Il est complètement incompréhensible voire scandaleux que la presse spécialisée dont c'est pourtant le métier, ne prenne pas plus la peine que ça, de prendre des nouvelles de ses anciennes marottes. Ou tout au moins de rendre compte de l'actualité, quand elle nous fourgue du nouveau groupe chaque semaine.
Et que ce 5ème LP des Kingsbury Manx soit sorti sur un obscur label (Odessa Records) ne change rien à l'affaire : rien, pas une ligne dans Rock&Folk, qui par la plume de Palmer, avait justement crié au génie dès le premir album éponyme. Je ne lis plus les Inrocks et Magic depuis belle lurette, et sans doute le groupe de Chapel Hill a du y être chroniqué, mais rien qui n'ait attiré l'oeil au gré de ses manchettes, en tout cas.
Le disque a été annoncé voici des mois (il est en fait sorti en avril), ce qui fait un sacré décalage (le temps de le choper via le Net et de le commander, ce qui n'est pas si dur en vérité), mais enfin, nous y voici.
Le chat de Man de Kingsbury n'ait jamais vraiment été hype à proprement parler. Ces hommes-là sont bien trop discrets, cultivent l'anonymat et la simplicité comme une seconde nature. Quant à leur non-look... on le sait, nombre de nerds américains s'affichent barbus, look de monsieur-tout-lemonde ; imaginez des Grandaddy bis. Qui en plus ne prendraient pas la peine d'être joyeux.
Alors, ce n'est pas que ce disque soit le chef d'oeuvre de la décennie, ni même celui d'une faste année 2009, pas plus que le meilleur de leurs auteurs - on lui préfèrera The Kingsbury Manx (2000) ou Aztec Discipline (2003), mais il y a dans le nouvel album de quoi rassasier les aficionados déjà en manque de chansons nouvelles de Yo La Tengo ! Même douceur des voix, mêmes harmonies subtiles et mélancoliques. Même savoir-faire acoustique, même sobriété dans les arrangements. De plus, The Kingsbury Manx, c'est une grande famille : deux de ses anciens membres dont Ryan Richardson, membre fondateur et Scott Myers, jouent sur ce disque fait d'arpèges délicats.
Alors, morceaux choisis ? Chacun triera à sa convenance parmi ces 14 titres fragiles, où rarement le tempo ne s'énerve, et encore "If You're On The Mend, I'm In The Move" ou "These Three Things" ne sont pas à proprement parler des titres hardcore, et "Galloping Ghosts" n'a de véloce que son intitulé. Sur ce nouveau LP tout comme sur scène, les Kingsbury Manx sacrifient au gimmick de l'échange des instruments, ou des parties lead de chant, sans que l'auditeur pourtant bien concentré n'y prête forcément grande attention. L'intérêt est ailleurs, dans cette uniformité de chansons refuges, parmi lesquelles "Walk On Water", "Well Whatever", "If You're....", "These Three Things", et l'admirable "Indian Isle" sortent du lot.
Retour réussi donc. Et comme The Kingsbury Manx risque à nouveau de se faire discret durant 2,3 saisons et que les media sont sourds, nul n'est besoin d'insister plus encore sur la nécessité de jeter une oreille babylonienne sur cet opus.
En bref : même sans commettre leur meilleure oeuvre, The Kingsbury Manx font partie de ces groupes indé qu'on a envie de défendre corps et âme ! Car ils font avancer le truc, à coup de simples chansons folk-pop bravaches, où affleure de la sensibilité.