"2009, 2010 Wanna make a record how I felt then / When I stood outside in the month of May". Voilà résumé l’esprit du nouvel Arcade Fire. Un événement, forcément. Depuis Funeral il y a déjà six ans, plus rien n’a été pareil, le visage du rock indé s’est teinté de ce nouveau son qui venait de Montréal. Il y a trois ans Neon Bible enfonçait le clou en gardant le cap. Depuis tout a bougé et on se demande si le couple Win Butler / Régine Chassagne et leur joyeuse bande de rejetons sont toujours dans le vent. S’ils se sont assoupis sur leurs lauriers ou s’ils sont tout simplement en passe de devenir le plus grand groupe du monde. Un verdict tranché est beaucoup trop dur à donner, et chaque instant de ce disque labyrinthe vaut d’être analysé.
"The suburbs" titre thème de ce nouveau disque introduit l’ambiance. Les banlieues, celles de Montréal, ont inspiré le groupe pour ce qui devait être la BO d’un film déjà mort / né. Win semble plus détendu et serein que lorsqu’on l’avait quitté sur "My body is a cage" par exemple. La production est effacée au possible et pour l’anecdote le disque a été gravé directement sur vinyle, puis regravé en cd à partir de la galette noire. Et puis il faut dire que la bande sait y faire pour faire monter la sauce. Huit pochettes différentes pour le marketing, mais aussi et surtout une série de concerts sauvages tous plus originaux les uns que les autres, de cette quasi improvisation sur parking (15.000 personnes réunies en seulement 24 heures) à ce show dantesque et en live mondial sur Youtube le 5 août dernier au Madison Square Garden (mis en image par Terry Gilliam). Sans trop en faire, Arcade Fire le fait bien et quoi qu’on en dise à la fin de l’écoute de ce disque, n’est toujours pas tombé dans le rock FM, et ça c’est bien.
"Ready to start" et on retrouve le vrai Arcade Fire, celui du early Funeral, avec un départ enchaîné énergique et une montée en puissance vers un final lyrique. C’est la signature du groupe canadien : le contraste entre rythmes énervés et binaires (bien souvent une simple note de piano martelée) et voix qui trainent. Ces morceaux donnent l’impression de garder un cap, et d’avancer tête baissée vers quelque chose. C’est ça que l’on aime, être emporté.
Suivent deux titres qui m’ont moins impressionné. "Modern man", une ballade assez lente et "Rococo" un peu trop rococo justement pour moi. Mais bon soyons clairs, un morceau moyen d’Arcade Fire reste un morceau solide et de qualité. Régine n’arrive que sur le cinquième titre "Empty room". Le morceau est très bon, avec rythme énervé de violons et chants mêlés. Habilement enchaîné, "City with no children" ressemble aussi à du Arcade Fire. Vient ensuite une série dont le groupe a le secret : "Half light I" et "Half light II". Régine mène la barque de la première partie, un magnifique slow à la Bodies Of Water, avec cordes et violons (le grand Owen Pallett est aux arrangements de cordes) mais aussi avec une pudeur qui impose le respect. La deuxième partie est laissée à Win qui reprend le pouvoir le temps d’un morceau qui file vers l’avant. La fameuse énergie positive toute en retenue, du genre "Soyons heureux mais soyons prudents". Le premier disque vient de se finir.
"Suburban war" est assez triste, façon Neon Bible. La guitare mène, le piano se mêle à l’affaire par moments. Et puis grosse montée avec à la clef une tension dramatique et un final dont ils ont le secret. Le live doit être monumental. A ce moment-là mon train est réservé pour aller voir ça à Rock en Seine à la fin du mois, c’est une évidence. Enfin "Month of May" déboule et fait tout péter. Rythmique ultra rock n’ roll, grosse pêche, jeux sur les voix, un sacré single ! Un morceau à se passer avant un entretien, ou simplement pour se lever le matin. Encore que le final fadé annonce déjà le semi retour de la mélancolie avec "Wasted hours", une ballade finalement assez convenue. C’est à ce moment que l’on découvre que le disque est long, très long (comme cette chronique d’ailleurs, désolé). Plus d’une heure de morceaux faussement simples, car même ce que j’appelle "ballade convenue" va recéler à un moment ou un autre un gimmick que l’on mettra du temps à déchiffrer. C’est le cas pour "Deep blue" qui n’invente rien mais qui reste chargé d’émotion. "We used to wait" revient aux fondamentaux de Funeral. Piano mono doigt et envolée lyrique. Single possible également.
Et à partir de là accrochez-vous, le disque touche à sa fin, mais le meilleur reste encore à venir : l’enchaînement des deux "Sprawl". Le premier, "Flatland", est le morceau triste de l’album. Win est tout seul sous le rai de lumière, les violons sont assassins et chaque mot qui sort de sa bouche est un torrent d’émotion. Et on se prête à penser que si un jour il vivait une rupture amoureuse (ce que bien-sûr on ne lui souhaite pas), il pourrait nous écrire les chansons les plus déchirantes jamais pensées. Et puis cette suite phénoménale qui sort de nulle-part et que personne n’attendait, qui n’a rien à voir mais pourtant complète si bien la première. Régine dévoile toute sa personnalité et nous pond un "Mountains beyond mountains" imbattable. On y trouve des claviers 80’s (et non kitsch) inédits chez Arcade Fire, un break exemplaire et une énergie phénoménale. La ressemblance quant à elle est frappante, ce n’est ni plus ni moins que le "Heart of glass" de Blondie. Pour moi l’un des tous meilleurs morceaux jamais écrits par le groupe, alors qu’il ne lui ressemble en rien. Et surtout une façon admirable de finir un disque, avant de laisser le thème The suburbs joué en classique puis en réverb caresser une dernière fois l’oreille de l’auditeur qui normalement à ce moment-là est déjà sur le cul. Il vient d’écouter le troisième album d’Arcade Fire.
En bref : le cru Arcade Fire troisième du nom est un disque long et varié, qui prendra du temps à être déchiffré complètement, et qui assoie définitivement le groupe sur le piédestal du rock indé. Avec ses deux immenses personnalités (Win et Régine), son groupe débraillé et ses chansons exemptes de toutes influences, les canadiens ont toutes les cartes en main pour marquer l’histoire.
Le site officiel
"Month of May", "Spraw IIl" et une chronique filmée assez pertinente :
"The suburbs" titre thème de ce nouveau disque introduit l’ambiance. Les banlieues, celles de Montréal, ont inspiré le groupe pour ce qui devait être la BO d’un film déjà mort / né. Win semble plus détendu et serein que lorsqu’on l’avait quitté sur "My body is a cage" par exemple. La production est effacée au possible et pour l’anecdote le disque a été gravé directement sur vinyle, puis regravé en cd à partir de la galette noire. Et puis il faut dire que la bande sait y faire pour faire monter la sauce. Huit pochettes différentes pour le marketing, mais aussi et surtout une série de concerts sauvages tous plus originaux les uns que les autres, de cette quasi improvisation sur parking (15.000 personnes réunies en seulement 24 heures) à ce show dantesque et en live mondial sur Youtube le 5 août dernier au Madison Square Garden (mis en image par Terry Gilliam). Sans trop en faire, Arcade Fire le fait bien et quoi qu’on en dise à la fin de l’écoute de ce disque, n’est toujours pas tombé dans le rock FM, et ça c’est bien.
"Ready to start" et on retrouve le vrai Arcade Fire, celui du early Funeral, avec un départ enchaîné énergique et une montée en puissance vers un final lyrique. C’est la signature du groupe canadien : le contraste entre rythmes énervés et binaires (bien souvent une simple note de piano martelée) et voix qui trainent. Ces morceaux donnent l’impression de garder un cap, et d’avancer tête baissée vers quelque chose. C’est ça que l’on aime, être emporté.
Suivent deux titres qui m’ont moins impressionné. "Modern man", une ballade assez lente et "Rococo" un peu trop rococo justement pour moi. Mais bon soyons clairs, un morceau moyen d’Arcade Fire reste un morceau solide et de qualité. Régine n’arrive que sur le cinquième titre "Empty room". Le morceau est très bon, avec rythme énervé de violons et chants mêlés. Habilement enchaîné, "City with no children" ressemble aussi à du Arcade Fire. Vient ensuite une série dont le groupe a le secret : "Half light I" et "Half light II". Régine mène la barque de la première partie, un magnifique slow à la Bodies Of Water, avec cordes et violons (le grand Owen Pallett est aux arrangements de cordes) mais aussi avec une pudeur qui impose le respect. La deuxième partie est laissée à Win qui reprend le pouvoir le temps d’un morceau qui file vers l’avant. La fameuse énergie positive toute en retenue, du genre "Soyons heureux mais soyons prudents". Le premier disque vient de se finir.
"Suburban war" est assez triste, façon Neon Bible. La guitare mène, le piano se mêle à l’affaire par moments. Et puis grosse montée avec à la clef une tension dramatique et un final dont ils ont le secret. Le live doit être monumental. A ce moment-là mon train est réservé pour aller voir ça à Rock en Seine à la fin du mois, c’est une évidence. Enfin "Month of May" déboule et fait tout péter. Rythmique ultra rock n’ roll, grosse pêche, jeux sur les voix, un sacré single ! Un morceau à se passer avant un entretien, ou simplement pour se lever le matin. Encore que le final fadé annonce déjà le semi retour de la mélancolie avec "Wasted hours", une ballade finalement assez convenue. C’est à ce moment que l’on découvre que le disque est long, très long (comme cette chronique d’ailleurs, désolé). Plus d’une heure de morceaux faussement simples, car même ce que j’appelle "ballade convenue" va recéler à un moment ou un autre un gimmick que l’on mettra du temps à déchiffrer. C’est le cas pour "Deep blue" qui n’invente rien mais qui reste chargé d’émotion. "We used to wait" revient aux fondamentaux de Funeral. Piano mono doigt et envolée lyrique. Single possible également.
Et à partir de là accrochez-vous, le disque touche à sa fin, mais le meilleur reste encore à venir : l’enchaînement des deux "Sprawl". Le premier, "Flatland", est le morceau triste de l’album. Win est tout seul sous le rai de lumière, les violons sont assassins et chaque mot qui sort de sa bouche est un torrent d’émotion. Et on se prête à penser que si un jour il vivait une rupture amoureuse (ce que bien-sûr on ne lui souhaite pas), il pourrait nous écrire les chansons les plus déchirantes jamais pensées. Et puis cette suite phénoménale qui sort de nulle-part et que personne n’attendait, qui n’a rien à voir mais pourtant complète si bien la première. Régine dévoile toute sa personnalité et nous pond un "Mountains beyond mountains" imbattable. On y trouve des claviers 80’s (et non kitsch) inédits chez Arcade Fire, un break exemplaire et une énergie phénoménale. La ressemblance quant à elle est frappante, ce n’est ni plus ni moins que le "Heart of glass" de Blondie. Pour moi l’un des tous meilleurs morceaux jamais écrits par le groupe, alors qu’il ne lui ressemble en rien. Et surtout une façon admirable de finir un disque, avant de laisser le thème The suburbs joué en classique puis en réverb caresser une dernière fois l’oreille de l’auditeur qui normalement à ce moment-là est déjà sur le cul. Il vient d’écouter le troisième album d’Arcade Fire.
En bref : le cru Arcade Fire troisième du nom est un disque long et varié, qui prendra du temps à être déchiffré complètement, et qui assoie définitivement le groupe sur le piédestal du rock indé. Avec ses deux immenses personnalités (Win et Régine), son groupe débraillé et ses chansons exemptes de toutes influences, les canadiens ont toutes les cartes en main pour marquer l’histoire.
Le site officiel
"Month of May", "Spraw IIl" et une chronique filmée assez pertinente :
3 Comments:
De retour de Corse, je découvre toutes ces chouettes chroniques. J'ai hâte d'écouter ce disque. J'aime bcp Funeral, un peu moins Neon Bible, qui contient au demeurant de trés beaux morceaux. J'ai l'intention d'aller les voir en nov à Lyon
bises
J
100 % d'accord avec toi Ju : ARCADE FIRE est un des plus grands groupes de rock indé, celui qui a changé le visage de l'indie rock/pop !
Le premier était un chef d'œuvre, le second un petit poil en dessous et celui-ci m'a tout l'air d'être excellent, voir un chef d'œuvre (?). Mais il faudra du temps et des écoutes pour pouvoir s'en rendre vraiment compte.
Par contre, quand je lis ça et là toutes ces critiques qui descendent cet album en beauté, je trouve que c'est assez symptomatique de l'époque actuelle: détruire ce que l'on a adulé. On dirait que cela fait bien. Nouvelle mode ??
Moi aussi je compte enfin les voir (pour la 1èr fois) à Lyon en novembre prochain.
A + +
Et bien il va y en avoir du monde à Lyon.. Vous ne le regretterez pas !
Par contre c'est bizarre comme Neon Bible est qualifié d' "en dessous", parce que du coup je me le suis repassé, et il contient quand même quelques classiques du groupe genre Keep the car running, Intervention, No cars go..
Concernant la nouvelle mode dont tu parles, et qui n'a rien de nouvelle à mon avis, voici ce commentaire laissé chez nos amis Gonzaï par un lecteur réagissant à l'excellent article de mauvaise foi du collègue Bester, et qui résume bien là tout l'esprit :
"Et voilà, encore un bon groupe devenu trop populaire pour être crédible. C’est moche" La question se pose en effet.
Si vous êtes fan d'Arcade Fire, et que vous voulez aller râler sur cet article c'est ici :
http://gonzai.com/musique-desincarnee-1-arcade-fire-a-la-peripherie-de-l%E2%80%99audace
A+
Ju
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