23 mai 2011

Metronomy - Concert à Barbey le 22 mai 2011

Il faut être sourd pour ne pas avoir entendu parler des Anglais de Metronomy cette année. Ayant clairement passé la vitesse au dessus niveau communication et accessibilité avec The English Riviera, le groupe doit cependant encore tout prouver en live, notamment en ce qui concerne la nouvelle mouture. Exit le trio geek, c’est désormais un quatuor de musiciens qui monte sur la scène du théâtre Barbey de Bordeaux complet un dimanche soir, c’est assez rare pour le souligner. Le public s’est ouvert aussi, entre vieux-jeunes, jeunes-vieux et hipsters.

On les retrouve dans une mise en scène minimaliste, avec des "coeurs" de lumière sur la poitrine, Joseph Mount au centre, alternant entre guitare et synthé, son acolyte Oscar Cash à gauche au saxo et au clavier, le funky bassiste Gbenga Adelekan à droite, et enfin (et surtout) la belle Anna Prior à la batterie. Cette dernière s’en sort d’ailleurs plutôt bien pour retranscrire en physique ce qui on s’en doute doit être électronique sur disque. C’est en fait la principale question de ce test live, Metronomy est-il finalement un groupe de rock ou un groupe d’électro ?

Et bien Metronomy est un peu à part. C’est très pop, très dansant, un brin 80’s mais ça garde un côté expérimental qui l’empêche encore de tomber dans le "stade rock". Car c’est sûr que vu le succès grandissant du groupe, en seulement deux albums (officiels), on pourrait presque leur prédire un avenir à la Muse. Ce n’est pas forcément ce que l’on espère parce qu’à vrai dire cette version là du groupe on l’aime bien. Suffisamment bancale. Suffisamment dansante.

Car pour une fois chez un groupe de ce genre (disons électro pop), il y a de vraies chansons, et surtout des mini tubes à la pelle. En ce sens Metronomy serait un peu pour moi les Kinks des années 2010 en version électronique. Nights Out en déborde : "The end of you too", "Radio ladio", "My heart rapid", "Heartbreakers", "Holiday" et j’en passe. The English Riviera en a aussi : "The look", "The bay", "She wants"… Tout ça fonctionne à fond les ballons, et enfonce largement Ratatat et autres Simian Mobile Disco sur la durée. Bref, Metronomy envoie autant sur scène que sur disque, c’est bien ce que je pensais.

Le site officiel

"The end of you too" et "The look" :





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22 mai 2011

The Antlers - Burst Apart (2011)

À l’heure où la scène rock de Brooklyn n’en finit pas d’être le vivier d’innombrables groupes indés dont la célébrité n’est plus à faire, il est toujours bienvenu de se pencher sur un disque n’ayant pas encore fait trop d’émules. C’est le cas pour The Antlers dont le succès reste modéré bien qu’ils soient les auteurs d’une musique inspirée, aussi mélancolique que celle de The National, fer-de-lance de cette scène du sud-est de New York. Il est évident que le trio n’a pas encore le succès commercial de MGMT, Vampire Weekend et autres consorts, de même qu’il n’a pas la force mélodique flagrante qui lui permettrait d’être un groupe « branché ». Mais le projet solo de Peter Silberman, devenu trio après deux albums, continue de faire son bonhomme de chemin, lentement et tout en modestie sans céder à la tentation commerciale. En 2009, Hospice, son premier album de groupe, avait connu un succès unanime - grâce, il faut le dire, au label Frenchkiss (The Dodos, Local Natives) - lui permettant de figurer dans tous les classements de l’année 2009 et de s’assurer un futur prometteur.

Après cette catharsis qu’était Hospice, sorte de concept-album sur les affres du cancer, Burst Apart ne pouvait que redresser la barre. Toutefois, si ce nouvel opus est largement moins déprimant que son prédécesseur, le trio exploite la même veine, toujours dans ce registre mélancolique et torturé. Chaque morceau instaure un climat d’étrangeté souvent émouvant, et ceci, sans excès d’instrumentation ou de fioritures. Un peu comme les ambiances sinueuses du Radiohead période Kid A et Amnesiac. Ainsi, c’est souvent en mid-tempo, que les compositions s’étirent dans un format chanson (couplet/refrain). Les nappes de synthés et quelques petites touches d’électronica finement dosées font osciller leur musique entre ambient dronatique et dream pop. Les accords saccadés de "I don’t want love" et les flûtes synthétiques de "French exit" prennent le temps d’introduire l’auditeur dans un univers fantasmagorique.


La voix de Peter Silberman flotte langoureusement sur une instrumentation tout en finesse et retenue. C’est surtout sa voix de tête qui devient une récurrence dès le radioheadien "Parentheses", aussi haut perchée que celle d’Hayden Thorpe (Wild Beasts) ou Jónsi. "Tiptoe", quant à lui, rappelle la pop baroque de Patrick Watson. Il est clair que ce falsetto en déplaira à plus d’un même s'il reste bien dosé sur l’ensemble du disque, souvent traité comme une nappe. Et si l’on adhère à l’organe vocal sur-développé de Silberman, alors on appréciera ses hauteurs vertigineuses sur "Rolled together" et "Corsicana", tous deux délicats et émouvants. On appréciera également le captivant "Hounds" avec ses effusions de cymbales et ses arpèges de guitares éthérés.

A ce stade de l'écoute, on pourrait croire que c’est un disque mou du genou et chiant. Eh bien non ! Car, c’est à mi-parcours que The Antlers lancent un titre à l’efficacité pop indéniable : "Every night my teeth are falling out". Le gimmick de guitare et les petites notes de banjos déchargent un groove entraînant qui connaît son apothéose avec le chant plaintif de Silberman. Et c’est vraiment à partir de ce morceau que le reste du disque devient véritablement grandiose jusqu’au final "Putting the dog to sleep" dont les claquements de guitare funky nous rappellent combien cet opus est une réussite de bout en bout.

En bref : avec ce second album de groupe, The Antlers continuent de développer, en marge, une pop aérienne et délicate. Un disque qui pourrait bien avoir sa place dans les classements de fin d’année.





Le Myspace, le site officiel et le site du label Frenchkiss

"Rolled together" :



"Every night my teeth are falling out" :



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16 mai 2011

Connan Mockasin - Forever Dolphin Love (2011)

Avec le temps qu’il m’a fallu pour accoucher de cette chronique, le jeune Connan Mockasin n’est plus un inconnu. Il est même sur toutes les lèvres. Et pour cause, force est de constater qu’on lui doit déjà l’un des disques les plus personnels et passionnants de l’année. Il s’agit en fait d’un remaniement d’un album de l’année dernière (Please turn me into the snat), allongé de morceaux live, et cette fois chez Phantasy Sound, le label d’Erol Alkan. Le moins que l’on puisse dire est que ce dernier a eu bon nez, tant un minimum d’écoutes de ce disque indescriptible l’imposent comme essentiel.

A 28 ans, le néo-zélandais Hegon Hosford de son vrai nom a déjà sorti quelques morceaux sous le nom de Connan & The Mockasins. Et presque sans réflexion, en voulant composer un disque pour sa maman, il s’isole dans le tipi familial du jardin et écrit en même temps qu’il enregistre. Le résultat est bluffant d’onirisme, sorte de pop lo-fi illuminée et bancale comme l’a si bien fait Syd Barrett le temps de deux albums. Aquatique comme un Panda Bear, Forever Dolphin Love est gorgé de réverb et de guitares maigrelettes qui résonnent longtemps.

Connan Mockasin évolue dans un univers parallèle, fait d’interludes et de chansons pour moins de 36 minutes. C’est souvent psyché et intelligemment jazzy, voir bossa nova parfois ("Quadropus island"). Et puis il y a sa voix. Androgyne et enfantine, sous hélium, aigre et touchante à la fois. Quant aux morceaux c’est pléthore. Du free jazz sous acide façon Melodie Nelson de "Forever Dolphin Love", au tropical et cotonneux "Megumi the milky way" évoquant les Flaming Lips, en passant par le désormais presque tube "It’s choade my dear", il y a de quoi revenir.


Et il y a ce "Faking jazz together" aux allures de chef d’œuvre. Fait de couches de percussions et recouvert d’une attitude so soulfoul, c’est le morceau idéal pour quitter cette terre. Derrière il y a les chœurs dilatés des Beatles sur un "Unicorn in uniform" d’anthologie. Enfin, "Please turn me into the snat" conclue cet album avec une batterie martiale et une attaque MGMT façon Congratulations sans le sous. Cette version-ci comporte donc un live, encore plus humain et imprévu que le premier, mais tout aussi intéressant. A noter aussi un artwork fait de ses mains, où l’on peut s’aventurer très loin dans le livret. Un disque complet en somme.

En bref : un premier OVNI pop de 36 minutes à mettre au profit du jeune Connan. Il y voyage dans son subconscient et dépeint un univers musical poétique et surréaliste, touchant et difforme. Juste ce qu’il nous fallait.




Le Myspace

"Faking jazz together" et "It's choade my dear" :




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10 mai 2011

Panda Bear - Tomboy (2011)

On ne savait plus trop à quoi s’en tenir avec Noah Lennox. Toujours sous le coup de Merriweather Post Pavillion mais échaudé par au moins deux live foireux (Paris et Barcelone), j’avoue avoir abordé ce Tomboy avec circonspection. Et puis il faut dire que succéder à Person Pitch (consensus général à posteriori) n’est pas tâche aisée. Mais le Panda a pris son temps (4 ans), a su s’entourer (le grand Sonic Boom au mixage) et a émigré le temps de l’album à Lisbonne, histoire de changer d’air. "Now you can count on me", c’est ce qu’il annonce en tout début de disque, on va bien voir.

Il se dit ici ou là que Lennox a mis de l’eau dans son vin. Autrement dit que le format est plus pop. Ca n’est pas faux et même si l’on ne retrouve pas de "Bro’s" bis sur ce disque ni de nouveau morceau dépassant les sept minutes, l’ensemble est resté suffisamment expérimental, suffisamment en tous cas pour se priver de radio. Car pour le néophyte Panda Bear reste un objet obscur, entre Flying Lotus et Arthur Russell. Tomboy reste un bon gros trip lysergique à base de guitares éthérées, de rythmiques bancales et de cette voix toujours aussi noyée.


Désormais rentrée dans le paysage public de l’indé, la voix de Lennox fascine ou rebute instantanément. Ceux qui aiment la trouvent planante et aquatique, tout en réverb, delays et autres boucles sur elle-même (à écouter le final de "Slow motion"). On parle d’ailleurs aussi beaucoup de paysages. Jungles, déserts ou marécages sont autant de lieux où pourrait prendre place Tomboy. Il y a même la plage et les vagues de "Surfer’s hymn", l’un des joyaux du disque. Marée, arpèges de xylophone électronique, tambours, vagues, les Beach Boys en slow motion en en somme. Très proche aussi du dernier Animal Collective.

Autre jolie pièce, "Last night at the jetty" est exceptionnelle. Cette mélodie, ces échos. Panda Bear est à la fois tribal, religieux et plagiste. Presque dub. En tous cas en apesanteur. "Drone" et "Afterburn" donnent aussi joliment dans le psychédélisme. Sinon pour info, ma préférée se trouve en fin de disque, "Benfica", requiem funèbre de pop onirique et céleste que l’on ne peut écouter qu’avec des étoiles dans les yeux.

En bref : force est de constater que le nouvel effort de dream pop de Panda Bear possède son caractère et une jolie collection de titres admirables. Peut-être pas le nouveau Person Pitch mais un super disque pour cette année.




Le Myspace

A lire aussi : Panda Bear - Person Pitch (2007)

"Surfer’s hymn" et "Benfica" :





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Big K.R.I.T. - Return Of 4Eva (2011)

Voilà un disque que j’avais toutes les chances de ne jamais écouter, étant allergique au hip-hop sudiste, à quelques rares exceptions près. Je ne suis même pas loin de penser que c’est en partie à cause de ce mouvement "Dirty South" que le hip-hop s’est tant détérioré dans les années 2000, par un effet d’entraînement, avec ses instrumentaux saccadés minimalistes, ses pochettes vulgaires pleines de diamants et ses MCs aux rimes pauvres. Il y a sûrement un peu de vrai et beaucoup d’ignorance dans ce jugement, mais c’est comme ça. Si je me suis laissé tenté par cette mixtape, c’est essentiellement parce que sa pochette m’a tout de suite rappelé OutKast, pour qui j’ai toujours eu un gros faible. Grand bien m’en a pris puisque l’analogie avec le duo d’Atlanta ne s’arrête pas aux Cadillac de l'artwork. C’est même ce que j’ai entendu de plus proche d’Aquemini ou ATLiens depuis… Aquemini et ATLiens !

Il y a vraiment deux catégories de morceaux sur Return Of 4Eva. D’abord ceux sur lesquels Justin Scott AKA Big K.R.I.T., en pur produit du Mississipi, rend hommage à ses pairs et livre exactement le type d’instrus sudistes dont j’ai horreur : "My Sub", "Sookie Now", "Shake It", ou encore le remix de "Country Shit" avec Ludacris et la légende locale Bun B (UGK)… Il y a ensuite ceux, incomparablement plus intéressants (et heureusement majoritaires), qui penchent du côté d’OutKast, avec leur ambiance laid back, imprégnée de soul et de blues. Et là, on trouve matière à espérer pour l’avenir du rap, quelque chose qui sort un peu de la nouvelle norme de pop vocodée. Surtout que K.R.I.T. ne se contente pas de rapper, il réalise l’ensemble de ses beats !

Pour une mixtape proposée en téléchargement gratuit, la quantité de bijoux alignés est même assez étonnante. En enlevant quelques bouche-trous, il y avait de quoi faire un album solide. Des titres comme "Rise And Shine", "Dreamin" ou "American Rapstar", s’ils sont bien de leur époque, ont paradoxalement un petit grain old-school, une élégance inhabituelle dans la scène actuelle. Certes, la palette n’est pas aussi large que celle de Big Boi et Andre 3000, mais notre homme est encore bien jeune, et l’on trouve déjà une belle diversité de sons et d’atmosphères dans ses productions, entre l'aquatique (et fabuleux) "Lions And Lambs", la guitare sensuelle et le sample d’Erykah Badu sur "King’s Blues", et un "High & Lows" qui tire vers le R&B, reprenant un thème de Bootsy Collins. Le flow de K.R.I.T. (King Remembered In Time) n’est pas spécialement spectaculaire, mais il a du charisme et beaucoup de soul dans la voix.


La dernière partie du disque est la plus impressionnante, avec notamment l’enchaînement "Free My Soul" / "The Vent". Dans le premier, Big K.R.I.T. entonne, sur le ton de la confession, le couplet classique du type qui a réussi matériellement mais ressent un vide spirituel. Le beat est en retrait, le piano papillonne avec légèreté, c’est splendide. "The Vent" est un peu dans le même registre, avec en prime de jolis synthés mélancoliques. Mais le plus mémorable sur ce Return Of 4Ever, c’est indéniablement "Another Naive Individual Glorifying Greed and Encouraging Racism" (ou Another N.I.G.G.E.R.). Une bombe, toute en simplicité, portée par une trompette et un piano ultra-soulful, et dont les lyrics puissants sont introduits par un extrait de Bamboozled de Spike Lee (sorti en France sous le titre The Very Black Show) : « (…) I’m sick and tired of being a nigger ! ».

Neuvième mixtape de son auteur, Return Of 4Eva est un peu sa lettre d’adieu à l’underground, puisqu’il est désormais signé chez Def Jam, qui avait flairé le gros magot l’an dernier, à la sortie de K.R.I.T. Wuz here. Espérons juste que le tentaculaire label New Yorkais saura tirer le meilleur de cet artiste extrêmement prometteur pour son premier album officiel, qui ne devrait plus trop tarder.

En bref : du rap sudiste de haut standing, dans la lignée d’Outkast. Téléchargeable gratuitement, cette mixtape a tout d’un album et confirme Big K.R.I.T. dans son statut d’étoile montante, avant ses débuts officiels chez Def Jam.



Télécharger la mixtape







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06 mai 2011

DJ Quik - The Book Of David (2011)

Alors que Dre a tellement repoussé la sortie de Detox que je n’ai presque plus envie de l’écouter, c’est d’un autre vétéran, certes moins renommé mais aussi important dans l’histoire du gangsta rap, qu’émane l’un des albums West Coast les plus aboutis depuis bien longtemps. Comme le docteur, David Blake vient de Compton, l’épicentre du hip-hop californien. Impossible de raconter ici par le menu ses 25 ans de carrière, ses 8 albums solo et ses centaines de productions pour Snoop, 2Pac, Kurupt... Résumons: DJ Quik est une légende. Il fait partie de ceux qui ont inventé la G-Funk, ce son alliant synthés 80s, basses rebondies et pillage massif des catalogues de Roger Troutman et George Clinton, entre autres. Un son dont l’essence est intimement liée au soleil de Los Angeles, à ses palmiers, ses house parties et ses lowriders. Pour ce premier solo depuis 6 ans, après un passage en prison et quelques sombres histoires qu’il serait vain de détailler, Quik revient à ses basiques et livre justement un concentré de Californie, c’est-à-dire de sexe, de groove et de chaleur.

Initiée par The Chronic (1992), l’euphorie G-funk n’a pas duré très longtemps, et on peut même considérer que ses plus belles pages avaient déjà été écrites en 1996. A 41 ans, Quik fait partie des quelques irréductibles du genre, et le prouve sur une bonne moitié des 17 plages de ce très touffu Book Of David. Avant l’enregistrement, il avait d’ailleurs affirmé lors d’une interview qu’il ressortirait ses boîtes à rythmes et synthés analogiques. Il n’a pas menti, on le sent dès le deuxième morceau, "Do Today", une déclaration d’amour passionnée à L.A., avec les images d’Epinal qui vont avec. Des claps, des nappes à la Dâm-Funk, un refrain R&B : le niveau d’old-schoolitude est manifestement très élevé. On peut en dire autant de "Killer Dope" et ses simili-cuivres, "Flow For Sale" (ft. Kurupt), ou encore "Nobody", une terrible décharge de boogie-funk à guitares sur laquelle Quik scelle sa réconciliation avec son vieux homie Suga Free.

Du côté des featurings, on ne tape pas dans les jeunes premiers, puisqu’en plus de ceux déjà cités, on retrouve Ice Cube pour l’excellent "Boogie Till You Conk Out", sur fond de wah-wah spatiale. Bizzy Bone (de Bone Thugs-n-Harmony) fait aussi plusieurs apparitions, de même que BlaKKazz K.K., ancien membre de 2nd To None, groupe qui fut signé sur Profile Records en même temps que DJ Quik en… 1987. Sur "The End", il invite carrément Garry Shider, le mythique guitariste de Parliament-Funkadelic, décédé depuis – l’album est prêt depuis plus d’un an mais sa sortie a été retardée pour des questions juridiques à propos des samples.

Ce neuvième effort n’est peut-être pas aussi bon que le grand classique Rythm-al-isthm, mais il se range parmi ses tous meilleurs travaux. Surtout, il est presque inespéré d’entendre des œuvres comme celle-ci de nos jours. J’écoutais beaucoup de West Coast dans les 90s, mais depuis je fais juste tourner de temps en temps les bonnes vieilles galettes, le premier Dogg Pound, The Chronic, quelques antiquités d’E40, Too $hort, etc… The Book Of David est un cadeau pour les réacs du hip-hop comme moi, une occasion de se plonger dans ses souvenirs tout en se donnant l’illusion que l’âge d’or tant regretté n’est pas tout à fait révolu.

Il serait injuste, pourtant, de se cantonner à une vision nostalgique. Les années 2000 ont vu Quik s’adapter aux standards actuels. Par petites touches, mais avec une certaine ambition, il modernise sa G-Funk, en déstructurant le beat comme sur le jazzy "Fire And Brimstone", ou en s’offrant des détours plus électroniques ("Babylon"), comme il l’avait déjà fait sur son projet de 2009 avec Kurupt, BlacQKout. Il y a en fait peu de moments faibles sur ce disque. Même les passages strictement R&B, dont je ne suis pas très client, sont plutôt réussis, servis par les prestations impeccables de Jon B et Dwele. Seules "Across The Map", taillée pour les radios US, et "Ghetto Rendez-Vous", charge violente à l’encontre de sa propre sœur, me rebutent totalement. Le reste n’est que plaisir, jusqu’à la piste cachée, 9ème épisode de sa série d’instrumentaux, les Quik’s Grooves.

C’est l’œuvre d’un musicien serein, en marge des contingences du rap game et de son business. Sûr de son fait et de sa technique, il continue à se bonifier avec le temps, y compris au niveau de son flow, beaucoup plus fluide et versatile, bien qu'il reste un producteur avant d'être un emcee. Je ne sais pas ce que donnera Detox, j'ai même de grosses inquiétudes, mais The Book Of David fait mieux que remplir le contrat, il alimente la légende.

En bref : cette leçon de hip-hop West Coast sonne comme une fessée sur les derrières joufflus des faux rappeurs de tous poils. Le vétéran DJ Quik revient à l’essence du son californien, et c’est tout simplement un régal.



L'album en streaming
DJ Quik sur Myspace







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03 mai 2011

Fleet Foxes - Helplessness Blues (2011)

En 2008, les Fleet Foxes nous avaient surpris avec leur premier disque de pop pastorale rafraichissant tout droit importé du Moyen-age. Toute la critique s’était enflammée à l’égard des cinq barbus de Seattle et leurs harmonies de voix ensoleillées façon sixties. Autant dire qu’avec ce second LP - même si la pochette signée Toby Leibowitz est tout autant réussie - on les attendait au tournant.

Déjà après une première écoute, le constat est sans appel : le son des Fleet Foxes a gagné en complexité. Exit les mélodies efficaces et évidentes du premier album, ici les orchestrations sont luxuriantes et les morceaux prennent plus de temps à révéler leurs charmes. L’ambiance est un poil plus sombre et reflète en partie les trois années tumultueuses qu’ont traversées le groupe, plus particulièrement son frontman Robin Pecknold. À court d’inspiration, celui-ci s’est finalement avéré certain de la direction à prendre sur cet album enregistré deux fois de suite faute de satisfaction initiale et dans quatre studios distincts. À cela s’ajoute l’arrivée d’un sixième membre, Morgan Henderson, bassiste des Blood Brothers.

Alors que l'éponyme Fleet Foxes privilégiait les titres courts, les durées sont plus disparates sur Helplessness Blues et le groupe s’illustre aisément sur des formats longs comme le très changeant "The shrine/An argument". En huit minutes, le sextet enchaîne les changements de rythmes et d’ambiances pour finir dans un entrelacs de cuivres plaintifs. Et si le disque s’inscrit dans la même tradition de folk-gospel il s’enrichit cette fois-ci de teintes nouvelles : un violon orientalisant sur "Bedouin dress", des guitares bluesy à la fin de "Sim Sala Banim", additionné à une instrumentation touffue (flûtes, violons, cuivres) et le jeu de batteries d'un Joshua Tillman au mieux de sa forme. Mais ce qui transparaît surtout c’est l’influence grandissante de Simon And Garfunkel sur la musique des Fleet Foxes. On ne s’en plaint pas !


Les harmonies de voix semblent plus affinées que sur le précédent opus ce qui permet à la voix de Pecknold d’assumer pleinement son rôle de soliste. Son chant ne cesse de s’élever au dessus du lot, toujours aussi ample, et relègue souvent les chœurs, nimbés d’une réverbe d’église, au rôle de renfort. Sur "The plains/ Bitter dancer", les chœurs se superposent par vagues avant d’entamer le chant à l’unisson évoquant les harmonies de Crosby, Stills And Nash. Mais c’est avec des titres comme "Lorelai", "Blues spotted tail" ou l’inaugural "Montezuma" que la position de Robin Pecknold s’affirme. C’est son histoire, ses désillusions et ses questionnements existentiels qu’il raconte : «So now, I am older/ Than my mother and father/ When they had their daughter/ Now, what does that say about me ? ».

En bref : après avoir remis la pop pastorale au goût du jour, les Fleet Foxes nous démontrent qu’ils sont capables d’ingéniosité sans toutefois annoncer l’aube d’un renouvellement.






A lire aussi : Fleet Foxes - St (2008)

Le Myspace et le site officiel

"Montezuma" :



"Lorelai" :



En concert le 30 mai au Bataclan

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02 mai 2011

Robag Wruhme - Thora Vukk (2011)

J’ai toujours aimé les prods de Gabor Schablitzki, alias Robag Wruhme, en solo ou au sein de son vrai-faux duo, les Wighnomy Brothers. Sans parler de ses mixes qui, même en pleine période minimale, ont toujours eu ce petit quelque chose en plus, une sorte d’intelligence mélodique assez impressionnante. Mais de là à voir ce vieux de la vieille de la techno allemande sortir un tel disque, il restait encore un grand pas à franchir. Car Thora Vukk - sorti sur Pampa, le label d’un autre génie électronique, DJ Koze - m’a mis une bonne claque dans la tronche dès les premières minutes. C’est son deuxième véritable album en presque 15 ans de carrière, et on sent bien qu’il a mis tout son amour dans sa conception, qui a exigé 6 mois de travail. Le résultat est fantastique, de la première à la dernière note. On y retrouve les orientations minimal/micro-house habituelles du bonhomme, mais dans une atmosphère moins loufoque et plus posée qu’à l’accoutumée.

Même si ses tracks restent percussifs et à peu près dansants, Wruhme s’est de toute évidence concentré sur les mélodies, en faisant la part belle au piano et aux cordes, notamment. Malgré quelques percées soulful et jazzy, le climat général de Thora Vukk fait penser à une rencontre entre la house élégante de labels allemands comme Dial ou Kompakt et la musique classique moderne de Max Richter, voire celle de Camille Saint-Saëns ou Debussy. Une certaine sérénité s’en dégage, parfois troublée par des accès de mélancolie à vous bloquer la petite boule dans la gorge. C’est un compagnon idéal pour les interminables jours de pluie, ou pour les voyages au long cours.


Voilà donc un album de house au feeling quasi-exclusivement européen, qui ne cite ni Detroit, ni Chicago – ou alors de façon très allusive. L’abondance de field recordings (sons de pluie, voix d’enfants, tintements de verres…) et le côté carillonnant de plusieurs tracks évoquent Pantha Du Prince ou John Roberts. Le groove techno tendu et déviant de "Bommsen Boff "rappelle DJ Koze, et ce n’est pas un hasard puisqu’il a participé aux arrangements du titre. On retrouve ailleurs ("Wupp Dek", "Tulpa Ovi"…) des traces de la micro-house du Britannique Matthew Herbert, dont l’influence est décidément énorme sur les productions actuelles. Mais Thora Vukk reste une œuvre éminemment intime et singulière, sans doute celle où le producteur de Jena, en ex-Allemagne de l’Est, a le mieux exprimé sa personnalité profonde.

Robag nous a réservé quelques moments de pure poésie sonore, tels "Pnom Gobal" et "Tulpa Ovi", mes préférés, tous deux d’un romantisme épuré mais assumé, tout en restant sérieusement deep et hypnotisants. Je crois même avoir lâché quelques larmes de joie la première fois que j’ai entendu les cordes féériques de "Pnom Gobal", à moins que ce ne soit celles du morceau-titre. A tomber par terre. Surtout que la mise en avant des mélodies et de l’émotion s’accompagne de tout un tas de petites intentions rythmiques, de cliquetis bien sentis, de vocaux triturés, de bribes de chant pop, de sons concrets… L'ensemble est admirablement tenu et structuré par des interludes oscillant entre ambient, folk et électronica. Surprenant, ludique, d’une grâce évidente, cet album est une réussite totale, et un véritable achèvement pour son auteur, que je n’attendais pas si haut.

En bref : Robag Wruhme nous offre la divine surprise de ce printemps avec un album house d’une grâce et d’un romantisme ahurissants.



Son site
Le site de Pampa Records
A noter que l'album est sorti sur CD dans sa version complète, et en vinyle sous la forme de deux 12" et un 7" (+ codes mp3), avec un tracklisting légèrement différent.

L'album en écoute intégrale





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01 mai 2011

Tim Kasher - The Game Of Monogamy (2010)

Avant de poser mains et oreilles sur le premier album solo de Tim Kasher, je n’avais jamais rien entendu de lui. Pourtant, le bonhomme a officié dans deux groupes (Cursive et The Good Life) et a fait une petite apparition du côté de Commander Venus et The March Hares. Mais il n’est jamais trop tard pour une découverte musicale comme pour une chronique, alors allons voir de plus près cet énigmatique Game of Monogamy.

En fait, cet album sonne comme l’incarnation musicale de cette étroite frontière entre cynisme et lamentation. En effet, ce Tim Kasher m’étant encore partiellement inconnu il est tout de même aisé de remarquer qu’il semble se complaire dans sa misère toute relative. Ainsi, il déclame d’un ton plaintif sur "Strays" : " Writers are selfish, writers are egotists / I’m afraid i’m as bad as it gets".

The GAME of Monogamy - outre les consonances proches de "game" et "gamy" - porte bien son nom puisqu’il s’agit pour Tim Kasher d’un jeu, d’une expérience. C’est l’expérience risquée du cliché "marié résidant dans un pavillon avec chien puis enfants" mais avant tout l’expérience d’un quotidien pâle teinté de plus de malheur que de romance (comme l’illustre à merveille le clip de "Cold love" ci-dessous). Mais l’on sent Tim Kasher jouir de cette monogamie inadaptée puisque l’on n'a jamais entendu un homme aussi pris par la joie lorsqu’il chante l’insatisfaction sexuelle : "Cold Love, is all that we know / Cold Love, no word, no devotion / Cold Love, it only takes a few minutes / Cold Love, let me know when you’re finished" mais aussi "Cold Love, no words, no emotion" ce qui est un comble pour un parolier et un musicien.

Si ce cynisme débordant dérange vite, il faut se dire que Tim Kasher a tout prévu : sa musique est assez empreinte de joie et entraînante pour que l’on oublie d’écouter ce qu’il nous dit tout appréciant sa voix que l’on peut parfois - sur "Bad, bad dreams" notamment - rapprocher de celle de son ami Conor Oberst lorsque lui aussi prît une envolée en solo.

En bref : un album concept à l’idéologie déprimante, mais éloignez-vous des paroles et vous trouverez des délices rythmiques et apprécierez enfin toute la force de la voix de Tim Kasher.




Le MySpace et le site officiel.

Le clip de "Cold love":


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