Dans le genre buzz, Anna Calvi se pose un peu là. Et comme à chaque fois, l'on s'est méfié de ces commentaires délirants qui ont monté la belle (effectivement très jolie) au pinacle. Alors qui est cette jeune anglaise fin(e) de race, aux grandes dents, et au rouge à lèvres aussi étincelant que le pourpre de son chemisier ? Qui est est cette chanteuse dont les plus inconditionnels disent qu'elle est habitée par son art, et dont les détracteurs dénoncent les poses de chanteuse outrée ?
Tout d'abord, la jeune femme est une artiste authentique, qui n'a pas eu besoin de la presse spécialisée pour se faire un nom ni un background musical ; la vaste collection de disques de son papa ainsi que la plantureuse collection d'instruments qui l'entouraient enfant, auront ainsi été suffisants à son éveil musical.
Mais de la même façon que nous n'érigeons pas le pédigrée crève-la-misère en génie patenté, il n'était pas question ici de faire subir à la belle Anna le traitement généralement dévolu aux personnes nées avec la proverbiale cuillère en argent dans la bouche.
D'abord, Anna Calvi, à l'instar de sa compatriote Amy Winehouse, est une chanteuse prodigieuse. Ensuite, cette première oeuvre renvoie tout naturellement à nombre de choses musicales grandiloquentes soit, mais diablement ébouriffantes lorsqu'on les découvrit en leur temps. Imaginez donc une Jeff Buckley en jupons, le sourire carnassier, qui serait affublée des mêmes cinglantes parties de guitare, et dont la profondeur, le phrasé gothique emprunteraient aussi bien à Morrissey ("Blackout") qu'à une Siouxsie de nos émois passés - c'est particulièrement le cas sur la majeure partie des titres dont ce superbe "Suzanne and I", d'une intensité à couper le souffle.
Accessoirement, à faire écouter une fois pour toutes à toutes les Céline Dion et Lara Fabian du monde pour leur faire comprendre que gueuler n'est pas chanter. Et inversement.
La trame de ces 10 titres enfiévrés ? Une guitare haletante et soupirante mâtinée d'écho aux accents parfois blues, tels qu'on pouvait en trouver dans les premiers Nick Cave par exemple. Un harmonium des plus discret qui souligne plus qu'il ne brosse les contours mélodiques ("Suzanne...", "Desire"), et bien sûr un lyrisme, une exaltation des sentiments qui étonnamment n'est pas sans évoquer Edith Piaf, émouvante dans ses titres les plus romantiques et brûlants. Il faut d'ailleurs la voir, son chignon et son chemisier écarlate, reprendre le mythique "Jezebel", une favorite de Buckley en son temps et transcrite par Aznavour pour la Môme. Ce classique hélas absent de l'album, on le trouve sur son premier single.
Anna Calvi revisite aussi les climats épurés d'une autre compatriote célèbre, PJ Harvey - c'est d'ailleurs Rob Ellis qui produit. Et cela tombe bien, car dans un registre vocal il est vrai guère différent, on tenait peut-être là la relève de l'anglaise du Dorset, dont le dernier album studio en date, chiant et prétentieux au possible, l'avait mise -provisoirement- sur la touche.
En bref : un charisme, une voix et un style. Sera-ce là le feu qui animera un album unique ? Ou bien tient-t-on la Siouxise Morrissey des années 2010 ? L'avenir nous le dira ; en attendant, on adhère.
"Jezezbel" en live :
4 Comments:
Hello Nickx, content que tu sois de retour, mais je vais jouer mon emmerdeur ( :
Alors déjà, il me semble que tout va très bien pour nos amis Fleet Foxes (très bonnes impressions à l'écoute de leurs nouveaux titres), idem pour MGMT (un deuxième album qui s'améliore avec le temps), bon ok Fredo on sait plus trop ce qu'il fait..
Sinon c'était juste pour dire que je resté complètement imperméable à cette Anna Calvi que j'avais découvert en live au Grand Journal. Ca ne me touche vraiment pas, et c'est marrant parce que tu cites PJ Harvey, dont j'ai écouté le petit dernier hier, et je n'aime pas non plus, donc comme ça au moins...
Mais bon, à voir...
Merci en tous cas.
Bises.
Salut Ju
Je savais pour les Fleet Foxes et comme je n'avais pas franchement accroché........ en fait, je pensais aussi à Alela Diane ; que devient-t-elle ?
Quant à PJ Harvey, j'évoque son dernier album dans la chronique d'Anna : il est épouvantable !
Mais il faut redécouvrir son oeuvre par ailleurs !
Je n'arrive pas vraiment à aimer Anna Calvi, mais je dois reconnaître qu'il y a quelque chose de fascinant à la voir chanter. C'est presque une performance théâtrale.
Par contre, sans l'image, désintérêt immédiat.
En tout cas ravi de retrouver la plume de Maître Nickx !
Merci Dave !
Je vois ce que tu veux dire. La trop grande théâtralité de la chanteuse occulte parfois son répertoire, c'est vrai !
Dommage que la reprise de Jezebel ne figure d'ailleurs pas dans l'album ; perso elle me donne la chair de poule !
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