Je ne crois pas me tromper en disant que les Melvins n'ont jamais eu l'honneur d'être chroniqués d'une manière ou d'une autre dans DODB. Trop brutaux et pas assez mélodieux peut-être pour nos délicates oreilles. Mais pas assez virils et extrêmes pour les métalleux dignes de ce nom. Un peu rigolos même, parfois, ce qui est le péché suprême pour ces gens là. La faune du Glazart est donc assez bigarrée ce soir là : profilage indie rock, un brin punk ou gothique, quelques hétérodoxes égarés du dernier Hellfest. J'y serais bien allé d'ailleurs au Hellfest, rien que pour voir les Melvins, programmés cette année en gage d'ouverture (avec les Stooges), mais je me suis dit qu'au Glazart, au moins, je ne risquais pas de mourir dans un wall of death. Je me trompais en fait, puisque le concert fut quand même une sacrée épreuve pour la petite chose que je suis. Dans une atmosphère surchauffée, il a fallu endurer 1h30 d'attente et 1h30 de concert à fond, sans temps morts, dans une salle ultrabondée, avec pogo, slam pour garçon et filles (sympa), et arrosages en tous genres.
Ce soir c'est Halloween. Le bassiste est déguisé en fantôme et le groupe ouvre sur une impro bruitiste de fin du monde. à gauche, Buzz Osborne, réellement impressionant en géant à la coupe afro-électrifiée, magnifiée par un aérateur savamment placé. Au centre deux batteries, qui ne s'arrêtent jamais et filent le set. à droite le bassiste, au jeu plutôt subtil et diversifié, et qui n'hésite pas à doubler la voix d'Osborne. La playlist, copieuse, navigue dans la discographie. Impossible pour moi de tout reconnaître.
Les Melvins impressionent en live pour les même raisons que sur album : leur sens collectif du tempo est remarquable et se donne à voir pleinement sur scène, dans les postures, les gestes, les regards, qui font que jamais personne n'est largué. Le son est absolument nickel, on sent le groupe qui tourne et aime le live. Les deux batteries, souvent parfaitement phasées, apportent indéniablement un côté "wall of sound". C'est vrai que ça n'est pas toujours trés mélodieux, mais on est trés loin des grognements ou coassements du métal, tant la voix est expressive, la projection et le phrasé modulés. C'est d'ailleurs un spectacle en soi que de regarder Osborne chanter, bouger, animer son visage, grossir les yeux. Les Melvins nous enseignent simplement qu'expression et sentiment ne passent pas que par la mélodie. Le Coltrane de la période free ne disait-il pas que certaines émotions sont tellement intenses qu'elle ne peuvent s'exprimer au moyen de la forme et de l'harmonie ?
Pourtant "Lizzy", qui fonctionne sur le principe quiet/loud, montre que le gros Buz sait chanter avec délicatesse. Question émotion, on aura droit aux meilleurs morceaux de A senile animal : "Talking horse" et "Civilized worm". Comment parler pour les bêtes, celles que cet animal sénile qu'est l'humain assujettit et massacre, autrement que dans un fracas sonore ahurissant ? Il faut voir Osborne nous regarder dans les yeux et hurler :
"The golden talking equine god
Speaks nothing but rage
The nature of the burning bee
Means nothing to no way"
Mais il y aura aussi des morceaux plus légers (le trés funky "The kicking machine"), et même un presque pop-festif, inconnu au bataillon. On aura parcouru en 1h30 toute la gamme des rythmes, des intonations, des atmosphères. Final imprévisible, où le Buz disparaît, tel un fantôme, laissant le bassiste conclure de sa petite voix, tandis que Dale Crover lâche les baguettes pour s'exciter sur une petite boîte à effets qui ne lâchera que quelques samples de cordes pleureuses. Les Melvins sont décidemment les freaks les plus talentueux d'Halloween 2011 !
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