10 mai 2012

The Burrell Brothers - The Nu Groove Years 1988-1992 (2012)

En 1988, au moment où le tout premier disque estampillé Nu Groove ("Feel The Luv") est pressé, New York n’a pas encore été cleané par Rudolf Giuliani et sa tolérance zéro. Le Paradise Garage est fermé depuis quelques mois, mais Larry Levan n’a pas encore été emporté par le Sida, et des clubs comme la Sound Factory, le Zanzibar ou le Roxy sont à leur apogée. Peu à peu, la musique des pionniers de Chicago commence à cartonner, à travers des labels comme Trax et DJ International, et les artistes new yorkais s’engouffrent dans leur sillage deep et acid tout en conservant leurs propres influences : le disco soulful local et sa variante garage, venue du New Jersey voisin, avec  ses accents gospel. C’est une période de créativité folle, une foule de labels émerge, parmi lesquels Strictly Rhythm en 1989 et Nervous Records en 1991, mais le plus légendaire d’entre eux est sans doute Nu Groove.


Montée par Judy Russell avec Frank et Karen Mendez, la structure avait été créée pour héberger les seuls enregistrements des Burrell Brothers après l’échec de leur premier album éponyme, sorti sur EMI et orienté R&B. Elle prendra une ampleur insoupçonnée puisqu’elle deviendra l’un des fleurons de la house américaine pendant les quatre courtes années que durera son règne, avec une centaine de disques et des artistes comme Joey Beltram ou Bobby Konders à son catalogue. Sa durée de vie très limitée lui permettra de ne pas tomber dans les mêmes travers que Strictly Rhythm, peu à peu devenu une usine à house vocale putassière.

Les archéologues de Rush Hour, déjà responsables d'une pelletée de très sérieuses rééditions et rétrospectives, ont choisi de se concentrer sur les productions de Ronald et Reginald Burrell sous tous leurs alias : Houz’ Negroes, Aphrodisiac, N.Y. House’N Authority, Metro, Equation, etc… Ce qui représente près de la moitié du répertoire Nu Groove. Ils ont évidemment dû faire des choix pour tout condenser sur cette compilation qui prend la forme de 2 doubles LP ou d’un CD en version abrégée. Pas exhaustive, donc, cette anthologie est cependant amplement suffisante pour réviser son Histoire de la house ; elle a aussi l’avantage de rendre disponibles des titres jusqu’alors introuvables ou presque – les prix de certains d’entre eux sur Discogs sont exorbitants.

Même si leur son est souvent assez brut, certains tracks ayant été directement enregistrés sur cassette, il est frappant d’entendre que ces types détenaient déjà la formule de la deep house – le sublime bien que simpliste "Brownstone Express", par exemple, n’est pas loin de sonner comme une production actuelle, avec sa mélodie soulful et ses synthés d’une légèreté paradisiaque. Mais les jumeaux du New Jersey, qui avaient débuté à l'âge de 13 ans dans le groupe gospel Inner Spirit, ne se sont pas contentés de participer à la définition du son deep. Ils s’aventuraient aussi sur des terrains plus jazzy, comme sur le classique "APT3B", avec son solo de flûte synthétique, que des générations de DJ ont joué en after.

Ils pouvaient à la fois lâcher des perles de house vocale ("I’ll Say A Prayer For You"), s’amuser avec des cordes disco ("APT1B") et s’inspirer de Chicago pour lâcher des bombes acides à l’ambiance bien sale ("Straphanger", "Dyckman House") ou des hymnes rave comme "The Answer". Cela reflète bien l'éclectisme du label, qui oscillait sans complexe entre les influences dub et jazz de Bobby Konders, celles, plus funky et latines, de Kenny Dope ou Joey Negro, la dance music débridée et la house la plus cérébrale. Si le mouvement existait en réalité avant eux, avec des artistes comme François K ou Tony Humphries, les Burrell Brothers ont largement contribué à placer New-York sur la carte de la house mondiale. Cette anthologie, ainsi que les remixes de Nicholas sur son Back On Track : Nu Groove, leur rendent enfin justice.

En bref : ressorti du placard par Rush Hour, l’essentiel d’un duo et d’un label qui ont profondément marqué l’évolution de la house et de la musique new yorkaise.




A lire aussi : Larry Levan's Paradise Garage (1980)



1 Comment:

Anonyme said...

Faut arrêter avec les prix discogs, c'est pas parce qu'un pelé va mettre son disque à 300 roros que c'est le prix de base du disque...
Le bouton sales history donne une côte réaliste du disque.