Le songwritter lillois Jullian Angel a sorti récemment son troisième album Kamikaze Planning Holidays et n'a cessé depuis d'envahir les scènes hexagonales. Sa folk intimiste est mise en valeur par une voix grave qui envoute l'auditeur sur un album largement autobiographique, sensation qui prend évidemment toute son ampleur en concert. Puisqu'il est maintenant possible de prendre du recul par rapport à cet album charnière, Jullian Angel s'est prêté au jeu de l'interview afin que nous puissions découvrir un peu plus cet aventurier musical français.
Kamikaze
Planning Holidays est ton troisième album (mis à part For
A Ghost). Un an après sa sortie et après un très grand nombre
de concerts dans toute la France, es-tu satisfait de l'album et de
l'accueil qu'il a reçu ?
L’accueil critique a
été plutôt gratifiant, oui. Je pensais qu’il faudrait au moins
quelques écoutes pour rentrer dans l’album, c’est plus immédiat
finalement. En voyageant avec ce disque, j’ai aussi recueilli
beaucoup de réactions extra-musicales, sur l’artwork, le clip, les
textes… Les gens intéressés reconnaissent une vraie cohérence à
cet univers artistique, visiblement.
Tu passes une grande
partie de l'année sur les routes de France. La scène semble donc
essentielle pour toi. En dehors évidemment de l'aspect promotionnel,
est-ce un moyen de tester continuellement ta musique ?
Un moyen de la faire
vivre tout simplement, et évoluer selon mon état d’esprit.
Parfois j’ai l’impression d’exécuter des reprises de mes
propres titres, on est souvent loin des versions studio. Cela dit,
même si j’arrive à jouer aux quatre coins de France, je passe
encore une (trop) longue partie de l’année en sédentaire citadin,
à répéter pour les murs de mon appartement…
Lorsqu'on connaît ton
album, on peut être étonné en concert car les
arrangements sont très différents, surtout à cause de ta façon de
superposer des boucles musicales que tu enregistres en direct au
cours des morceaux. Peux-tu expliquer cette différence qui te permet
d'acquérir sur scène l'ampleur musicale d'un groupe ?
Je n’utilise pas tant que ça le
« boucleur » à vrai dire, seulement pour 2 ou 3
morceaux, qui sortent du guitare-voix et re-dynamisent mon set. Sur
scène, il faut savoir doser chaque « artifice » quand on
joue solo. Et le langage des machines me lasse très vite
honnêtement, y compris comme spectateur… Mon concert repose sur la
présence vocale, prioritairement.
Ta musique reste
encore largement confidentielle, malgré une reconnaissance au niveau
de la critique. Cette confidentialité et ton choix de passer par des
labels indépendants ne te donne-t-ils pas l’impression de transformer ton parcours en véritable
sacerdoce ? As-tu des moments de découragement ?
Rester en marge n’est
nullement un choix, c’est juste une conséquence logique, comme je
suis pratiquement seul à gérer ma carrière. Je tiens à
l’indépendance, en terme artistique et financier, non pour cibler
un certain type de mélomanes. Ma musique n’est pas tant que ça
indie, elle pourrait toucher un plus large public, mais je n’y
parviendrai jamais à mon compte, avec si peu de moyens... Produire
et sortir Kamikaze tenait déjà presque du miracle, or je
ne rentabiliserai sans doute même pas l’investissement, pourtant
mesuré. De là peut naître un certain découragement, certainement
pas une désillusion, car je savais très bien à quoi m’attendre.
Clairement, je ne me satisfais pas du mode « plutôt seul, que
mal entouré ». Plutôt bien entouré, oui.
Cet album marque un
tournant dans ton style musical, ta musique devient plus sobre. Cette
évolution te semble-t-elle définitive ? Est-elle liée à ton
histoire personnelle ?
En partie, oui. Je
voulais m’exprimer plus directement, et assumer un statut de
chanteur. Ma voix se prête mal à une production surchargée, ou une
reverb très connotée. Avec la démocratisation du home-studio, tous
les albums qui sortent maintenant, même confidentiellement, sonnent
assez « riche » et bien finalisés ; je préférais
me baser sur des prises live guitare-voix, rehaussés par quelques
ajouts instrumentaux. Ça me ressemblait plus. Mais chaque orientation
musicale répond à une période donnée, et mes prochains
enregistrements seront forcément différents…
Le dernier morceau de
l'album, "Faith", a des tonalités quasi religieuses et le titre renforce ce qu'on perçoit à l'écoute. Quelle
signification donnes-tu à cet aspect religieux ?
Est-il lié au tournant qui s'est produit dans ta musique ?
Pourquoi le terme
« faith » (foi) resterait confiné au religieux ? Ma
musique peut être volontiers mystique, certainement pas religieuse.
La spiritualité est une chose bien trop personnelle et intime, pour
l’enfermer sous un dogme ou un clocher. Concernant le morceau en
question, il vient conclure le cheminement philosophique de l’album :
l’amour n’a pas survécu, l’espoir et le désespoir forment les
deux tranchants d’un même couperet, la colère n’offre qu’un
remède provisoire... Seule la foi en l’avenir apporte une issue.
Amen.
Avec "The
Strong", "Saved By The Monster" est le titre au
rythme le plus rapide, presque une course ou une fuite en avant si
on regarde un peu les paroles. Peux-tu parler un peu de l'histoire de ce « monstre » qui voulait être ton
sauveur ?
Les textes de l’album
sont très autobiographiques, et ce titre apporte une bouffée d’air
surréaliste, autour du même fil conducteur. C’est une fable
moderne, sans épilogue, sur la peur des hommes devant l’altérité
féminine et son potentiel destructeur. Ce providentiel
« monstre-femme » agit sans instinct moral, uniquement
guidée par la passion. Elle échappe aux considérations
manichéennes. Et je veux croire que les femmes ont assez
d’autodérision pour n’y voir aucune misogynie latente…
Quels sont tes projets
actuels ? Un prochain album est-il en cours ?
Il y aura bientôt un
nouveau single extrait de « Kamikaze », donc c’est
encore tôt pour parler du prochain album, mais j’ai déjà
beaucoup de morceaux en chantier, trop à vrai dire... J’aimerais
donc sortir d’abord un EP intermédiaire, courant 2013 normalement.
Mes autres projets sont littéraires : à force d’écrire sous
différentes formes (poésie, chroniques, Français-Anglais…) j’ai
envie de publier certains textes officiellement, même à très petit
tirage. Les gens n’achètent plus de disques, il faut bien trouver
d’autres objets culturels… Bon, ça n’arrangera pas mon statut
de poète maudit, certes.
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