24 février 2010

Field Music - (Measure) (2010)


A DODB, on privilégie généralement le rock nord-américain ou celui des antipodes, lorsqu'il est anglo-saxon. Mais on sait reconnaître aux rares groupes britanniques sortant du moule leur capacité à créer un son, une palette et un univers qui ne relèvent pas seuls de la NME dépendance !

C'est le cas des très fins frères Brewis, ci devant animateurs principaux de leur projet Field Music, né au début des années 2000. Déjà le 4ème album dont une compile très justement encensée par Emmanuel ainsi que 2 albums dont votre serviteur s'est fait volontiers le rapporteur. Qui d'autre sur la blogosphère et ailleurs peut ainsi se targuer d'avoir la Fied Music attitude ?

C'est sans doute pour cette raison que le hiatus décidé par le groupe en 2007 après l'épatant Tones Of Town nous a fait craindre le pire : les deux (bons) avatars que sont les groupes annexes de David et Peter baptisés respectivement School Of Language et The Week That Was ne menaçaient-ils pas de mettre la carrière méconnue mais exemplaire du groupe entre parenthèses ?

Pour notre plus grande joie,seul le titre de leur troisième album véritable aura subi ce traitement, et 3 ans après leur dernier haut fait d'armes, le groupe est plus vivant que jamais.
La première écoute c'est vrai se révèle ardue : d'une part le groupe ne nous a pas habitués à un format aussi long (60' pour 20 morceaux) et d'autre part, la fratrie Brewis se révèle un électron toujours plus libre, en ce sens que son écriture n'obéit à aucun canon du moment. Les deux composent et jouent une pop de 3' chrono -généralement- faite de références 100% anglaises (Squeeze, Costello, British Beat...), et ne fait toujours aucune concession aux desiderata des charts !

Ainsi l'auditeur lambda se révèlera surpris qu'un "Them That Do Nothing" aux arrangements de Clavinet aussi baroques que son titre ait été choisi comme single ; cette délicate mélodie ayant plus à voir avec les Kinks période princière et baroque façon Face To Face (1966) Something Else By The Kinks (1967).

Tels des Stevie Wonder de poche, les deux frères s'adonnent à tous les plaisirs, usent de tous les instruments, et tels des démiurges insatiables, ne s'interdisent rien : curieux morceau new wave ("In The Mirror"), pop nimbée de cordes EleanorRygbyennes ("Measure"), funk tribal ("Let's Write A Book"), superbe pop saccadée avec ce martèlement de piano caractéristique de l'art Mc Cartnyen, ("The Rest Is Noise"), etc...

Mais aussi des morceaux parfois complaisants où le groupe s'aventure un peu trop dans les mélodies biscornues, et loin de moi l'idée de récuser toute velleité de suicide artistique. Simplement, à force de vouloir innover dans leur quête de la chanson pop parfaite à effluves 70 - on pense aussi à l'art de Steely Dan- et pas dit Danny Dan, hein ! - les Field Music s'écoutent un peu jouer (brillamment) de leurs instruments et éprouvent l'endurance de leur auditeur.

Leur talon d'Achille, c'est peut-être d'en faire trop, d'imprimer trop d'ébauches, de trouvailles harmoniques en même temps, et oublier ce qui fait le sel des meilleures productions, l'homogénéité ! Celle qui n'est pas le fait des concept-albums seuls (souvent indigestes d'ailleurs) mais qui permet l'écoute d'un disque du premier morceau de la face A jusqu'au dernier de la face B, C ou D dans sa continuité. Un disque est un tout, une histoire que l'on évitera d'élaguer, d'écouter en mode aléatoire !

Aussi, à l'issue des 6' de "It's About Time" de l'instru qui clôture (Measure), on est à deux doigts de renvoyer le compliment au groupe, ce qui est un comble ! Beaucoup de choses intéressantes donc, dans ce nouveau disque, mais une excessive longueur qui lui ôte sa marque de fabrique : la fraîcheur! Gasp !  Affaire à suivre....

En bref : la nouvelle oeuvre des très ambitieux et uniques frangins de Field Music. Bourrée d'idées novatrices et de titres marquants même si totalement exempte de tubes, l'entreprise du combo chéri de Sunderland, n'évite cependant pas les écueils de son format étiré, et ne rend pas toujours justice au talent de ce duo hors normes !





Le site, et le Myspace

A lire aussi : Field Music - Write Your Own History (2006) et Field Music - Tones Of Town (2007)

"Them That Do Nothing" en showcase :

6 Comments:

LadyDay said...

Oh c'est vraiment bien.
Un coup de cœur sur une vidéo youtube d'un showcase relève de l'exploit.
Merci pour la découverte ;)

Ju said...

En effet joli show-case, tout comme celui de Julien Pras à Total Heaven cet après-midi (-; . J'écoute l'album (en plusieurs fois apparemment) et je te dis ce que j'en pense.
Ju

M.Ceccaldi said...

il y a finalement plus d'une raison "d'aller revoir le soleil de Sunderland"...
bises
j

Nickx said...

Ah, Sunderland...son centre-ville super moche, ses façades supra-laides....ses chantiers navals....ses 350 jours de pluie par an.....ses plages immenses, son chouette magasin de disques Hot Rats, drivé par un ex-membre des Toy Dolls !

Et son meilleur groupe britannique du monde !

Dont je ne retire rien sur les réserves que j'émets au sujet du dernier disque ! Mais que je regrette quasi déjà, compte tenu l'estime dans laquelle je le tiens !

Ravi en tout cas que les chroniques répétées d'un des secrets les mieux gardés de la famille Albion fassent des émules et donnent lieu à des commentaires enthousiastes de ceux qui nous lisent !

Field Music supplantant Kasabian ou Franz Ferdinand dans les festivals, on peut rêver ......

Ju said...

Alors j'ai écouté le disque aujourd'hui... c'est bien, mais c'est vrai que c'est très long en une fois, surtout pour une première écoute. Mais bon c'est un peu le problème des doubles albums... C'est en bien un ? En tous cas j'y reviendrai.

mmarsupilami said...

Peut-être est-ce dû à mon âge avancé, mais, personnellement, cela me fait férocement penser aux travaux les plus épurés (avant que cela ne vire au rococo) d'un groupe pop "prog" des années septante qui s'appelait Gentle Giant. Il y a bien sûr les harmonies vocales mais aussi une construction musicale proche, une basse ronde, une guitare aigrelette qui crée la mélodie...
;-)
J'apprécie en tout cas et je chroniquerai prochainement...