26 février 2009

Telefon Tel Aviv - Immolate Yourself (2009)

C'est un jour d'hiver, et il y a cette brume blanche qui enveloppe les structures. Puis c'est le trou noir. Et la nuit d'été. Et il y a cette humidité intangiblement pesante. Et elle étouffe les visages. Le téléscope tendu vers le ciel, la nébuleuse se forme, la mise au point se fait lentement, l'oeil est endolori. Un visage de fumée entre des nuages de couleurs. Une silhouette de cheval, en pleine constellation d'Orion. Hélène de Troie pleure Hector. Le son est puissant, mais l'héroïsme est tragique. De toute façon, tous finiront terrassés par les larmes. Déjà le quatrième titre, et j'ai rien vu passer. Là le vaisseau a su s'annoncer, avec des notes de claviers rétrofuturistes. Très vite, la lunette n'est plus, la nébuleuse se rassemble ici, sous mes yeux, sur le champ. Elle est rouge, bleuâtre aussi ; elle est feu. Puis les structures réapparaissent, elles sont urbaines. "Stay Away From Being Maybe." Les tours n'en finissent plus de prendre de la hauteur, et l'hiver les enveloppe à nouveau. Les voix ne sont qu'échos lointains.

Les paradoxes s'enchaînent. Les données m'échappent. C'est Bpitch Control qui a sorti cet album. Le label de la techno minimale et froide a sorti, sous des photographies splendides et désolées, l'album le plus dense et aérien de Telefon Tel Aviv. On dirait un exercice de style, un travail sur le son, mais les formes sont instinctives. Ce son est épais et volatile, le corps en est épris. Les couches de synthés sont autant de nappes de brouillard. Et par temps clair, c'est la lumière qui embrumit les yeux. J'y marche le regard perdu. "You are the worst thing in the world" émerge, ses contours s'effacent dans un clair obscur crépusculaire. Une pop song atemporelle, à la mélancolie éternelle. La tristesse durera toujours. Immolate Yourself, ce sont de grandes chansons qui s'envolent, et s'évaporent derrière les nuages et les fumées chaudes des industries. Les voix souvent en disparaissent complètement. Je n'en ressens alors que le souffle.

Et là-dessus, le temps n'a pas de prise. Encore une fois je n'ai rien vu passer. "Immolate Yourself," la chanson, magnifique, s'achève. Avec elle, Immolate Yourself, l'abum, magnifique, aussi. Le verbe manque, parce qu'on passe à la phrase nominale. Feu Charlie Cooper. Telefon Tel Aviv est un duo électro de la Nouvelle-Orléans, dont l'une des moitiés n'existe plus. Charlie Cooper est décédé il y a un mois, deux jours après la sortie de Immolate Yourself.

En bref : Très beau. Une errance électro pop brumeuse et atemporelle, dont les voix viennent de loin, repartent, et ne reviendront pas.
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Le site, en deuil.
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La vidéo du titre final, Immolate Yourself :

1 Comment:

Dave said...

Ouais, ça m'a beaucoup touché ce décès, aussi. En plus avec un titre d'album comme celui-là (à l'origine, une modeste tranche d'humour noir, clin d'oeil au black métal, devenue terriblement de mauvais goût).
Malheureusement, je n'ai pas autant aimé l'album que toi, même si j'adore "Helen of Troy" et "The Birds".
Merci pour la chronique, en tout cas. Et R.I.P. Charlie.
Bises,
Dave