22 février 2011

Charles Bradley - No Time For Dreaming (2011)

La semaine dernière, dans une Maroquinerie blindée, il a suffi à Charles Bradley d’ouvrir la bouche pour déclencher l’euphorie du public parisien. C’est que le petit homme, engoncé dans sa petite veste brillante, possède une voix sensationnelle, le prototype de la voix du soul man à l’ancienne : éraillée, vibrante, porteuse de souffrance autant que d’optimisme. Une voix comme on en entend rarement. Sans pour autant voler la vedette à Lee Fields, qui lui succédait sur scène (et a annoncé la sortie d’un album pour fin 2011), le papy survolté a marqué les esprits et visiblement pris un pied total. Mais comment pourrait-il en être autrement alors que Bradley, à 62 ans, ne fait que commencer sa carrière ? Ces tournées, et ce premier album, il en rêve depuis 50 ans. Depuis ce jour béni de 1962 où il vit James Brown à l’Apollo Theater de New York et se mit à l’imiter devant la glace de sa chambre, un balai en guise de micro.

Son histoire, il la raconte en partie dans une chanson poignante comme du Syl Johnson, "Why Is It So Hard ?", dont la version live m’a flanqué la chair de poule. Né à Gainesville, en Floride, Charles Bradley a passé sa vie à bourlinguer d’un coin à l’autre des Etats-Unis et du Canada, enchaînant les boulots de cuistot. Il restera même neuf années à faire la tambouille pour les malades d’un hôpital psychiatrique de New York, sans jamais oublier de chanter dès que l’occasion se présente. Ce n’est qu’à la fin des 90s qu’il trouve un public dans les clubs de Brooklyn en reprenant des classiques de James Brown sous le nom de Black Velvet. Gabriel Roth, de Daptone Records, le repère lors d’un de ces shows. Par la suite Bradley enregistre avec les Sugarman 3, puis avec les Bullets, dont le très prolifique guitariste Tom Brenneck formera finalement le Menahan Street Band, plus ou moins composé des mêmes musiciens qu’El Michel’s Affair, The Expressions, The Budos Band, The Dap-Kings, Antibalas… C'est vrai que ça paraît compliqué, comme ça, mais il suffit de comprendre qu'on a affaire à la crème de la crème des backing bands du genre.

Pas aussi funky que l’album de Lee Fields, No Time For Dreaming est plus orienté rythm & blues et présente donc un côté un peu plus rétro. Il ne possède pas ce très léger grain hip-hop qui rendait My World si grandiose. Ceci étant dit, les deux disques procurent la même impression d’écouter quelque chose d’intemporel. La production y est pour beaucoup : un son rond et groovy, des guitares qui grincent, un orgue Hammond et des cuivres ultra-chaleureux, et une section rythmique tranchante mais jamais bourrine. Il n’y a rien à jeter, même les deux petits instrumentaux glissés dans la tracklist se fondent parfaitement dans cette alternance de ballades fiévreuses et de plaidoyers sociaux. Avec No Time For Dreaming, Daptone continue donc (via son sous-label Dunham Records) son travail de réhabilitation du vrai son soul, celui qui sue et qui pleure. Et offre à l’exceptionnel chanteur qu’est Charles Bradley l’occasion de commencer une nouvelle vie.

En bref : sa voix porte en elle une vie de galère et de passion pour la soul et le rythm & blues. A 62 ans, Charles Bradley sort un premier album qui, à l’image de celui de Lee Fields en 2009, a toutes les qualités pour devenir un classique du genre.




A noter que Charles Bradley sera en concert à la Maroquinerie le 5 juillet prochain

Le site et le Myspace de Charles Bradley
Le site et le Myspace de Dunham Records

A lire aussi : Lee Fields – My World (2009)





Extrait de son concert à la Maroquinerie :

6 Comments:

Cybernyber said...

du très bon son ! heureusement que certains parient encore sur ce genre d'artiste

markitzero said...

Très bon album en effet (bonne chronique également), je suis étonné de ne pas en avoir plus entendu parler.

Nickx said...

Excellent !

Ju said...

Oui c'est super bon !

M.Ceccaldi said...

merci pour cette découverte
je suis un grand fan de voix soul et blues, et donc j'apprécie!

Jérôme (un peu en stand by pour cause d'hyperactivisme politique anarcho-décroissant, mais je continue à vibrer musicalement)
à +

Anonyme said...

Découverte sur l'Album de la Semaine de Canal+... grandiose !