08 mai 2010

The Besnard Lakes - Are The Roaring Night (2010)

The Besnard Lakes are the roaring night : fin d'un tryptique passionnant pour les Besnard Lakes, commencé en 2003 avec Volume 1, et poursuivi en 2007 avec Are the Dark Horse, tout en nocturnes rugissantes, en lieu et place de la noire toison chevaline du précédent album.

Les trois albums, en effet, conçus comme des récits d'espionnage, modulent les mêmes thèmes de façon obsessionnelle - agent secret, réception radio par ondes courtes, cryptographie - et creusent le sillon d'un post-rock trés avancé, entre parties vocales éthérées et shoegaze progressif.

Et toujours cette ambition poétique dans les textes, cette cohérence dans l'élaboration des albums, chez un groupe structuré autour du couple Jace Lasek/Olga Goreas, duo vocal en studio, amoureux transis à la ville. Alors que les compositions de Are the dark horse fonctionnaient sur la logique du crescendo, et la mise en branle progressive de chaque instrument, Are the roaring night marie le clair et l'obscur, et joue des contrastes. Car rien n'est trés évident dans cette nuit sonore, où les amants s'espionnent et butent sur d'indéchiffrables regards :"what's in your empty eyes?".

"Like the ocean, like the innocent" : la voix de tête de Lasek, dès le début du premier morceau, nous propulse vers des hauteurs stratosphériques, tandis que, sans prévenir, batterie et guitare nous font revenir brutalement sur terre. La voix, elle aussi, atterrit, dévale l'octave et gagne en puissance ; même si les aigus de Lasek ne sont pas trés cristallins, sa voix est portée par un souffle certain dès qu'elle se fait plus grave. C'est, d'ailleurs, particulièrement beau sur "Light up the night", morceau dépouillé à l'ambiance liturgique, où la voix fait montre d'une "sacrée" puissance.

Sublime "Chicago train", avec bleu à l'âme (ville oblige, "sweet home Chicago", si on veut) pour séparation amoureuse déchirante sur quai de gare. Une longue introduction suspend magiquement le temps, avec ces cordes et cette voix qui étirent délicatement les durées. Mais le riff de guitare contracte soudainement la douleur et nous assombrit l'âme.

"Albatros", vieille compo ressucitée pour l'occasion, rappelle immanquablement les Beach boys, en déroulant ses harmonies vocales à deux, aux aigus survoltés, jusqu'au déluge shoegaze, massif, joué regard au sol, et qu'on n'attend pas. Tellurique et stratosphérique à la fois.

La face B s'ouvre sur le magnifique "Land of living skies", après intro bruitiste hantée. Mise en musique de la morsure du remord ("this fire that follows me"), le texte est superbe, servi par un crescendo qui renoue avec le style du cheval noir.

"I'll be sitting on that beach

Thinking "was it ever too late?"

What once was great all falls into place

We make our mistakes and take them to our graves
".

Changement de tempo sur l'entêtant et ironique "And this what we call progress", adresse à "l'indien sans âge" génocidé, porté par une section rythmique qui approfondit les basses, et prend nettement ici le dessus. Puis, après passage ébourriffant par l'église ("Light up the night") et défoulement vocal, l'album se termine sur la poésie naïve et apaisée de "The lonely moan" ("we caught the sun, it was so simple, so simple"). Trip psyché pour la route, on décroche le soleil à deux, et on congédie la batterie pour flotter doucement entre les eaux de l'omnichord et celles de l'orgue Hammond.

Hypothèse de lecture au final : l'espionnage n'intéressait les Besnard Lakes que comme métaphore de la relation amoureuse, et, plus encore comme mise en récit distanciée d'une histoire d'amour fondatrice, celle du couple nodal.

En bref : un troisième album à la hauteur du second, et un cycle qui s'achève sur la beauté d'un clair obscur. Les Besnard Lakes tiennent le cap d'un rock délicat et puissant, déchiré entre le ciel et la terre, et qui n' a de cesse de travailler l' harmonie.






Le site officiel et le Myspace

"Chicago Train" :


6 Comments:

Nickx said...

Je crois que je continue à préférer le précédent. Neanmoins, certaines de leur plus belles plages se trouvent sur ce disque !

Et j'adore le timbre de Jacek, ainsi que le travail sur les voix !

Sans être réellement originaux sur le plan formel, les Besnard Lakes créent leur univers et transcendent allègrement les grilles du shoegaze planant !

Groupe majeur déjà pour moi !

Ju said...

Super chronique, pour un super groupe. Trois très bons albums, de supers prestations live et des membres très abordables, que demander de plus ?

Merci !

Nickx said...

C'est la Canadian touch, tu crois, Ju ?

Francky 01 said...

Hello.

The Besnard Lakes avec "Are the dark horse", je ne l'ai découvert qu'en 2008, comme Yeasayer avec "All Hour Cymbals, 2 groupes inouïs qui sortent chacun leur nouvel opus en même temps.

"Are the dark horse" : Quel CHOC cette découverte. Autant de grâce, de psychédélisme, de rock planant à si haut niveau, comment est-ce possible ? Ce disque m'a accompagné pendant des mois, hantant mes jours et mes nuits. Un disque de rêve éveillé, de promenades nébuleuses et comateuses !
Le premier, jamais écouté mais j'en ai lu que de mauvaises critiques (par rapport au n°2) !!!
Je ne savais pas qu'avec ce troisième, cela formait un triptyque.

En tout cas, depuis le début des années 2000, le Canada nous donne que de bonnes nouvelles musicales : Arcade Fire, G.Y.B.E!, eux, etc...On ne compte plus les merveilles soniques venues de ce pays...
A +

Nickx said...

Le premier album est effectivement en deça des deux albums suivants (groupe pas encore en place et reposant quasi exclusivement sur le couple Jacek /Olga), mais il recèle un titre fantastique :

"You've got to want to be a star"

L'un desplus grands titres shoegaze selon moi !

Ju said...

Pour les flemmards :
http://www.youtube.com/watch?v=RNXR4j9JFfk