08 mars 2010

Adam Green - Minor Love (2010)

Beaucoup de gens se méprennent encore sur le cas Adam Green. Folkeux entre moult représentants du genre, trublion capable des pires cochoncetés dans ses textes, réputation de pochtron, personnalité instable, moue hébétée et regard hagard sur ses pochettes ; tout et son contraire aura pu être retenu contre le new yorkais.
Ce qui conduit une part non négligeable de son public potentiel à lui préférer des Ron Sexmith ou des Devendra Benhart autrement plus anodins, alors que le niveau de son écriture le situerait davantage sur les hauteurs où plan(ai)ent un Sufjan Stevens ou un Elliott Smith.

La vérité est que l'homme est trop habile, trop intelligent dans son songwriting pour se satisfaire d'un 1er degré dans lequel le public indé a trop souvent tendance à le cantonner. Et de la même façon que Nick Drake n'était pas forcément le dépressif compulsif que son destin tragique et certains textes pouvaient laisser supposer, Adam Green n'est pas toujours ce clown au nez rouge et imbibé, qui dédie des chansons aux femmes poilues, culs-de-jatte, et autres étouffés après fellation .
L'écoute de ce 6ème album solo, consécutif à un mariage foiré (préambule à nombre d'albums marquants de Marvin Gaye à Beck en passant par Lou Reed), souligne cet état de chose. Et si cette saillie vacharde en guise de titre d'album restitue l'humeur du disque, elle ne doit pas conférer à l'oeuvre ce mot "minor" . En effet, on n'avait sans doute pas revu Adam Green aussi inspiré sur "la durée" depuis ses formidables classiques qu'étaient Friends of Mine (2003) et Gemstones (2005). Encore qu'une réécoute attentive de Jacket Full of Danger (2006) et de Sixes and Sevens (2008) procurera aux plus sceptiques l'occasion de se délecter d'un nombre non négligeable de grandes chansons. Il y a dans chaque album d'Adam Green un nombre de perles supérieur à la moyenne.

On évoquait la trame satiriste pas si dénuée que cela de 2ème degré d'Adam Green. L'artiste qui refuse tout manichéisme s'est toujours pris de tendresse pour les personnages réels ou inspirés du réel qui lui ont inspiré ses faits d'armes les plus célèbres ; ainsi en allait-il de la chanteuse de télé réalité de "Jessica" ou bien du précédent et notoire président des Etats-Unis, sur l'impayable "Choke on a Cock" , cibles ô combien faciles. En outre, notre homme n'est pas du genre à s'apitoyer sur son sort, faisant preuve d'au moins autant de dérision envers ses semblables que vis-à-vis de lui-même. Et même s'il donne l'impression d'accuser le coup sur "Buddy Bradley" (This is not a good day to call me / Because I cannot spare some sympathy"), ou sur la reverb hantée de son chant sur "Cigarette Burns Forever", l'humeur est plus affable sur le superbe "Give Them a Token", où il sait se faire tendre, et carrément à la déconne sur "What Makes Him Act so Bad" où l'artiste fait son auto-critique.
"Boss Inside" reste cependant un grand moment de mea culpa cafardeux sous trame de bars miteux, tel qu'aurait pu les chanter Nick Cave à qui Green ne dispute pas qu'une tessiture grave.

Musicalement, l'album comme du reste les dernières livraisons du new-yorkais, se situe dans la lignée des albums fourre-tout des années 70, tels que pouvaient en produire des Bowie et des Iggy Pop, bizarres sonorités tribales de "Goblin", son garage quasi velvetien sur "What Makes Him Act So Bad", lo-fi ultra cheap avec Casio pourri ("Oh Schucks"), pop Beckienne sur "Lockout", autre influence évidente et revendiquée par notre homme. 
Dans tous les cas, le même dénominateur commun des chansons : leur durée qui semble décidément ne jamais excéder les 2'30, 3' quand Adam se lâche. Assez curieusement, ce gimmick est sans doute ce qui fait de sa musique l'une des plus essentielles du moment : impossible de s'ennuyer à l'écoute de ces petites comptines qui au contraire nous touchent au coeur.

Adam Green ou la simplicité d'écriture élevée en art inégalé de la concision. Et un phrasé qui connaît tout l'art du crooner, comme dans cette manière aristocratique de diphtonguer la lettre A.

En bref : 6ème album, et toujours rien à jeter dans les mots et les humeurs d'Adam Green, l'un des troubadours les plus doués de sa génération. Qu'on aurait tort de réduire à ses frasques. La réécoute de ses anciens exploits est fortement conseillée.





Adam Green le site, le Myspace

"Buddy Bradley"



"Boss Inside"


6 Comments:

M.Ceccaldi said...

Je ne connaissais pas cet artiste ; tout ça a l'air passionnant ! merci
J

Ju said...

Tu m'étonnes que c'est passionnant ! Je suis peut-être passé un peu vite sur ce disque, je vais y revenir. Mon préféré reste toujours Friends Of Mine.
Bises
Ju

Nickx said...

Friends of Mine, qund on sonde les gens, c'est effectivement LE disque qui fait l'unanimité !

Mais comme je le dis dans la chronique,il faut réécouter les 2 derniers qui sont un peu passés aux oubliettes, y'a vraiment des chansons superbes dessus ! J'avais d'ailleurs failli faire Sixes and Sevens à sa sortie !

Objectivement, si on prend la peine d'écouter sérieusement ces petites pièces de 2'30 à 3', il n'y a pas un seul album à zapper, tout est bon !

Perso, j'ai une tendrese particulière pour Gemstones, le meilleur selon moi avec Friends of Mine, et d'une courte tête devant Jacket....

a said...

C'est pas trop mon genre. Mais sympa quand même

Boniface said...

Même si Friends of Mine reste un excellent album, Garfield, son premier album en solo dans lequel il reste dans un esprit encore très Moldy Peaches, est selon moi LE album (Bernard Pivot me pardonnera).
D'ailleurs, à l'heure actuelle Computer Show culmine à quelques 130 écoutes dans mon iTunes... C'est dire comme il est bon ! :)

P.S: Bravo à toute l'équipe de Dodb pour le travail effectué !

Emmanuel said...

Ce Minor Love est tout à fait brillant.