Cette chronique a pourtant toute légitimité en ce sens qu'elle s'inscrit dans le cinquantenaire aujourd'hui célébré de la mort du multi-artiste. Et aussi, car Boris Vian au cours de sa brève existence a pratiqué tellement d'activités, de la chronique au journalisme en passant par l'écriture et la musique jazz -il jouait de la trompinette !- son oeuvre est tellement vaste, qu'il serait injuste de la réduire à ses seuls romans qui du reste, ne lui apportèrent nulle reconnaissance de son vivant.
Voici donc l'oeuvre discographique unique de Vian. On le sait, le poète-musicien-écrivain a écrit des centaines de textes à la verve acidulée dont le flamboyant hit bondage "Fais-Moi Mal Johnny" chanté par la ravissante Magalie Noël. Cette chanson ne figure pas sur l'unique album 25 cm de Boris, véritable objet de collection puisque tiré à l'époque à seulement 500 exemplaires
Confronté déjà aux tares de son époque, Vian moque tour à tour et avec un humour ravageur, les affres du progrès ("La Complainte du Progrès" et son inénarrable name-dropping), l'alcoolisme "Je bois/ Systématiquement / Pour oublier / Les amis de ma femme" (tordant !), et bien sur les marchands de canons, les militaires. Même si le mythique "Déserteur" se révèlerait beaucoup plus émouvant et consensuel que prévu par Vian initialement. Il y a aussi cette énorme "La Java des Bombes Atomiques" et ses vipérines rimes dédiées à l'apprenti sorcier nucléaire,
"Voilà des mois et des années / Que j'essaye d'augmenter / La portée de ma bombe /Et je n'me suis pas rendu compt' /Que la seul' chos' qui compt' /C'est l'endroit où s'qu'ell' tombe" (...).
Disons-le : Boris Vian n'était pas un fin vocaliste, il était avant tout musicien de jazz ; et sa voix pouvait même se révéler parfois désagréable, criarde, comme sur l'hilarante comédie de moeurs "Bourrée de Complexes", qui conte le triste quotidien d'une ménagère, réduite à "changer de sexe" pour que tout soit "arrangé".
Mais son verbe au vitriol, mordant et humoristique à la fois, s'avérait souvent irrésistible, et longtemps après, demeure d'une réelle acuité : preuve en est cette charge entrevue dans " Les Joyeux Bouchers" sur la société de consommation, "Faut qu' ça saigne /Faut qu' les gens aient à bouffer /Faut qu' les gros puissent se goinfrer /Faut qu' les petits puissent engraisser /Faut qu' ça saigne /Faut qu' les mandataires aux Halles /Puissent s'en fourrer plein la dalle /Du filet à huit cent balles...."
Boris Vian méritait donc largement lors du cinquantenaire de son décès, d'être réévalué comme un authentique et génial touche-à-tout, intrinsèquement doué -l'homme était ingénieur et sortait de Centrale- et avait plus oeuvré à la cause des chansonniers que les chansonniers eux-mêmes.
Plutôt que d'incarner seulement cette éternelle icône rive gauche, uniquement associée à une poignée de romans adolescents vaguement surréalistes.
En bref : on oublie la voix approximative, le style pataud, et on prête une oreille attentive à cette irrésistible collection de billets d'humeurs visant ici et là la bombe A, le progrès, le cocufiage... et la viande rouge. Décapant.
En bref : on oublie la voix approximative, le style pataud, et on prête une oreille attentive à cette irrésistible collection de billets d'humeurs visant ici et là la bombe A, le progrès, le cocufiage... et la viande rouge. Décapant.
"La Java Des Bombes Atomiques" :
6 Comments:
Pour une fois, je me vois obligé d'oser la contradiction mon cher Nickx. Pour moi, le Loft Story de la littérature, c'est Marc Levy ou Werber ou je ne sais qui d'autre, mais certainement pas L'Ecume des jours!
En fait, ce que tu dis de la voix de Vian explique peut-être ton aversion pour ses écrits. Tu dis que sa voix est approximative, son style pataud... Mais on se fout de sa voix! C'est son personnage, sa gouaille à lui qu'on cherche dans ses chansons - d'ailleurs son accent parigot et son ton un peu taquin ne sont pas pour me déplaire.
Il en va exactement de même de ses romans (et de ses nouvelles, qui sont souvent bien meilleures). Bien sûr que Vian n'est pas le plus grand écrivain du 20e siècle, ni même l'un des plus grands. Et bien sûr que la pataphysique ne sauvera sans doute pas le monde. Mais là encore ce sont l'humour et la fantaisie de Vian qui comptent, pas de le comparer à Kafka ou à Céline...
D'ailleurs tu es le premier à constater que "son verbe au vitriol, mordant et humoristique à la fois, s'avérait souvent irrésistible"... Pourquoi cette faculté de faire rire s'arrêterait-elle au format chanson?
Ceci étant dit, très bonne chronique, sur un disque que j'adore, et qui m'a comme tu le vois donné envie de réagir!
Bises
Dave
Un débat en 2009 sur un disque de 1956 de Borian Vian, où l'on cite Céline et Kafka dans un commentaire, il n'y a que sur Dodb que l'on trouve ça (:
@ Ju
Oui, j'ame àpenser moi-aussi que le brutal coq-à-l'âne de nos chroniques, qui ose passer e l'électro ou du rock indé à Boris Vian,reflète bien l'esprit foutraque et mal rangé de nos discothèques - la mienne en particulier (où le métal peut côtoyer Léo Feré sans problème !
@Dave
Attention, je n'ai pas écrit "Loft Story", mais bien "Love Story", allusion à ce mélo sur pellicule qui fit florès dans les années 70 ; ça change un peu le registre, quand même !
Ensuite, quand j'insiste sur la "lourdeur" de la voix de Vian, qui est tout sauf un chanteur, ce dont on se fout (on est biend'accord !), c'est justement pour inciter les plus réticents à passer otre, et dire que les chansons de l'artiste méritent qu'on ne s'arrête pas à cette aspérité pour goûter à ces formidables textes !
Enfin, je te rejoins pour tout ce que tu dis par ailleurs, même si je suis pesohermétique à son style écrit romancé, davantage fait de métaphores et de style, tandis que l'aspect coup de poing de ses petites chansons réalistes me paraissent frappées du sceau du talent !
Un peu de celui de Brassens, qui lui mêmen'avait pas son pareil pour pourfendre la bêtise sur un format court, dans son rôle de La Fontaine contemporain !
Brassens, qui d'ailleurs se fend de la présentation de Vian au verso dudit 25 cm !
J'adore le talent que maifeste Vian dans cet exercice court, alors que j'ai plus de mal avec le format pourtant pas forcément très étiré de ses romans !
Ravi de lire tes remarques en revanche, pertinentes comme toujours, et de manière générale de te revoir si actif sur le forum, ce dont DODB ne saurait se plaindre !
Bises, et à bientôt de te lire !
PS : qu'arrive-t-ilà HIPHOP ? J'aurais juré qu'il allait être le premier à dégainer sur Boris....
Ah oui, effectivement, Love Story! Ceci dit ce n'est pas beaucoup mieux, si je me rappelle bien du film et de son horrible bande originale!
Bon, en fin de compte nous sommes d'accord sur l'essentiel: il faut écouter les chansons de Vian!
Bises!
ce que tu dis de l'écume des jours m'arrache le cœur...
c'est pour moi un exemple de prose poétique indépassable. je l'ai lu à 17 ans, je l'ai relu à 30, bin tiens je vais le relire! le mélo n'est pas un genre méprisable, ça peut être du grand art, voir Douglas Sirk.
signé : hiphop, qui se met à aimer le hip hop, grâce aux chroniques DODB sur Jazz libératorz, comme quoi tout est possible.
Au fait (mode perfide !), entre deux couches et deux bib', ça te dirait de nous pondre une nouvelle chronique ?
Ou bien t'as arrêté d'écouter de la zic et de voir des concerts ?!
DODB A BESOIN DE SES FORCES VIIIIIIVES POUR SON BAROUD D'HONNEUR DE FIN D'ANNEEEE!!
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