Ananda Shankar fit un rêve : "dans une tentative de marier musique occidentale et indienne naîtrait une nouvelle forme de musique, sans qu’on puisse la nommer, qui serait aussi mélodieuse que sensible et associerait les instruments électroniques actuels et ce vieil instrument traditionnel, le sitar".
Lorsque sort l’album en 1970, connu également sous le titre officieux de Sitar meets Moog, la sonorité de l’instrument indien est déjà connu depuis plusieurs années. Ceci n’est pas la première approche de deux univers musicaux en apparence différents. Certains groupe de jazz ont déjà incorporé l’instrument dans leur formation. L’association sera officialisée en 1961 quand le célèbre sitariste Ravi Shankar enregistre en collaboration avec le saxophoniste Bud Shank et le bassiste Gary Peacock l’album intitulé Improvisations. D’autres musiciens comme Ornette Coleman, John Coltrane ou Miles Davis seront influencés et inspirés par la musique indienne. Mais le grand public découvrira pour la première fois l’instrument, dont les sons mêlent mélancolie et contemplation, sur le célèbre morceau des Beatles, "Norvegian Wood (The Bird Has Flown)". C’est George Harrison en particulier qui succombe aux charmes du sitar. Son professeur sera Ravi Shankar. Puis d’autres groupes anglais ou américains comme les Kinks, les Rolling Stones, les Seeds, les Pretty Things, pour ne citer qu’eux, suivront et le sitar deviendra alors l’instrument emblématique de la musique psychédélique de la fin des années 60 début 70.
Ananda Shankar, neveu de Ravi du même nom, lors d’un voyage aux U.S.A., est de passage à Los Angeles. Signé par le label Reprise du groupe Warner, il décide de concrétiser son rêve. Il sera accompagné de sept musiciens de studios locaux (batteur, bassiste, guitare, claviers et synthétiseur Moog) et d’un compatriote (tabla). Si la couleur du sitar a été utilisé à tout va avec des degrés de qualité très variable, son essence même n’a été que peu distillé. Que l’instrument s’exprime à travers des compositions à caractère soit festif soit religieux, le musicien indien n’ignore pas la tradition et la mythologie de son pays : la musique est divine, c’est par le son primordial Ôm que le dieu Brahmâ a créé l’univers. Ainsi la spiritualité voire la religiosité de l’interprète doit émaner à tout moment, condition sine qua non dans l’absolu pour jouer d’un instrument. A ce titre les différents morceaux présents sur l’album renvoient à cette état d’esprit. Les reprises de "Jumpin’ Jack Flash" des Rolling Stones, "Light My Fire" des Doors et les plages "Snow Flower" et "Mamata (Affection)" relèvent du divertissement offert avec générosité. "Metamorphosis" démarre comme une simple proposition au dépaysement pour se transformer en un voyage mystique et planant. Ananda en profite ici pour nous faire montre de toute sa virtuosité.
La face B (le sixième morceau si vous écoutez l’album sur support numérique) s’ouvre par la pièce maîtresse intitulée "Sagar (The Ocean)". Pendant ce petit quart d’heure une vague ne vous submerge pas, non, elle vous transporte vers des rivages connus que de votre seule imagination, pour peu que votre esprit se déleste de ce qui lui pèse au quotidien, ensuite libre à vous de vous laissez flotter loin du bord, d’embrasser la haute mer avant le grand plongeon abyssal. Si une grande partie du morceau est typiquement indien, une rythmique lente aux sonorités folkloriques digne de Jethro Tull, Led Zeppelin ou Pentangle fait de façon progressive son apparition. La boucle est en quelque sorte bouclée. L’avant-dernière composition, "Dance Indra", très orientale, pourrait illustrer un rapide voyage dans l’univers fantastique d’Aladin, dans celui fantaisiste d’Ali Baba ou dangereux des charmeurs de serpents. C’est dans cet instrumental que le Moog est le plus présent. Le synthétiseur a été employé sinon avec parcimonie ce qui évite de conférer à l’ensemble un côté que l’on pourrait qualifier d’ "easy listening" voire de kitsch.
"Raghupati" clôture l’album. Seule chanson du LP, Ananda conclut en ces termes (je résume) : "peu importe comment nous nommons Dieu, Il nous appartient à tous de façon égal". Loin de toute niaiserie "peace and love" ou "baba cool", Ananda pensait peut-être à une autre forme de religion, sans nom précis, compatissante et sensible, une association des jeunes dieux avec les plus ancestraux.
En bref : un passeport international pour un voyage initiatique et une occasion de découvrir les mystères de l’Inde en terrain connu.
Le site et un extrait à écouter : "Snow Flower"
Lorsque sort l’album en 1970, connu également sous le titre officieux de Sitar meets Moog, la sonorité de l’instrument indien est déjà connu depuis plusieurs années. Ceci n’est pas la première approche de deux univers musicaux en apparence différents. Certains groupe de jazz ont déjà incorporé l’instrument dans leur formation. L’association sera officialisée en 1961 quand le célèbre sitariste Ravi Shankar enregistre en collaboration avec le saxophoniste Bud Shank et le bassiste Gary Peacock l’album intitulé Improvisations. D’autres musiciens comme Ornette Coleman, John Coltrane ou Miles Davis seront influencés et inspirés par la musique indienne. Mais le grand public découvrira pour la première fois l’instrument, dont les sons mêlent mélancolie et contemplation, sur le célèbre morceau des Beatles, "Norvegian Wood (The Bird Has Flown)". C’est George Harrison en particulier qui succombe aux charmes du sitar. Son professeur sera Ravi Shankar. Puis d’autres groupes anglais ou américains comme les Kinks, les Rolling Stones, les Seeds, les Pretty Things, pour ne citer qu’eux, suivront et le sitar deviendra alors l’instrument emblématique de la musique psychédélique de la fin des années 60 début 70.
Ananda Shankar, neveu de Ravi du même nom, lors d’un voyage aux U.S.A., est de passage à Los Angeles. Signé par le label Reprise du groupe Warner, il décide de concrétiser son rêve. Il sera accompagné de sept musiciens de studios locaux (batteur, bassiste, guitare, claviers et synthétiseur Moog) et d’un compatriote (tabla). Si la couleur du sitar a été utilisé à tout va avec des degrés de qualité très variable, son essence même n’a été que peu distillé. Que l’instrument s’exprime à travers des compositions à caractère soit festif soit religieux, le musicien indien n’ignore pas la tradition et la mythologie de son pays : la musique est divine, c’est par le son primordial Ôm que le dieu Brahmâ a créé l’univers. Ainsi la spiritualité voire la religiosité de l’interprète doit émaner à tout moment, condition sine qua non dans l’absolu pour jouer d’un instrument. A ce titre les différents morceaux présents sur l’album renvoient à cette état d’esprit. Les reprises de "Jumpin’ Jack Flash" des Rolling Stones, "Light My Fire" des Doors et les plages "Snow Flower" et "Mamata (Affection)" relèvent du divertissement offert avec générosité. "Metamorphosis" démarre comme une simple proposition au dépaysement pour se transformer en un voyage mystique et planant. Ananda en profite ici pour nous faire montre de toute sa virtuosité.
La face B (le sixième morceau si vous écoutez l’album sur support numérique) s’ouvre par la pièce maîtresse intitulée "Sagar (The Ocean)". Pendant ce petit quart d’heure une vague ne vous submerge pas, non, elle vous transporte vers des rivages connus que de votre seule imagination, pour peu que votre esprit se déleste de ce qui lui pèse au quotidien, ensuite libre à vous de vous laissez flotter loin du bord, d’embrasser la haute mer avant le grand plongeon abyssal. Si une grande partie du morceau est typiquement indien, une rythmique lente aux sonorités folkloriques digne de Jethro Tull, Led Zeppelin ou Pentangle fait de façon progressive son apparition. La boucle est en quelque sorte bouclée. L’avant-dernière composition, "Dance Indra", très orientale, pourrait illustrer un rapide voyage dans l’univers fantastique d’Aladin, dans celui fantaisiste d’Ali Baba ou dangereux des charmeurs de serpents. C’est dans cet instrumental que le Moog est le plus présent. Le synthétiseur a été employé sinon avec parcimonie ce qui évite de conférer à l’ensemble un côté que l’on pourrait qualifier d’ "easy listening" voire de kitsch.
"Raghupati" clôture l’album. Seule chanson du LP, Ananda conclut en ces termes (je résume) : "peu importe comment nous nommons Dieu, Il nous appartient à tous de façon égal". Loin de toute niaiserie "peace and love" ou "baba cool", Ananda pensait peut-être à une autre forme de religion, sans nom précis, compatissante et sensible, une association des jeunes dieux avec les plus ancestraux.
En bref : un passeport international pour un voyage initiatique et une occasion de découvrir les mystères de l’Inde en terrain connu.
Le site et un extrait à écouter : "Snow Flower"
5 Comments:
Excellent, tu m'as fait finir l'après-midi sur la terrasse en beauté.
Pour ceux qui veulent écouter et se faire une idée (avant d'acheter) :
http://www.deezer.com/fr#music/album/86009
A+
Ju
Je suis content, tout le mérite en revient à Ananda et ses compères.
Petit complément d'information : l'album est dispo en cd soit chez Warner soit chez Socadisc. Une réédition récente en 33 tours existe aussi. La photo en n&b qui illustre l'article est tiré du verso du 33 tours original indien.
Bonne écoute à tous.
Namaste,
Don.
Excellent article ! Tiens je ne sais pas si tu connais mais Secret Chiefs 3 (Groupe de Trey Spruance ex Mr Bungle) on fait une trés bonne reprise de Renunciation de Shankar :
http://www.youtube.com/watch?v=z4_fbW_4w84
ce disque est bon mais son successeur est encore meilleure : plus varié et plus psyché encore.
La reprise par Secret Chiefs 3 est d'ailleurs extrait de cet album.
J'en acais parlé il y a quelques temps sur mon blog :
http://alternativesound.musicblog.fr/841356/Ananda-Shankar-and-his-music/
merci beaucoup pour ces infos, je ne connaissais pas Secret Chiefs 3 ; d'ailleurs c'est pas mal du tout en effet.
en revanche je connais l'album A. Shankar and his music qui est vraiment très bien, c'est clair. je n'avais pas capté que c'était le 2ème d'ailleurs (5 ans d'écart avec le premier).
A Musical Discovery of India de 78 est pas mal du tout aussi.
namaste,
Don B.
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