Certaines de ses chansons, interprétées par d’autres, sont devenues de grands classiques, pourtant le nom de Fred Neil ne revient pas souvent quand il s’agit de citer les grands songwriters des années 1960. Et pour cause. Il aura fallu attendre presque trente ans pour que sa musique soit rééditée, en 1998. Trente années d’un oubli totalement incompréhensible pour ce crooner folk dont la splendide voix de baryton évoque un lointain ancêtre de Bill Callahan ou de Stuart Staples. Ce n’est qu’à la sortie de cette double compilation que le musicien fut redécouvert. A l’exception de son premier effort, Bleecker & Macdougal, l’objet regroupe à peu près toutes ses œuvres solo, à savoir l’ensemble de ses enregistrements pour Capitol : son album éponyme, les Sessions de 1967, un live et quelques inédits.
"Everybody’s Talkin’" reste, de loin, la chanson la plus célèbre de Fred Neil. Mais c’est dans une version miaulée par Harry Nilsson qu’elle sera immortalisée pour les besoins de la bande originale de Midnight Cowboy, de John Schlesinger. Celle de Neil est pourtant plus dépouillée, plus sombre, et infiniment plus touchante. Sa carrière aurait certainement été bien différente s’il avait été identifié comme l’auteur de ce tube indémodable, septième titre le plus joué en radio pendant trois décennies. Au lieu de ça, il connut un parcours accidenté, s'attacha à refuser tout compromis et finit par laisser tomber la musique, en 1971, pour aller s’occuper de la défense des dauphins en Floride, où il passa le restant de sa vie – "I’m going where the sun keeps shining through the pouring rain", disait la chanson.
"The Dolphins", c’est d’ailleurs le titre d’un autre classique du bonhomme, une chanson absolument magnifique dont le regretté Tim Buckley avait donné sa propre relecture. Bouillonnante, violente même sous sa douceur apparente, la voix de Neil – à tomber – y caresse de très fins arrangements de guitare vaguement influencés, on l’imagine, par la découverte des musiques indiennes et notamment de Ravi Shankar. "CynicrustpetefredJohn Raga," qui donne l’occasion au natif de Cleveland d’exprimer toute sa virtuosité sur sa 12 cordes, fut justement l’un des premiers raga enregistrés par un occidental.
D’abord chanteur dans une chorale gospel, Fred Neil débarque à New-York en 1958, cachetonne en tant que musicien de sessions, enregistre une poignée de singles et écrit des chansons pour Buddy Holly et Roy Orbison. Il écume les clubs de Greenwich Village comme le Café Wha ?, le Night Owl ou le Bitter End. C’est à cette époque qu’il offre à un certain Bob Dylan la possibilité de monter pour la première fois sur scène pour l’accompagner à l’harmonica – le Zimm reprendra plusieurs compositions de Neil dans les années qui suivront.
Il devient une star locale, adulée par toute une génération de musiciens, mais refuse le succès au moment où celui-ci s’offre à lui. Il décide de cesser de travailler, sauf en cas de besoin financier pressant. C’est ainsi qu’il refuse de chanter à Woodstock ou au Johnny Cash Show. Il ne produira plus aucun disque après le live Other Side Of This Life, paru en 1971. Presque toutes ses chansons, qu’elles relèvent du blues pur ou d’un certain psychédélisme qui commençait à faire fureur à New York en ce temps-là, expriment une pureté et une puissance émotionnelle vraiment particulières. J’ai un peu le même sentiment lorsque j’écoute Nick Drake. Celui d’une sensibilité tellement vive et exacerbée qu’elle n’en est presque plus humaine. Ecoutez "Green Rocky Road", "Felicity" ou n’importe laquelle de ses interprétations en concert, et vous saurez de quoi je parle. Dommage que le mot "légende" se soit vidé de son sens à force d'être utilisé à mauvais escient, car en ce qui concerne Fred Neil, il serait parfaitement justifié.
En bref : guitariste génial doté d’une incroyable voix de baryton, Fred Neil est surtout l’un des plus grands et des plus ignorés songwriters folk des années 1960, auteur des intemporels "Everybody’s Talkin’" et "The Dolphins", et de bien d’autres gemmes, toutes ou presque alignées sur cette double compilation.
"Everybody’s Talkin’" reste, de loin, la chanson la plus célèbre de Fred Neil. Mais c’est dans une version miaulée par Harry Nilsson qu’elle sera immortalisée pour les besoins de la bande originale de Midnight Cowboy, de John Schlesinger. Celle de Neil est pourtant plus dépouillée, plus sombre, et infiniment plus touchante. Sa carrière aurait certainement été bien différente s’il avait été identifié comme l’auteur de ce tube indémodable, septième titre le plus joué en radio pendant trois décennies. Au lieu de ça, il connut un parcours accidenté, s'attacha à refuser tout compromis et finit par laisser tomber la musique, en 1971, pour aller s’occuper de la défense des dauphins en Floride, où il passa le restant de sa vie – "I’m going where the sun keeps shining through the pouring rain", disait la chanson.
"The Dolphins", c’est d’ailleurs le titre d’un autre classique du bonhomme, une chanson absolument magnifique dont le regretté Tim Buckley avait donné sa propre relecture. Bouillonnante, violente même sous sa douceur apparente, la voix de Neil – à tomber – y caresse de très fins arrangements de guitare vaguement influencés, on l’imagine, par la découverte des musiques indiennes et notamment de Ravi Shankar. "CynicrustpetefredJohn Raga," qui donne l’occasion au natif de Cleveland d’exprimer toute sa virtuosité sur sa 12 cordes, fut justement l’un des premiers raga enregistrés par un occidental.
D’abord chanteur dans une chorale gospel, Fred Neil débarque à New-York en 1958, cachetonne en tant que musicien de sessions, enregistre une poignée de singles et écrit des chansons pour Buddy Holly et Roy Orbison. Il écume les clubs de Greenwich Village comme le Café Wha ?, le Night Owl ou le Bitter End. C’est à cette époque qu’il offre à un certain Bob Dylan la possibilité de monter pour la première fois sur scène pour l’accompagner à l’harmonica – le Zimm reprendra plusieurs compositions de Neil dans les années qui suivront.
Il devient une star locale, adulée par toute une génération de musiciens, mais refuse le succès au moment où celui-ci s’offre à lui. Il décide de cesser de travailler, sauf en cas de besoin financier pressant. C’est ainsi qu’il refuse de chanter à Woodstock ou au Johnny Cash Show. Il ne produira plus aucun disque après le live Other Side Of This Life, paru en 1971. Presque toutes ses chansons, qu’elles relèvent du blues pur ou d’un certain psychédélisme qui commençait à faire fureur à New York en ce temps-là, expriment une pureté et une puissance émotionnelle vraiment particulières. J’ai un peu le même sentiment lorsque j’écoute Nick Drake. Celui d’une sensibilité tellement vive et exacerbée qu’elle n’en est presque plus humaine. Ecoutez "Green Rocky Road", "Felicity" ou n’importe laquelle de ses interprétations en concert, et vous saurez de quoi je parle. Dommage que le mot "légende" se soit vidé de son sens à force d'être utilisé à mauvais escient, car en ce qui concerne Fred Neil, il serait parfaitement justifié.
En bref : guitariste génial doté d’une incroyable voix de baryton, Fred Neil est surtout l’un des plus grands et des plus ignorés songwriters folk des années 1960, auteur des intemporels "Everybody’s Talkin’" et "The Dolphins", et de bien d’autres gemmes, toutes ou presque alignées sur cette double compilation.
4 Comments:
Entre autres manques, il était temps que DODB se penche sur enfin le talent unique de Fred Neil !
Ca c'est fait !
Et dire que je n'en ai jamais entendu parler (honte à moi apparemment). Et allez, encore du retard à rattraper. J'adore! Merci Dave.
La photo ne montre pas Fred accompagnant Dylan (comme mentionné dans la chronique), mais Fred et Dylan accompagnant la prodigieuse et regrettée chanteuse Karen Dalton.
Merci pour cette précision, WILSON2. Les photos de Fred Neil sont rares et c'est à peu près tout ce que j'ai trouvé...
@Ju: j'ai eu honte aussi de ne pas l'avoir connu plus tôt lorsque je l'ai découvert, il y a un ou deux ans... Il n'est jamais trop tard !
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