29 septembre 2010

Black Mountain - Wilderness Heart (2010)

Tout le monde la qualité du deuxième opus de la bande de canadiens de Black Mountain. In The Future les avait en effet fait basculer du côté visible de l'indie américain, après un déjà très prometteur album éponyme.

Deux ans après, le groupe mené par Stephen Mc Bean et Amber Webber remettait ça avec un très attendu 3ème long format, album dont on peut d'ores et déjà dire qu'il fourrage dans les mêmes rivages 70's, avant même de l'avoir écouté.

En effet, si l'on sait que l'on va aimer un nouveau disque de Black Mountain, c'est moins pour ses capacités à se remettre en question que pour ses talents à usiner dans une mouvance qu'il maîtrise sur le bout des médiators.

Ce nouveau disque ne faillit pas à la règle selon laquelle on ne change pas un son qui gagne ; et qu'importe finalement qu'un artiste ne soit ni novateur ni avant-gardiste, tant qu'il sait écrire des chansons, et que ses œuvres tiennent la route et l'épreuve du temps.

Et des bonnes chansons, il y en a à la pelle dans Wilderness Heart. Et en dépit du requin énigmatique et peu engageant de sa pochette, l'on s'envoie sans coup férir une face A d'un très bon acabit : pas un temps mort de "The Hair Song", envolée à deux voix du duo Mc Bean/Webber et ses quelques enluminures à l'orgue délivrées par un Jérémy Schmidt plus en retrait dans le mix qu'à l'accoutumée, jusqu'à ce décapant "Let Spirits Ride".

Toujours ces massives guitares rythmiques si chères à Black Sabbath ou Led Zeppelin sur "Old Fangs" ou "Rollercoaster" (ma préférée) annoncées à renfort d'intros soufflantes.

La grande force de ce groupe, et pourrait-on dire l'once d'originalité dont on peut cependant les créditer, est ce travail sur les voix, pour preuve cette enivrante "Radiant Hearts", émouvante ballade dans laquelle le duo se montre à nouveau très convaincant. Bien sûr, la voix chaude et vibrante d'Amber est pour beaucoup dans cette réussite : son timbre comme déjà évoqué, tout comme les sonorités électriques mâtinées de folk de l'orchestre, rappellent encore et toujours les cruciaux Jefferson Airplane.

Alors, y a-t-il un ou deux midtempos convenus sur le disque ("Buried by the Blues", "The Space of your Mind") qu'on ne s'en émeut guère. Car la face B (il est important de remettre l'accent sur ce concept de "face" !), offre tout de même un "The Way to Gone" et un "Wilderness Heart" des plus revigorant, et un "Sadie" - plus entendu ce prénom sur vinyle depuis le White Album, et de la bouche de Lennon - tendre et crépusculaire.

En bref : vivent les parties de chant à deux ! Black Mountain sait nous rappeler ce précepte sur de la belle ouvrage pop et folk et des rythmiques à bouger les cervicales. Retour réussi pour les babouzes canadiens.



le site Jagjaguwar, le Myspace du goupe

"Old Fangs"



"Rollercoaster"


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27 septembre 2010

Emeralds - Does It Look Like I'm Here? (2010)

Le dernier Emeralds m’a accompagné tout l’été. Sorti en mai, Does It Look Like I'm Here ? est un album auquel il est extrêmement facile de s’abandonner. A l’heure où la kosmische musik a plus que jamais la cote, le son du trio de Cleveland a tous les arguments pour se distinguer du tout-venant, tout en dépassant, de loin, l’hommage scolaire aux pères fondateurs. Intense, parfois très sérieux et solennel, l'objet se compose de douze pièces assez courtes (à l’exception de "Genetic" et ses 12 minutes), peuplées de drones à la dérive, et rythmées par les flux et reflux des vagues synthétiques.

Dans la géométrie cosmique des Emeralds, les courbes sinusoïdales des arpèges occupent une place centrale, apportant à la fois l’harmonie et la structure rythmique. La spirale est aussi un motif récurrent (Cf. les drones de "Goes By" ou de "Summerdata"). Dans les liner notes de Picture Music (1976), Klaus Schulze disait vouloir "créer un son que l’on peut voir". Le gourou de l’école planante teutonne aurait sans doute été séduit par la puissance d’évocation visuelle de la musique des Américains – une musique géométrique, donc, mais aussi lumineuse et colorée, jouant sur les contrastes et les nuances des tons. De quoi faire turbiner les usines à images que sont nos cerveaux.

Mais le son des Emeralds ne serait pas aussi prenant sans la guitare et les pédales de Mark Mc Guire. Qu’il se la joue Manuel Göttsching, comme sur "Genetic", qu’il injecte un parfum baléarique à un titre comme "It Doesn’t Arrive", ou lâche un petit riff folk ("Now You See Me"), il donne son supplément d’âme, sa substance et son équilibre à l’album. C'est un peu le soliste du groupe, quoi.

Does It Look Like I’m Here ? surprend par sa capacité à emmener très loin celui qui se donne la peine d’y plonger, et à assumer ses désirs de grandeur, voire d’immensité. En un mot, son lyrisme. Je connais mal les autres productions du trio, qui semble habituellement plus noisy, mais ce troisième album officiel, après une tonne de CDR et de cassettes sortis sur une douzaine de labels, est d’une solidité qu’on devine à l’épreuve du temps.

En bref : un voyage astral d’une intensité et d’un lyrisme rares. Guitare, drones et synthétiseurs s’y accordent à la perfection. L’un de mes albums de l’année, sans l’ombre d’une hésitation.



Emeralds – Genetic.mp3

Leur blog
Le site du label Editions Mego




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Surf Noir - Beat Connection Ep (2010)

Avec un patronyme et un esthétisme qui font fureur ces derniers temps (champs lexical de la plage, images sépia, films en 8mm…) Surf Noir est un duo d’indie dance en provenance de Seattle. Les jeunes Jordan Koplowitz et Reed Juenger se sont fait connaître auprès des blogs cette année en mettant gratuitement à disposition sur Bandcamp leur premier Ep home-made, Beat Connection. Le moins que l’on puisse dire pour un disque que l’on sent enregistré dans la chambre, c’est que l’on se trouve face à un bien bel ouvrage, avec 25 minutes de synth pop un peu chill wave, et surtout finalement très électroniques.

Que trouve-t-on sur cet Ep ? Commençons par le moins indispensable, et les deux interludes "Wildheart" et "Motorway". Puis restent six vrais morceaux taillés pour l’été, très cohérents entre eux, toujours de bon goût et jamais tape à l’œil. En tête, l’instrumental "Sunburn" pour introduire à l’univers laid-back de l’ensemble, très vite enchaîné avec l’un des morceaux phare de cet Ep, "In the water". Des mouettes annoncent ce pur morceau baléarique, morceau qui ne cesse de s’arrêter, de repartir, de revenir, tel une vague. On retrouve les premiers tics de Surf Noir : mélodies, claviers et chœurs. A ce jour la plus belle carte de visite du duo.


Mais ce serait dommage de s’arrêter là puisque le reste est aussi très bon. "Theme from yours truly" notamment qui surfe habilement entre disco, dance et électro et qui comporte lui aussi de nombreuses parties à découvrir au fil des écoutes. "Fresh touch" est aussi très bon. Plus lent et vocodé, il sert surtout à introduire en fade le deuxième coup d’éclat de cet Ep, "Silver screen". Claviers Casio, voix à la Peter Gabriel, le morceau ne se contente pas non plus de dérouler mais aime à se perdre dans des couloirs de mélodies parallèles. Enfin, "Same damn time" se charge de conclure le disque en un dernier slow électronique de haute volée.

En bref : Delorean n’a qu’à bien se tenir, ces deux jeunes blanc-bec de Seattle viennent de taper plutôt fort avec leur premier Ep d’électro pop classe et envoûtante. A surveiller de très près.




A lire aussi : Javelin - No Mas (2010)

"In the water" et "Silver screen" :





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24 septembre 2010

Teengirl Fantasy - 7 AM (2010)

C’est en écoutant la compilation Sisters avec l’ami Fab que j’ai découvert Teengirl Fantasy. Le morceau incriminé, "Now That’s What I Call Vol 2", s’est vite retrouvé en mode repeat dans la voiture. Il procurait une agréable sensation de flottement, d’errance sans but dans les limbes synthétiques. Je suis ensuite parvenu à me procurer leur démo, CDR, qui m’a surpris au point de me répugner et de rester au placard pendant quelques semaines. Ma première sensation était celle d’un bordel vulgaire aux couleurs criardes, pour faire court. Pourtant, je ne saurais dire pourquoi, j’avais l’impression d’être passé à côté de quelque chose. Impression confirmée par une nouvelle écoute, qui m’a révélé un univers singulier, aussi proche de la dance-pop spectrale de Delorean que de l’opacité électronique de The Field ou Fuckbuttons.

Sur CDR, les Teengirl Fantasy s’acharnaient cependant à brouiller les pistes. Entre "Gasmaskk" et son improbable sample du "Banana Split" de Lio, les incursions techno de "Azz Klapz" ou "Sandpillz", et les fantastiques pièces d’électronica hypnotique que sont "New Image Everyday" et surtout "Portofino" (l’un des meilleurs morceaux de 2009, sorti en single sur Rough Trade), difficile de trouver un fil conducteur à cette œuvre de jeunesse qui part dans tous les sens pour le meilleur et pour le pire (l’inaudible "Hoop Dreams"). Pourtant il en ressortait une incontestable vitalité, et aussi un je-m’en-foutisme plutôt séduisant.

Sur 7 AM, leur premier album officiel, on sent que les deux étudiants de l’Ohio, aujourd’hui basés à Amsterdam, se sont assagis. Ils se dispersent moins et se focalisent sur ce qu’ils font le mieux : une house vaporeuse et entêtante. Ils tentent bien une sorte de R&B psychédélique sur "Dancing In Slow Motion", mais ce n’est pas franchement une réussite, malgré la performance vocale de Shannon Fuchness (Light Asylum). "An Arena" et "Make A Move" justifient quant à eux l’étiquette chillwave que certains veulent coller au duo. Mais le plus intéressant n’est pas là.

Jouissant d’une position privilégiée car extérieure au mouvement, Logan Takahashi et Nick Weiss, comme les Fuckbuttons déjà cités, peuvent se permettre de sortir la musique de club de ses codes, de lui infliger les pires sévices pour en faire leur chose. En résulte une Intelligent Dance Music qui se nourrit avec irrévérence du meilleur de la house de Chicago (Mr Fingers, Marshall Jefferson…) en y intégrant le néo-psychédélisme propre à la scène indé actuelle. "Forever The Feeling", par exemple, sonne d’abord comme un morceau récent d’Animal Collective, avant que les percussions n’élèvent le tempo et qu’un pied house, puis un clap, ne prennent le relais, bientôt enrobés par un maelström d’échos de voix, de flûtes, et naturellement de synthés.

"Koi Pond" et "In The Rain" sont deux autres perles deep pour petits matins comateux, fonctionnant peu ou prou sur le même principe : un beat rapide, des samples de voix féminines et des mélodies d’une candeur féérique, le tout plongé dans un océan de delays digne du dub le plus lourd. Cet étrange bal de fin d’année sous kétamine se clôt en fanfare sur l’épique "Cheaters," un vrai petit tube underground, qui emprunte ses vocals à "Cheaters Never Win," de Love Committee.

En bref : un très beau premier album de dance-pop spleenétique et brumeuse.



Le Myspace du duo, et son site officiel, digne du skyblog d'une gamine de 12 ans.
Le site du label True Panther Sounds

A lire aussi: Odelo - Song For Natasha (2010)






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23 septembre 2010

Trans Am - Thing (2010)

Il serait temps de se pencher sur le cas Trans Am, ce trio de musiques électroniques très organique. Déjà responsable de 8 albums avant ce Thing sorti au début de l'été, Nathan, Sebastian et Philip continuent vaille que vaille d'oeuvrer dans leur son fait de bleep, de tchak et de redoutables assauts de batterie.

Ce trio américain, pour qui les ignore encore, doit être associé à la mouvance des excellents Zombi, Shout Out Out Out Out, qui sont du reste des compagnons de jeu, et avec lesquels ils ont déjà partagé plusieurs tournées.

Ce nouvel effort n'apporte pas de grande nouveauté au savoir-faire ni à la musique du combo de Maryland. Et la meilleure chose à faire pour apprécier pleinement leur art est encore d'aller les voir live, là où ils sont impressionnants ! Thing n'a malheureusement que peu été chroniqué ici où là, et c'est d'autant plus de salut public d'en parler sur Dodb, surtout quand on les suit depuis des années comme votre serviteur.

Peu de voix sur cet opus, ou alors trafiquées comme de bien entendu sur ce futur classique qu'est "Black Matter" et qui renvoie aux "Television Eyes", "I Want It All" ou "Washington DC" d'hier ! La force de frappe de Sebastian reste intacte, sur l'échevelé et spasmodique "Heaven's Gate".

Le disque a le bon goût de s'ouvrir sur une courte pièce qui annonce avec pertinence le riff du morceau de bravoure, que l'on retrouvera en final sur cet infernal "Space Dock" roboratif et inquiétant.

Quelquefois, Trans Am donne dans les sonorités crissantes et saturées qui ne font guère partie de sa panoplie habituelle, et qui rappellent l'excellence des feux Add N To (X) ; le son d'ensemble renvoie sinon de façon prévisible aux groupes Kraut ! De la belle ouvrage même si sans surprise : un disque quelque peu dans l'ombre des deux "classiques" que sont Futureworld (1999) et Liberation (2004), et plutôt moins énervé que le précédent Sex Change (2007), mais sur lequel le néophyte pourra se pencher sans vergogne.

En bref : Trans Am poursuit son bout de chemin sur la voie tracée par les groupes allemands des 70's. Kraftwerkienne en diable, et toujours très inspirée sur ses meilleurs titres, voici une autre étape, même si mineure, de sa discographie. A découvrir.




Le site, le Myspace

"Black Matter" :



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Sóley - Theater Island (2010)

A quel point l’écoute d’un disque peut-elle être influencée par sa pochette ? Je me suis déjà surpris à attribuer à la musique d’un album, inconsciemment, la couleur de ses visuels. Et oh ! Celle-ci est brune, grise, sombre, bouh ! D'emblée elle annonce la couleur : le titre, Theater Island, place sans détour le disque dans son contexte d’origine, l’Islande. La jeune Sóley y pose, le regard triste, affublée d'un maquillage que l'on jurerait prêté par Fever Ray, histoire de poursuivre dans le glauque scandinave. Ce maquillage n’est pourtant pas non plus sans nous rappeler celui, haut en couleurs, arboré par Sin Fang Bous, son compère au sein de Seabear, sur la pochette de son Clangour sorti l’an passé sur Morr Music, label sur lequel Sóley est également signée. Elle en est même un négatif évident. L’album aussi.

Theater Island, de quoi donc retourner les clichés, celle d’une Islande peuplée de fées musiciennes chaleureuses et colorées, aux compositions gentiment régressives et twee. Le registre sur lequel joue ici Sóley est pourtant aussi celui de la femme-enfant : voix enfantine, référence à des personnages merveilleux, anglais imparfait. Mais il s’agit ici de révéler les coulisses sombres, le revers tordu de cette Theater Island, en enfonçant, discrètement, un poids malsain sur la poitrine de l’auditeur. Il faut cesser de rêver : l’Islande est une île, une île est une promesse de solitude, la solitude est une promesse de dépression.

Voilà donc ce qu’inspire cet album 6 titres, qui s’attache à donner forme à cette solitude. Et le résultat est assez brillant. Un certain groupe nommé Sigur Rós aurait isolé l’auditeur dans d’immenses paysages sonores. Sóley préfère jouer sur l’intime et l’isoler dans une petite chambre, dans laquelle ses notes de piano font les cent pas. L'instrumentation est minimaliste (piano-voix principalement, parfois soutenus par de discrètes cordes ou percussions), et l’ambiance ainsi créée rappelle l’intérieur de La Maison de mon rêve des sœurs Cocorosie. Le premier titre, "Dutla", se présente comme une sorte de lente chute d’Alice. Il s'ouvre sur une spirale d’accords de cordes étranges, et se poursuit sur un canon, que Sóley chante avec elle-même. Le morceau joue sur la tangente, dans la pénombre. Mais avec le glauque "Kill The Clown", la pianiste fait tomber l’album dans l’obscurité, au lieu de le faire léviter au pays des Bisounours.

À partir de là, le talent de Sóley s’exécute surtout à deux niveaux. Le premier est dans sa manière de retenir le lyrisme le plus longtemps possible, dans de belles et longues introductions ("Kill The Clown "et "Read Your Book" notamment). Le deuxième est dans les superbes spirales mélodiques que dessinent ces courtes séquences lyriques justement, après avoir été laissées en suspens pendant plus de la moitié de la chanson. Le seul refrain de "Blue Leaves "par exemple est, à ce titre, à tomber. Avant cela, les notes de piano de "Theater Island" tournaient autour de la fuite, de la poursuite, et de la mort dans un passionnant crescendo ryhthmique. Et, à la fin, même si les mélodies sont plus lumineuses après une longue et belle introduction encore, les paroles de "We will put her in two graves" enfoncent le clou gothique de ce beau disque sur l’isolement.

En bref : un beau mini-album de contes gothiques narrés sur des notes de piano qui font les cent pas dans une maison de poupée.




Le Myspace, et la page de Sóley sur le site du label Morr Music

À lire aussi : Frida Hyvönen - Until Death Comes (2005)

La vidéo de "Blue Leaves" :



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21 septembre 2010

The Rolling Stones - Aftermath (1966)

Lorsque paraît ce disque au visuel saisissant en 1966 (trouvez-moi une autre pochette avec portrait de groupe dans les tons roses, à part celle des Prisoners.), les Rolling Stones sont au faîte de leur gloire, à leur firmament. 
C'est tout simplement une époque où pas un mois ne s'écoule sans un single génial, un album du même tonneau, et nos vaillants cailloux se tirent avec leurs prestigieux amis/concurrents britanniques que sont Beatles et autres Who ou Kinks, pour ne citer que les plus connus, une bourre acharnée.
Point de guéguerre stupide alors, façon Blur/Oasis des années plus tard -on a l'époque qu'on mérite- à grand renfort de déclarations idiotes et entretenues par une presse complaisante, seuls ici (hic et nunc) semblent prévaloir l'inspiration, l'innovation ainsi qu'une émulation entraînant des disques légendaires.

D'autant que Jagger et Richard(s) se sont décidés à assumer leur talent d'auteur-compositeur qui n'est pas négligeable, et de laisser derrière eux les artifices que sont les relectures énervées de blues du Delta ou des classiques de soul. De même, plus besoin de se réfugier derrière le pseudo de Nanker Pheldge pour signer d'estimables chansons, de celles qui garnissent leur précédent Out Of Our Heads (1965) qui contenait le très apprécié "(I Can't Get No) Satisfaction".
Aftermath, 4ème LP du groupe, est ainsi le premier album stonien à ne contenir que du matériel original. Comme en plus, Brian Jones, le fondateur du groupe est dans une forme éblouissante -malgré l'aspect bougon et fuyant de son regard sur la pochette- et qu'il se révèle ici, un instrumentiste doublé d'un arrangeur stupéfiant, tout est réuni pour assister à une grande cuvée.

Could You Walk On The Water ? - à l'origine album mort-né, au visuel rejeté et "remplacé" par Aftermath,débute par une profession de foi ("What a drag it is to get old ! /Ca fait ch**** de vieillir !") sur l'incontournable "Mother's Little Helper", et sa ligne de basse vrombissante. Jagger, en pleine forme, rugit, feule, croone, secondé par la voix de crapaud céleste de son acolyte, le Keith - mais combien de grands guitaristes compositeurs chantent comme des ectoplasmes ? Brian Jones enlumine tout cela : d'orgue, le vachard et garage "Stupid Girl", de marimbas les géniaux et définitifs "Out Of Time" et "Under My Thumb" qui en remontrerait aux ligues féministes -en gros, "elle m'obéit au doigt et à l'oeil, elle est à ma botte !"- de dulcimer, le délicat et adorable "Lady Jane", qui fait remonter des effluves élizabéthaines, héritage culturel oblige, ou bien celui de "I am waiting"... Tout ici est de bon goût, et donne un sens noble et contemporain à l'album, naguère dévolu à une collection de singles.

Ce qui est remarquable dans ce disque, c'est son équilibre, car au moins un tiers des titres renouent avec les obsessions blues passées, et sont donc autant de récréations au milieu de gemmes imparables - aux titres cités, l'on ajoutera le furieux "Think" et "Take It Or Leave It" composée bien avant l'émergence de Sarkozy - l'une des plus remarquables étant bien entendu la longue jam de "Goin' Home" et ses 11'
Les Stones ne vont pas s'arrêter là, et remettront d'une certaine façon le couvert, avec le superbe et baroque Between The Buttons (1967), avant le court intermède psychédélique (Their Satanic Majesties Request également en 1967), et le virage quasi définitif vers le country-blues et le gros rock qui tache/.
Comme tout album de cette époque, les versions GB et US différaient sensiblement, que ce soit au niveau de la pochette, mais aussi pour ce qui était du contenu - les exemples les plus redoutables étant les LP's des Beatles, irrémédiablement différents et amputés outre-atlantique.
 Alors, s'il est vrai que la redoutable scie "Paint It Black" (avec Jones au sitar), à l'origine un single, ne figure que sur le pressage américain, c'est bien sûr le pressage anglais qu'il faut posséder .Car serait-il raisonnable de se priver à la fois de "Mother's Little Helper", "Take It Or Leave It", "What To Do" ainsi que de (gasp !), "Out Of Time" ?

En bref : le terme de classique n'a jamais été aussi peu galvaudé pour un album des Stones que sur ce magnifique LP, long de 53' étincelantes d'éclectisme, de maîtrise d'exécution et de compositions hors pair.




"Think" :



"Under My Thumb" :


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20 septembre 2010

Philippe Katerine - s/t (2010)

Diantre, quelle mouche l'a piqué ? 5 années pleines plus tard - il aura fallu cela pour digérer l'ouragan Robots Après Tout - le nantais auteur-compositeur-interprète le plus loufoque de la terre, remet ça avec un 8ème LP dont le contenu, à l'image de son (non) titre, revendique l'épure.

Jusque-là et pour patienter, l'artiste nous aura offert un morceau monumental (et un clip quéquette à l'air qui ne l'est pas moins) où son irrévérence, son esprit iconoclaste sous fond de ballade pop farfelue, est une oasis et un air frais, une allégorie défendant nos libertés bafouées : pas sûr en effet que se promener nu, un symbole phallique à la main, même entouré d'une foule complaisante ait voie de cité dans l'univers sclérosé qui est le nôtre aujourd'hui.

Donc, pour cela bingo : Katerine n'a pas changé d'un poil... de cul / moustache (rayer la mention inutile). Tout va bien pour lui ; sur la pochette, il apparaît goguenard, entouré de ses parents, et il a l'air sans bouger les oreilles, ni le médius, d'adresser un message fort quant au contenu de son disque.

Et les bonnes surprises ne manquent pas : "La Banane" donc, dans la lignée de "Je vous Emmerde" ou autre "Louxor J'adore" qui l'ont rendu célèbre - rappelons à toutes fins utiles que Robots... s'est vendu à quelque 200 000 exemplaires, ce qui est énorme à l'ère du téléchargement.

Puis le doo wop de "La Reine d'Angleterre", qui ne mange pas de pain tout en offrant un leitmotiv assez drôle ("Je chuis la weine d'Angletewwe /et je vous chie à la waie !"). On note aussi un émouvant hommage à la "Vieille Chaîne" de l'artiste, ainsi qu'un autre texte où notre trublion se rêve en "Sac en plastique", et où dans son monde à la fois enfantin, poétique et dérisoire, il n'a pas son pareil pour dépeindre l'absurdité de nos existences, un peu à l'instar d'une Brigitte Fontaine, dont il apparaît plus que jamais comme le pendant masculin.

Mais, à force de vouloir resserrer son propos, de ne plus s'en tenir qu'à quelques slogans, fussent-ils rigolos et un poil -encore !- convenus ("Liberté... égalité.... fraternité... mon cul"), Katerine en oublie qu'on attend aussi de sa part des chansons, des vraies, des ficelées, même exécutées sur une gratte pourrie comme à l'époque de L'Homme à Trois Mains (1999). Ou bien des morceaux aux sonorités lounge exquises comme sur son 8ème Ciel (2002), ou bien des déconnades minimalistes, façon Les Créatures (1999) ou Robots..., mais avec des refrains, immédiatement mémorisables, car euphorisants et poilants (décidément).

Or de tout ça, il n'y a guère sur ce disque : des pochades façons "Musique d'Ordinateur" qui vous mettra dorénavant le sourire aux lèvres lorsque vous allumerez votre PC, un exercice conceptuel qui n'est pas si éloigné de celui de Gogol 1er sur son "Massacre Rituel d'Un Piano à La Hache"; encore celle-là, variation vocale sur le jingle de Microsoft, n'est pas la pire.

Ou bien, toujours singeant l'art de Gogol sur son mythique "Essai Télépathique", cette intro qui déjà en dit long : ce test de sono sur son micro en première plage.

Mais lorsqu'on en arrive à ces joutes verbales minimalistes façon "Philippe", on rigole un bon coup, puis on crie halte et on a envie, c'est un comble, de lui rendre son compliment final  ("Ta gueule !) !

Pire encore, ces pseudos morceaux où Katerine convoque ses proches, ses parents dans l'agaçant "Il Veut Faire un Film", sa fille dans "A Toi- A Toi" sont irrémédiablement ratés : pas de texte (ou si peu et prévisible), pas de mélodie, rien ! Le pompon échéant sans doute au navrant "J'aime Tes Fesses", chanté aux côtés de sa compagne d'actrice (Jeanne Balibar, pour ne pas la nommer), qui est une sorte de funk mou en boucle dont même -M- n'aurait pas voulu pour une face B.

Merde, si on avait un jour clamé que le novateur Katerine évoquerait l'un de nos pires chanteurs de variété ! Car c'est çaqui chiffonne à l'écoute de ce disque : que tous les gimmicks rédhibitoires dont on se contrefichait en temps normal - déconne systématique, pas de voix, ou qui flirte avec le faux - éclatent ainsi au grand jour, et finissent par être gênants, tant l'inspiration est en berne.

On eût préféré que ces squelettes de gags, jingles ou micro jingles soient annoncés, à la manière des disques de chanteurs/chansonniers d'antan, façon Salvador, grande influence de Katerine !
Vu que connement, on s'attendait quand même à un album pop, à des refrains fédérateurs, des textes qui bien-sûr, parlent de bites et de couilles.

Las, Philippe Katerine est un album qu'on envisageait poilant, mais qui se révèle rasoir, et finalement barbant.

En bref : on s'attendait à avoir davantage la banane, à l'écoute du nouveau Katerine, qui oublie de composer de vraies chansons, et frise de ce fait l'auto-citation et la mauvaise parodie de son personnage public. Tant d'auto-indulgence amène à l'indigence, et fait naître le spectre d'une évolution à la Gainsbarre, gasp...




Mypace

A lire aussi :Mathilde Monnier / Philippe Katerine - 2008 Vallée - Festival d'Avignon

Le désormais clip mythique de "La Banane" :


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16 septembre 2010

Weezer - Hurley (2010)

Qui attend encore quelque chose de Weezer ? Qui ose encore même se pencher sur leur cas lorsque le médecin légiste du rock indé les a déclarés morts depuis Make Believe il y a cinq ans déjà ? Il y a tant et tant de nouveautés passionnantes qui sortent chaque jour que perdre son temps sur un fossile égaré relève du suicide éditorial. Avec trois albums en trois ans - Red Album (2008), Ratitude (2009) - Weezer ne cesse de travailler et donc de prendre des risques. Et à chaque fois c’est la même, les grands chroniqueurs attendent la "résurrection" ou le "retour" d’un super groupe US qui avec deux disques unanimement salués - Blue Album (1994), Pinkerton (1996) - avaient fait de fausses promesses, bien mal leur en a pris. Ma théorie est qu’il s’agit là d’un énorme malentendu, Weezer n’a jamais voulu être un groupe de rock à prendre au sérieux, mais au contraire un groupe potache et marrant mené par un leader tout de même capable d’écrire de belles mélodies par moment.

Il n’y à qu’à voir la pochette. Tous les téléphages auront reconnu Jorge Garcia de Lost donc, sur une photo dégueulasse à peine recadrée sur Paint. Et pourtant Ratitude avec son chien jeté en l’air faisait déjà très fort dans le n’importe-quoi. Et puis quitte à pousser Mamie dans les orties, autant la bousculer carrément et appeler son album Hurley aussi. Même sur son nouveau label indépendant Epitaph Rivers Cuomo fait ce qu’il veut. Un peu comme notre trublion à nous Philippe Katerine sur son dernier album. La question se pose : escroquerie médiocre ou autodérision poussée à son maximum ? Personnellement je choisis la deuxième option parce que c’est celle qui me fait me marrer et prendre du plaisir à l’écoute de morceaux dits "funs" auxquels nous a habitué Weezer. Parce que ce n’est pas nouveau non plus. A l’époque on pouvait déjà écouter des titres comme "Hash pipe", "Keep fishin’" ou "We are all on drugs". Et si Rivers Cuomo avait simplement de l’humour ?


Alors pour ceux qui recherchent encore et encore le Weezer qui n’existe pas, celui qui livrerait de la power pop bien écrite et efficace, sur ce Hurley ils pourront se rassasier avec "Memories" et "Rulling me" qui se rapprochent d’assez près du Blue Album. Pour ceux qui apprécient les "ballades" FM esprit campus il y a "Unspoken" ou "Run away" (qui commence d’ailleurs comme du Pavement). Après humour ou pas humour il y a quand même des morceaux pas très passionnants. "Hang on", "Smart girls" ou "Time flies" (étonnamment lo-fi) en font partie. Jusque-là on peut se dire que ce nouvel album n’apporte donc pas grand-chose à l’édifice, mais deux petits sommets de n’importe-quoi vont montrer le bout de leur nez, sur de magnifiques structures à tiroir à la manière de "The greatest man that ever lived" issu du rouge.

Le meilleur : "Where’s my sex ?". Jouant habilement (sic) sur la ressemblance entre "sex" et "socks", Weezer déroule un morceau caricatural totalement pliant. "Where’s my sex? / I thought it was here / I’ve got no idea where it disappeared to / I can’t go out without my sex". C’est complètement débile, comme chez Katerine ou chez Ween, mais si on se laisse aller c’est assez jouissif. Dans le même genre il y a "Brave new world" qui commence plutôt classiquement mais qui à 2’17" part sur d’improbables ponts mélodiques et chœurs vaillants. C’est le Weezer que j’aime, sans limites et qui s’en branle, aussi bien capable de nous donner du miel que du vinaigre. A chacun de prendre ce qu’il veut, ou de passer son chemin.

Pour info : l’édition deluxe comporte quatre titres supplémentaires pas franchement indispensables : un court morceau au piano, une reprise de "Viva la vida", une déclaration de foi de Rivers Cuomo ("I want to be something before I die") et un immonde morceau de stade, hymne officiel de l’équipe de foot US pendant la dernière coupe du monde.

En bref : Weezer dévoile enfin sa grande supercherie. Il ne faut plus attendre d’eux du rock indé de qualité mais d’hilarantes boutades musicales à base de grosses guitares, de ponts mélodiques et de chœurs enflammés. Au moins comme ça, ça a le mérite d’être clair.





Le site officiel et le Myspace

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"Where’s my sex ?" et "Brave new world" :





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14 septembre 2010

The National - High Violet (2010)

Parce que la voix du chanteur donne dans les graves de baryton, et dans un registre plutôt tourmenté, on pourrait les prendre pour des Joy division mais émasculés, mais un peu lisses et proprets, un peu affectés, un peu prog. En fait, High Violet vous rentre dedans, et ne vous lâche plus. Ce n'est certes pas un album de guitares, fût-il post-punk. C'est hyper mélodieux, c'est parfois très orchestral, mais le mix préserve quelque chose de percussif. Plutôt un album de voix et de rythmes, mixés très en avant, parties immergées d'un chaos mental que le disque se propose de décrire. "Des émotions, des états d'âmes, qui se succèdent sans narration, principalement à fonction cathartique", confie le chanteur Matt Berninger . "Terrible Love", "Sorrow", "I'm afraid of everyone", etc., tout ça n'est pas trés gai mais la catharsis joue à plein, et nous débarrasse des scories de la boursouflure, de la complaisance et du glauque. L'époque n'est pas plus gaie que les seventies finissantes, qui ont vu Curtis se pendre en écoutant The Idiot, mais The National a de la ressource. Car derrière le registre baryton idoine, la frontalité des rythmiques, s'épanouissent de discrets arrangements luxuriants, qui convoquent toute une gamme de timbres, anches, cordes, cuivres et piano. Quand une guitare apparait on l'entend ! Comme dans ce "Afraid of everyone", où sur un mode épileptique, elle dialogue, de façon inattendue, avec une clarinette.

Ca commence fort avec un "Terrible love" qui hausse progressivement le ton, pour échouer dans un fracas rythmique étourdissant. Difficile d'être insensible à "Sorrow", à cette proximité de la voix, cette intimité troublante, magnifiée par un roulement de toms. "Anyone's ghost" cogne dur d'entrée, en manière de "Disorder", et basculera sans prévenir, un bref instant, dans des sonorités trés cold wave. Un rythme industriel ouvre le morceau le plus beau de l'album, "Little Faith". Puis Voix, double basse en contrepoint, cuivres discrets, et baguettes tressaillantes. Là encore difficile de trouver musique plus expressive, attachée à rendre les mille et une nuance du sentiment, sans pour autant être lyrique. Une scie plaintive en ouverture du flippé "Afraid of everyone"? Pourquoi pas, mais quelques secondes seulement, comme pour conjurer le mélo, et ces chœurs, qui pourraient être un peu trop hantés. A l'image de cette scie, ce n'est que par touches pointillistes que The National procède, et compense la surenchère instrumentale.

Au final, on est secoué, et admiratif devant cette noblesse de la voix, cette dignité dans la débandade affective, cette grandeur d'âme, "magna anima", "magnanimité" disaient les latins. Autrement dit, cette absence totale de vulgarité. "Rien n'est moins au pouvoir de l'homme que de maîtriser et contrarier ses affects", disait un philosophe. Certes, mais il peut les mettre en musique, ce qui est déjà peut-être une première mise à distance, et un premier pas vers la sagesse.

En bref : une voix. Des rythmes. Tout un univers sonore qui s'agite en arrière plan. Des émotions magnifiquement dites et contenues. Un des albums les mieux faits de l'année ?





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Chateau Marmont - Nibiru EP (2010)

Tiens, puisque l'on évoquait Midnight Juggernauts, voici le nouveau EP des parisiens de Chateau Marmont, découverts en 2009 avec enthousiasme.

Avec un son qui évoque de plus en plus Kraftwerk, si tant est que ce soit encore possible, le groupe francilien poursuit sa route, vaille que vaille, empruntant les chemins de Versailles autrefois défrichés par Air. Rien de fondamentalement nouveau sur ces quatre nouveaux titres, si ce n'est peut-être la teneur dark de l'ensemble.

Là où Solar Apex, son prédécesseur offrait des dehors plus primesautiers, plus "jeu vidéo", Nibiru sans chercher de midi à quatorze heures, offre des relents plus paranoïaques : toujours instrumentales ou vocodorisées, les musiques, interchangeables, sonnent un peu moins soundtrack que leurs devancières - moins groovy ?

On pourra renâcler à un manque d'audace, un manque d'ambition, ou se féliciter c'est selon, de ce parti-pris bâbord toute et à la manière de inspiré du EP qui les a fait connaître du plus grand nombre. Louer ce mimétisme qui, jusqu'au graphisme crayonné de sa pochette impose d'ores et déjà Chateau Marmont, à la façon de Justice naguère, comme un visuel incontournable des rayons de disque.

Foin de cette impression en demi-teinte, on attend surtout de ce brillant combo - qui oeuvre dans l'ombre en tant que producteur ou remixeur depuis des années - la prochaine étape, celle qui appose ou dépose la marque de fabrique de tout groupe électronique : le premier long format.

En bref : on ne change pas une formule qui gagne... à être connue. Et malgré des mélodies moins aguichantes, moins sexy, on attendra de jauger Chateau Marmont sur son premier véritable album.




A lire aussi : Chateau Marmont - Solar Apex EP

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"Nibiru" :



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10 septembre 2010

The Midnight Juggernauts - The Crystal Axis (2010)

A Dodb en 2007 on avait bien aimé Dystopia l’odyssée spatiale des Australiens de Midnight Juggernauts. C’était suffisamment planant, pas trop bourrin non plus, même si pas vraiment révolutionnaire. Alors quand trois ans plus tard le trio de Melbourne revient sans faire trop de bruit avec une seconde galette, on veut savoir ce qu’ils sont devenus, si la recette prend toujours ou s’ils ont changé leur fusil d’épaule devant tant d’électro rock populaire.

Il faut peu d’écoutes pour se rendre compte qu’il y a eu du changement. Certes c’est toujours de la synth pop aérienne avec quelques moments qui tabassent, mais de manière générale on s’est éloigné des gimmicks Daft Punk / Justice du premier album pour un esprit d’avantage 70’s. Les morceaux prennent un peu plus leur temps pour instaurer une ambiance, et sur certains passages on n’est pas loin de l’expérimental pur et dur.

Autant les Juggernauts sont assez autonomes par nature, autant cette fois-ci ils ont quand même voulu se payer les services d’un ingé son. Du coup c’est Chris Moore qui s’y colle (TV On The Radio, Liars, Yeasayer…) et le son se fait plus symphonique, presque gothique, souvent épique. Côté univers il y a quelques morceaux qui ne dépareilleraient pas sur Space Oddity ou sur Wish You Were Here de vous savez-qui.


Là où ça se corse un peu c’est que contrairement au cochon, tout n’est pas très bon dans ce Crystal Axis. Sur les douze morceaux (dont deux sont des intros) seuls quelques-uns sortent du lot. "Vital signs" en premier lieu avec son intro sombre et accrocheuse, son rythme entêtant et son break tribal, "Lara Versus the savage pack" aussi, funk au début puis tout en chœurs à la fin. J’aime bien "Cannibal freeway" également, avec une intro intrigante encore une fois, puis un morceau qui galope jusqu’au bout. Enfin "Dynasty" qui suit le même schéma mais qui me rappelle définitivement à "Shine on you crazy diamond". Pour le reste Gérard Darmon avait raison, c’est bien mais pas top.

En bref : les Midnight Juggernauts reviennent avec un album de pop synthétique comme on en faisait avant, ni trop tape-à-l’œil ni trop dansant. Un voyage honnête à classer catégorie science-fiction musicale.





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A lire aussi : Seventeen Evergreen - Life embarrasses me on planet earth (2007)

"Dynasty" et "Cannibal freeway" :





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05 septembre 2010

Liars - Sisterworld (2010)

Sous une magnifique pochette en relief, embossed comme ils disent, voici le 5ème Liars, trio inclassable et avant-gardiste s'il en est. Le sens de l'expérimentation qui avait culminé avec le chef d'oeuvre conceptuel Drum's Not Dead (2006) est un tantinet remis au goût du jour ici, après une parenthèse presque académique et plus traditionnellement indie (Liars en 2007) - enfin, bien dérangeante, quand même.

Dès les premières notes de violoncelle les gémissements plaintifs, la voix mourante d'Angus Andrew dont le timbre évoque un Nick Cave endeuillé, (curieuse analogie qui éventuellement se prolonge sur le physique, sont-ce les gênes australiens qu'ils partagent ?) nous mettent sur la voix d'une nouvelle oeuvre "difficile", à tout le moins où la notion de mélodie primesautière ne prédominera pas forcément.

C'est effectivement ce qui se passe à l'aune de ce "Scissor" et de ses lyrics sinistres ("I found her with my scissor..." gruesome !). En comparaison, "No Barrier Fun" qui lui succède, elle aussi nappée de cordes, ferait presque office de single potentiel ; on y trouve ainsi au détour de la mélodie du couplet un célesta, tant qu'à faire utilisé à contre-emploi. 
Les sonorités menaçantes et tordues sont donc à l'honneur tout au long de cet opus, avec cette obsession du mantra qui caractérise bien l'univers de Liars, cette affaire tribale où l'on jurerait ici entendre un digeridoo de circonstance ("Drip"), références aborigènes obligent. 
La reverb claque sur le délicieusement psychopathe "Scarecrows on a Killer Slant", titre que n'aurait pas désavoué le mythique créateur de Calvin & Hobbes ! Ailleurs, dissonances toujours ("Here Comes All The People", "Drop Dead" - au moins, c'est dit !). Dans ce maelström sonore, Liars est toujours capable de fulgurances mélodiques ; il sait en tout cas soigner ses gimmicks, ses intros y compris lors de ses morceaux les moins indulgents pour l'oreille ("I Still Can See An Ouside World", "The Overachievers", "Goodbye Everything").

Assez naturellement, et comme il l'avait déjà proposé sur Drum's Not Dead, le trio termine son périple sonore par deux titres en demi-teinte, l'obsédant riff de "Goodbye Everything" relevé dans son final de cuivres au ralenti, et ce "Too Much Too Much" aux faux airs mélancoliques. 
Plus que jamais, Liars semble incarner la version moderne d'un Sonic Youth, qui prendrait lui le parti de se renouveler dans la continuité. Liars trace mine de rien une oeuvre étonnante, à nulle autre pareille, dont l'impact rythmique et osons... mélodique, prenons-en les paris, en assureront la pérennité discographique.


En bref : une nouvelle pierre à l'édifice anguleux et atypique de Liars. On aime ou on déteste, mais on ne saura en nier ni la radicalité ni l'intégrité. De l'expérimental envers et contre tous, définitivement libre et affranchi de toute contrainte, euh... radiophonique.



Le site officiel et le Myspace

"Scissor" :



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02 septembre 2010

Festival Rock en Seine 2010, 29 Août 2010, bilan


Cette année vraiment, le festival francilien aura mérité son surnom de Loose en Seine. Certes la programmation étalée sur trois jours était alléchante, et l’événement a battu son record de popularité avec 105.000 visiteurs au compteur, mais il reste encore trop de points noirs pour pouvoir en faire le meilleur festival français.

Déjà 105.000 c’est beaucoup trop, et tout le monde est d’accord là-dessus. A cette échelle-là, il est quasiment impossible de se rendre d’une scène à l’autre sans se faire piétiner. La limite du site a bel et bien été atteinte et il va falloir se remettre en question pour les années à venir. Surtout qu’il y a des choses que l’on ne comprend pas. Comment avec un tel succès public (guichets fermés quand même) le festival continue de mener une politique élitiste ? Pass 3 jours le plus cher de France, sélection drastique des médias couvrant l’événement (Dodb n’a eu droit qu’à 1 jour cette année), stands hors de prix également (j’ai entendu parler d’un sandwich merguez à 8€ !?!), et enfin un rythme de croisière un peu plan-plan, sans véritable esprit rock. Un festival de ville en somme. Mais bon ravalons notre fierté et concentrons-nous sur la musique du dimanche, puisqu’on n’avait droit qu’à ça.

Si l’on en croit les différents échos, la veille et l’avant-veille ont été marquées par de bonnes prestations de Band Of Horses, Foals, Queen Of The Stone Age et LCD Soundsystem. Pour nous, Eels devait être le premier rendez-vous de la journée, mais incroyable coup du sort, nous ne l’avons pas vu faute à des difficultés pour se rendre sur le site, pour trouver l’entrée adaptée, et surtout parce que le bon vieux barbu jouait à 16h! Pourquoi pas à 8h du mat’ non plus ? Tant pis, ce sera pour une autre fois. Du coup c’est Beirut qui nous accueille, et qui manque décidément de mordant. Je n’ai jamais vraiment accroché sur disque, et ça n’est pas le live qui me fera sauter le pas. Pour le reste il y aura la reformation mitigée de Roxy Music, et l’énergie hautement communicative des Ting Tings. Mais bons avouons-le, nous n’étions là que pour une seule et unique chose, et elle était encore à venir.


Après décryptage en règles du dernier bébé The Suburbs, plus aucun doute ne subsiste, Arcade Fire est le plus grand groupe du monde sur disque comme sur scène (j’insiste sur la notion de "groupe"), toute objectivité mise à part bien-sûr. Et là une fois de plus tristesse, ce qui devait être le rendez-vous parfait de notre été a du être écourté par une météo qui n’en en a fait qu’à sa tête en dépit d’une masse impressionnante de gens agglutinés devant la grande scène. Et si c’est la frustration de ne pas avoir eu un set complet qui domine, personne ne peut plus négliger l’impact qu’a cette musique sur les gens. Et puis mine de rien, on a quand même eu droit à une bonne dizaine de titres habilement puisés dans les trois albums des canadiens. Pour The Suburbs c’est "Ready to start", "Modern Man" et "Rococo", pour Neon Bible "Intervention", "No cars go", "Keep the car running" et "Ocean of noise", et enfin "Haïti" ou "Neighbourhood #2" pour Funeral. Et il n’y a pas photo, le show est dévastateur, immense, intense, passionné, lyrique, et tout ce que vous voulez d’autre. Arcade Fire dégage cette rare énergie communicative qui lui attire la ferveur d’une foule conquise qui reprend en chœur les fameux "Ho Ho, Hohohohoho". Pour le reste on le sait, la pluie a gâché la fête (déception de ne pas avoir entendu "Sprawl II" en live) malgré un ultime "Wake up" en mode bâché, dernier cri d’espoir pour le meilleur groupe du monde. C’est ce qu’on retiendra de cette édition 2010, parce que malgré tout, on y était.

Le site officiel du festival

Le "Wake up" final :



Merci à Ephelide pour les accréditations, Crédits photos Nicolas Messyasz

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