, toute une psyché agitée et colorée. Les Apple jelly, à l'évidence, ont bien autre chose que de la confiture dans la tête, même s'ils ont une prédilection marquée pour le rythme et les mélodies entêtantes. Ils ont des idées, figurez-vous, et on ne peut pas en dire autant de tout le monde.
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Fans de films de genre, d'art contemporain, ils élaborent une électro-pop référencée, sans être conceptuelle, et sans jamais sombrer dans l'esprit de pesanteur. Un léger vent de folie traverse leur Nanana Club, qui n'est pas sans rappeler Of Montreal, le côté psychotique en moins : variations des timbres de la voix d'un morceau à l'autre, variation des ambiances, des styles d'écriture, effets de choeurs, vocaux tribaux, cris. La figure récurrente de ce dernier album est le zombie. Pas celui de Mickael Jackson, pauvre pantin réveillé le temps d'un tube, mais celui de Romero, bien plus inquiétant, parce que reflet de l'horreur bien réelle de notre société.
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L'introduction nous met d'emblée dans l'ambiance : énorme synthé sortant de terre, rythmique sourde, cris étouffés, voilà qui nous rappelle plaisamment nos joyeux lurons de Zombie Zombie, tant appréciés dans ce webzine. Mais le deuxième morceau, "Radio" casse l'horizon d'attente, en nous balançant un tube groovy discoïde, un peu idiot à première vue, mais avec un joli break rêveur, et surtout qui s'arrête sagement quand il le faut. Le reste laisse la place à une écriture un peu plus complexe. On retiendra surtout "Dead men walking" : les zombies de Romero (ceux de Dawn of the dead, trés exactement), qui depuis longtemps hantent mon imaginaire politique, se mettent à chanter pour réclamer la vie, le soleil, c'est-à-dire autre chose que cette misérable survie centrée sur le travail et la pulsion consumériste. Un synthé métronomique se mêle aux sonorités amples d'un piano, tandis que Benn et Viktor adoptent une belle voix grise. Le piano apporte ce qu'il faut de tristesse et d'émotion à cette complainte des presque morts, mais qu'une force de vie traverse miraculeusement le temps de la chanson.
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Dans l'ensemble c'est l'électro qui domine, comme sur l'ouverture daftpunkienne de "Doc revolution", mais la basse très rythmique de Viktor est toujours présente pour faire groover chaque compo. Beau final, avec "La fin du western", qui semble faire signe vers quelque chose de plus expérimental (claquements de langue, esthétique doo wop). Moi, ça m'évoque les Misfits de Billy Wilder, pour rester dans les références cinématographiques.
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En résumé : Cérébral mais groovy. Politique mais dansant. Les zombies de Mickael Jackson peuvent aller se rhabiller.
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