Alors que Dre a tellement repoussé la sortie de Detox que je n’ai presque plus envie de l’écouter, c’est d’un autre vétéran, certes moins renommé mais aussi important dans l’histoire du gangsta rap, qu’émane l’un des albums West Coast les plus aboutis depuis bien longtemps. Comme le docteur, David Blake vient de Compton, l’épicentre du hip-hop californien. Impossible de raconter ici par le menu ses 25 ans de carrière, ses 8 albums solo et ses centaines de productions pour Snoop, 2Pac, Kurupt... Résumons: DJ Quik est une légende. Il fait partie de ceux qui ont inventé la G-Funk, ce son alliant synthés 80s, basses rebondies et pillage massif des catalogues de Roger Troutman et George Clinton, entre autres. Un son dont l’essence est intimement liée au soleil de Los Angeles, à ses palmiers, ses house parties et ses lowriders. Pour ce premier solo depuis 6 ans, après un passage en prison et quelques sombres histoires qu’il serait vain de détailler, Quik revient à ses basiques et livre justement un concentré de Californie, c’est-à-dire de sexe, de groove et de chaleur.
Initiée par The Chronic (1992), l’euphorie G-funk n’a pas duré très longtemps, et on peut même considérer que ses plus belles pages avaient déjà été écrites en 1996. A 41 ans, Quik fait partie des quelques irréductibles du genre, et le prouve sur une bonne moitié des 17 plages de ce très touffu Book Of David. Avant l’enregistrement, il avait d’ailleurs affirmé lors d’une interview qu’il ressortirait ses boîtes à rythmes et synthés analogiques. Il n’a pas menti, on le sent dès le deuxième morceau, "Do Today", une déclaration d’amour passionnée à L.A., avec les images d’Epinal qui vont avec. Des claps, des nappes à la Dâm-Funk, un refrain R&B : le niveau d’old-schoolitude est manifestement très élevé. On peut en dire autant de "Killer Dope" et ses simili-cuivres, "Flow For Sale" (ft. Kurupt), ou encore "Nobody", une terrible décharge de boogie-funk à guitares sur laquelle Quik scelle sa réconciliation avec son vieux homie Suga Free.
Du côté des featurings, on ne tape pas dans les jeunes premiers, puisqu’en plus de ceux déjà cités, on retrouve Ice Cube pour l’excellent "Boogie Till You Conk Out", sur fond de wah-wah spatiale. Bizzy Bone (de Bone Thugs-n-Harmony) fait aussi plusieurs apparitions, de même que BlaKKazz K.K., ancien membre de 2nd To None, groupe qui fut signé sur Profile Records en même temps que DJ Quik en… 1987. Sur "The End", il invite carrément Garry Shider, le mythique guitariste de Parliament-Funkadelic, décédé depuis – l’album est prêt depuis plus d’un an mais sa sortie a été retardée pour des questions juridiques à propos des samples.
Ce neuvième effort n’est peut-être pas aussi bon que le grand classique Rythm-al-isthm, mais il se range parmi ses tous meilleurs travaux. Surtout, il est presque inespéré d’entendre des œuvres comme celle-ci de nos jours. J’écoutais beaucoup de West Coast dans les 90s, mais depuis je fais juste tourner de temps en temps les bonnes vieilles galettes, le premier Dogg Pound, The Chronic, quelques antiquités d’E40, Too $hort, etc… The Book Of David est un cadeau pour les réacs du hip-hop comme moi, une occasion de se plonger dans ses souvenirs tout en se donnant l’illusion que l’âge d’or tant regretté n’est pas tout à fait révolu.
Il serait injuste, pourtant, de se cantonner à une vision nostalgique. Les années 2000 ont vu Quik s’adapter aux standards actuels. Par petites touches, mais avec une certaine ambition, il modernise sa G-Funk, en déstructurant le beat comme sur le jazzy "Fire And Brimstone", ou en s’offrant des détours plus électroniques ("Babylon"), comme il l’avait déjà fait sur son projet de 2009 avec Kurupt, BlacQKout. Il y a en fait peu de moments faibles sur ce disque. Même les passages strictement R&B, dont je ne suis pas très client, sont plutôt réussis, servis par les prestations impeccables de Jon B et Dwele. Seules "Across The Map", taillée pour les radios US, et "Ghetto Rendez-Vous", charge violente à l’encontre de sa propre sœur, me rebutent totalement. Le reste n’est que plaisir, jusqu’à la piste cachée, 9ème épisode de sa série d’instrumentaux, les Quik’s Grooves.
C’est l’œuvre d’un musicien serein, en marge des contingences du rap game et de son business. Sûr de son fait et de sa technique, il continue à se bonifier avec le temps, y compris au niveau de son flow, beaucoup plus fluide et versatile, bien qu'il reste un producteur avant d'être un emcee. Je ne sais pas ce que donnera Detox, j'ai même de grosses inquiétudes, mais The Book Of David fait mieux que remplir le contrat, il alimente la légende.
En bref : cette leçon de hip-hop West Coast sonne comme une fessée sur les derrières joufflus des faux rappeurs de tous poils. Le vétéran DJ Quik revient à l’essence du son californien, et c’est tout simplement un régal.
L'album en streaming
DJ Quik sur Myspace
Initiée par The Chronic (1992), l’euphorie G-funk n’a pas duré très longtemps, et on peut même considérer que ses plus belles pages avaient déjà été écrites en 1996. A 41 ans, Quik fait partie des quelques irréductibles du genre, et le prouve sur une bonne moitié des 17 plages de ce très touffu Book Of David. Avant l’enregistrement, il avait d’ailleurs affirmé lors d’une interview qu’il ressortirait ses boîtes à rythmes et synthés analogiques. Il n’a pas menti, on le sent dès le deuxième morceau, "Do Today", une déclaration d’amour passionnée à L.A., avec les images d’Epinal qui vont avec. Des claps, des nappes à la Dâm-Funk, un refrain R&B : le niveau d’old-schoolitude est manifestement très élevé. On peut en dire autant de "Killer Dope" et ses simili-cuivres, "Flow For Sale" (ft. Kurupt), ou encore "Nobody", une terrible décharge de boogie-funk à guitares sur laquelle Quik scelle sa réconciliation avec son vieux homie Suga Free.
Du côté des featurings, on ne tape pas dans les jeunes premiers, puisqu’en plus de ceux déjà cités, on retrouve Ice Cube pour l’excellent "Boogie Till You Conk Out", sur fond de wah-wah spatiale. Bizzy Bone (de Bone Thugs-n-Harmony) fait aussi plusieurs apparitions, de même que BlaKKazz K.K., ancien membre de 2nd To None, groupe qui fut signé sur Profile Records en même temps que DJ Quik en… 1987. Sur "The End", il invite carrément Garry Shider, le mythique guitariste de Parliament-Funkadelic, décédé depuis – l’album est prêt depuis plus d’un an mais sa sortie a été retardée pour des questions juridiques à propos des samples.
Ce neuvième effort n’est peut-être pas aussi bon que le grand classique Rythm-al-isthm, mais il se range parmi ses tous meilleurs travaux. Surtout, il est presque inespéré d’entendre des œuvres comme celle-ci de nos jours. J’écoutais beaucoup de West Coast dans les 90s, mais depuis je fais juste tourner de temps en temps les bonnes vieilles galettes, le premier Dogg Pound, The Chronic, quelques antiquités d’E40, Too $hort, etc… The Book Of David est un cadeau pour les réacs du hip-hop comme moi, une occasion de se plonger dans ses souvenirs tout en se donnant l’illusion que l’âge d’or tant regretté n’est pas tout à fait révolu.
Il serait injuste, pourtant, de se cantonner à une vision nostalgique. Les années 2000 ont vu Quik s’adapter aux standards actuels. Par petites touches, mais avec une certaine ambition, il modernise sa G-Funk, en déstructurant le beat comme sur le jazzy "Fire And Brimstone", ou en s’offrant des détours plus électroniques ("Babylon"), comme il l’avait déjà fait sur son projet de 2009 avec Kurupt, BlacQKout. Il y a en fait peu de moments faibles sur ce disque. Même les passages strictement R&B, dont je ne suis pas très client, sont plutôt réussis, servis par les prestations impeccables de Jon B et Dwele. Seules "Across The Map", taillée pour les radios US, et "Ghetto Rendez-Vous", charge violente à l’encontre de sa propre sœur, me rebutent totalement. Le reste n’est que plaisir, jusqu’à la piste cachée, 9ème épisode de sa série d’instrumentaux, les Quik’s Grooves.
C’est l’œuvre d’un musicien serein, en marge des contingences du rap game et de son business. Sûr de son fait et de sa technique, il continue à se bonifier avec le temps, y compris au niveau de son flow, beaucoup plus fluide et versatile, bien qu'il reste un producteur avant d'être un emcee. Je ne sais pas ce que donnera Detox, j'ai même de grosses inquiétudes, mais The Book Of David fait mieux que remplir le contrat, il alimente la légende.
En bref : cette leçon de hip-hop West Coast sonne comme une fessée sur les derrières joufflus des faux rappeurs de tous poils. Le vétéran DJ Quik revient à l’essence du son californien, et c’est tout simplement un régal.
L'album en streaming
DJ Quik sur Myspace
1 Comment:
Ah c'est marrant, ça fait 2 jours que j'écoute ce disque !
Je n'aurais pas dit mieux.
Merci !
Ju
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