20 septembre 2010

Philippe Katerine - s/t (2010)

Diantre, quelle mouche l'a piqué ? 5 années pleines plus tard - il aura fallu cela pour digérer l'ouragan Robots Après Tout - le nantais auteur-compositeur-interprète le plus loufoque de la terre, remet ça avec un 8ème LP dont le contenu, à l'image de son (non) titre, revendique l'épure.

Jusque-là et pour patienter, l'artiste nous aura offert un morceau monumental (et un clip quéquette à l'air qui ne l'est pas moins) où son irrévérence, son esprit iconoclaste sous fond de ballade pop farfelue, est une oasis et un air frais, une allégorie défendant nos libertés bafouées : pas sûr en effet que se promener nu, un symbole phallique à la main, même entouré d'une foule complaisante ait voie de cité dans l'univers sclérosé qui est le nôtre aujourd'hui.

Donc, pour cela bingo : Katerine n'a pas changé d'un poil... de cul / moustache (rayer la mention inutile). Tout va bien pour lui ; sur la pochette, il apparaît goguenard, entouré de ses parents, et il a l'air sans bouger les oreilles, ni le médius, d'adresser un message fort quant au contenu de son disque.

Et les bonnes surprises ne manquent pas : "La Banane" donc, dans la lignée de "Je vous Emmerde" ou autre "Louxor J'adore" qui l'ont rendu célèbre - rappelons à toutes fins utiles que Robots... s'est vendu à quelque 200 000 exemplaires, ce qui est énorme à l'ère du téléchargement.

Puis le doo wop de "La Reine d'Angleterre", qui ne mange pas de pain tout en offrant un leitmotiv assez drôle ("Je chuis la weine d'Angletewwe /et je vous chie à la waie !"). On note aussi un émouvant hommage à la "Vieille Chaîne" de l'artiste, ainsi qu'un autre texte où notre trublion se rêve en "Sac en plastique", et où dans son monde à la fois enfantin, poétique et dérisoire, il n'a pas son pareil pour dépeindre l'absurdité de nos existences, un peu à l'instar d'une Brigitte Fontaine, dont il apparaît plus que jamais comme le pendant masculin.

Mais, à force de vouloir resserrer son propos, de ne plus s'en tenir qu'à quelques slogans, fussent-ils rigolos et un poil -encore !- convenus ("Liberté... égalité.... fraternité... mon cul"), Katerine en oublie qu'on attend aussi de sa part des chansons, des vraies, des ficelées, même exécutées sur une gratte pourrie comme à l'époque de L'Homme à Trois Mains (1999). Ou bien des morceaux aux sonorités lounge exquises comme sur son 8ème Ciel (2002), ou bien des déconnades minimalistes, façon Les Créatures (1999) ou Robots..., mais avec des refrains, immédiatement mémorisables, car euphorisants et poilants (décidément).

Or de tout ça, il n'y a guère sur ce disque : des pochades façons "Musique d'Ordinateur" qui vous mettra dorénavant le sourire aux lèvres lorsque vous allumerez votre PC, un exercice conceptuel qui n'est pas si éloigné de celui de Gogol 1er sur son "Massacre Rituel d'Un Piano à La Hache"; encore celle-là, variation vocale sur le jingle de Microsoft, n'est pas la pire.

Ou bien, toujours singeant l'art de Gogol sur son mythique "Essai Télépathique", cette intro qui déjà en dit long : ce test de sono sur son micro en première plage.

Mais lorsqu'on en arrive à ces joutes verbales minimalistes façon "Philippe", on rigole un bon coup, puis on crie halte et on a envie, c'est un comble, de lui rendre son compliment final  ("Ta gueule !) !

Pire encore, ces pseudos morceaux où Katerine convoque ses proches, ses parents dans l'agaçant "Il Veut Faire un Film", sa fille dans "A Toi- A Toi" sont irrémédiablement ratés : pas de texte (ou si peu et prévisible), pas de mélodie, rien ! Le pompon échéant sans doute au navrant "J'aime Tes Fesses", chanté aux côtés de sa compagne d'actrice (Jeanne Balibar, pour ne pas la nommer), qui est une sorte de funk mou en boucle dont même -M- n'aurait pas voulu pour une face B.

Merde, si on avait un jour clamé que le novateur Katerine évoquerait l'un de nos pires chanteurs de variété ! Car c'est çaqui chiffonne à l'écoute de ce disque : que tous les gimmicks rédhibitoires dont on se contrefichait en temps normal - déconne systématique, pas de voix, ou qui flirte avec le faux - éclatent ainsi au grand jour, et finissent par être gênants, tant l'inspiration est en berne.

On eût préféré que ces squelettes de gags, jingles ou micro jingles soient annoncés, à la manière des disques de chanteurs/chansonniers d'antan, façon Salvador, grande influence de Katerine !
Vu que connement, on s'attendait quand même à un album pop, à des refrains fédérateurs, des textes qui bien-sûr, parlent de bites et de couilles.

Las, Philippe Katerine est un album qu'on envisageait poilant, mais qui se révèle rasoir, et finalement barbant.

En bref : on s'attendait à avoir davantage la banane, à l'écoute du nouveau Katerine, qui oublie de composer de vraies chansons, et frise de ce fait l'auto-citation et la mauvaise parodie de son personnage public. Tant d'auto-indulgence amène à l'indigence, et fait naître le spectre d'une évolution à la Gainsbarre, gasp...




Mypace

A lire aussi :Mathilde Monnier / Philippe Katerine - 2008 Vallée - Festival d'Avignon

Le désormais clip mythique de "La Banane" :

4 Comments:

Dave said...

Pas très étonné par ta chronique, le 8ème Ciel était pour moi la dernière oeuvre potable de Katerine. J'ai trouvé Robots après tout insupportable. Mais comment lui reprocher de vouloir le succès, lui qui a sorti tant d'albums dans un relatif anonymat? Il a changé de public, voilà tout. Pour ma part je reste fan des albums plus dépouillés, façon bossa nova bancale, comme l'Education anglaise ou Mes mauvaises fréquentations.
Le personnage, toutefois, reste éminemment sympathique.
Belle chronique en tout cas!
Bises!

Benoit said...

très bonne analyse qui rejoint à peu près mon point de vue sur le ce disque et sur le personnage.

Nickx said...

Merci pour ton commentaire éclaire, Dave !

Et c'est parce que moi aussi, je demeure un fan de Katerine que je tenais à mettre objecivement les choses au point !

D'ailleurs, tu fais bien de mentionner les bossa nova dont il fut le champion et dont il reste des résidus sur le très bon "Parisvélib" que j'ai oublié de nommer" !

Mais bon, "Parisvélib", "La Banane", "Vieille chaîne", "Sac en Plastique", "Cette Mélodie" voire "La Reine d'Angleterre" et -parce que c'est vous- "Des Bisous", ça fait lège pour un album qui revendique 24 pistes !

M.Ceccaldi said...

J'aime bcp la pochette, j'ai exactement le même rendu, quand on me prend en photo!
une évolution à la Gainsbarre ça fait peur, le pire étant "under arrest" où l'autocitation fonctionne à plein, sauf que tout ce qui était sublime et poétique dans "melody nelson" devient sordide et misérablement génital dans "under arrest". allez philippe, reprends toi ; on peut être un amuseur tout en restant un musicien (Alice Cooper y est parfois arrivé, tu peux le faire :-))