C'est dans une fin de
journée hivernale que j'ai rencontré le groupe Orties dans un café
parisien. Projets de deux étudiantes des beaux-arts, ce groupe est pour elles l'occasion de mêler leurs obsessions artistiques ( musique, vidéo, performance) et féministes. Journée promotion oblige, le duo Kincy et Antha accumule
les interviews. Mais peu importe. Les Orties n'ont de cesse de parler
de leur album Sextape (qui
sort le 20 février chez Nuun Rec), cette « colonne
vertébrale » agitée par le sexe, les corps, la vie.
1- Quand on écoute votre album, on
y trouve de l'électro, du hip-hop, du rap, alors que vous venez de
la scène rock, goth, trash. Comment pouvez-vous expliquer cette
évolution ?
En fait à la base, Orties s'est
constitué quand on avait quinze ans. C'était rock-goth. Moi j'étais
à la guitare et elle chantait. Cela s'appelait déjà Orties car
c'était déjà notre projet à toutes les deux même s'il y avait
d'autres musiciens. On les a virés car on n'avait pas vraiment les
mêmes goûts. On a eu marre de ce milieu dark, et on s'est mis à
faire du rap car c'était la musique de notre enfance. On a essayé
d'être plus moderne, plus dans notre époque. Tout en amenant le
même univers que lorsqu'on avait notre groupe de rock.
2- Orties a donc toujours été votre
seul groupe ?
Oui au début on était avec d'autres
musiciens. Mais, on s'est rendu compte que toutes les deux c'était
naturel. On avait envie d'être uniquement toutes les deux comme on
est sœur jumelle. Ça
perturbe moins que lorsqu'on est avec un groupe et qu'il faut
expliquer. Ça évite des
problèmes, c'est familial.
3- Est-ce que cela crée quelque chose
de particulier ce fait d'être jumelles et d'être dans le même
groupe ?
Oui c'est sûr comme on vit les mêmes
choses. On habite ensemble déjà. On n'a même pas besoin de
parler. On part juste d'un petit mot, d'un petit mot clé. On écrit
chacune dans notre coin et on confronte nos textes et souvent on
parle de la même chose, mais sous un angle différent. Ce qui est
cool, c'est qu'on n'a pas besoin de trop discuter. On est dans le
même délire. Et ça fait tellement longtemps vu qu'on est né
enfance, quand on était gosse on jouait ensemble. C'était naturel
de faire ce groupe uniquement toutes les deux en fait. Et de ne pas
être avec d'autres gens qui pourraient pourrir le truc, pourrir la
vision. C'est débile à dire mais ils sont un peu jaloux. Donc eux
contre nous.... c'est plus simples d'être seules...
4- Vous êtes souvent prises toutes les
deux en photo. Les photos ont un aspect assez trash. Est-ce que c'est
une image que vous cultivez ?
La plupart des photos, ce
sont souvent des auto-portraits, c'est nous qui les faisons, il n'y a
pas de photographes. Par exemple, celles qu'on peut voir sur
facebook. Souvent, ça part d'un pétage de cable, on s'emmerde, on a
envie de prendre une photo.
Moi si je m'écoutais je
serais toujours à poil. En fait ce qui est marrant, c'est qu'on ne
s'en rend pas compte non plus. Pour moi, il n'y a rien de trash
là-dedans. C'est peut-être parce qu'on est trop dedans et qu'on
calcule plus. Parce que c'est tellement notre vision des choses, on
ne se rend plus compte du mot trash, de ce que ça veut dire. Pour
nous c'est la norme. C'est pas grave d'être en porte-jarretelle. Il
y a pire.
Sur la pochette de
l'album qui va sortir, je suis seins nus [ Kincy ]. Mais pour moi,
c'est cool, ça dédramatise le corps féminin. Pourquoi est-ce que
ça serait génant ? Tu vois tranquille, je me mets torse nu
comme un mec.
[ Antha ] C'est marrant,
elle s'est mise naturellement comme ça. Et en fait quand tu vois les
FEMEN qui se mettent nues dans les rues, enfin torse nu. Ça
se rejoint. Mais, ce n'est pas fait exprès. C'est un peu le même
raisonnement. On n'est qu'un corps.
5- Est-ce qu'on peut dire
qu'il y a un engagement féministe dans votre démarche ?
Si carrément. Le fait de
se mettre torse nu c'est vraiment une prise de position. C'est comme
ça qu'il faut comprendre la pochette et le livret-photo de l'album.
6- C'est vous qui avez
sélectionné les photos ?
Oui. Je déteste être
manipulée. Plus tu montes, plus tu dois faire attention. C'est nous
qui avons fait la sélection artistique. Pour les photos de l'album,
c'était un pote, Pierre de Belgique. C'était important pour nous.
J'aurais pas fait ça avec quelqu'un à qui je ne pourrais pas faire
confiance. C'est un bon ami qui fait de belles photos. Et on a la
même vision avec Pierre aussi. C'est important de faire les choses
avec quelqu'un qui te comprend. Voilà, avoir confiance.
On a sélectionné les
photos car il y en avait de trop horribles. On a fait une séance
photos qui s'est vraiment terminée en porno. Il y a un moment où je
sais, là on dépasse la limite. C'est de la musique, c'est de l'art,
c'est pas un porno. Si c'était un porno, il faudrait que ça soit
mieux fait. Si tu regardes le livre- photo, c'est les prémices
de..... C'est marrant de le savoir. C'est une vision rock de la vie
mais ce n'est pas sexuel.
7- Vous avez aussi fait
un concert lors d'un rassemblement de soutien aux Pussy Riot.
Pouvez-vous développer cette dimension engagée de votre groupe ?
Moi, j'aimerais bien que
Orties ne soit pas juste un groupe pour les clubs et les abrutis de
15 ans. J'aimerais bien qu'il y ait une autre dimension. C'est cool
de s'engager dans des causes comme ça. C'est peut-être un peu
utopique. Par exemple, le groupe Brigitte c'est typiquement le groupe
que je déteste. Ce sont deux bourgeoises de Paris qui fantasment sur
les renoi de Paris, comme Joey Starr, qui lui est devenu complètement
bobo. Elles font de la musique très bien, mais il se passe pas grand
chose. Moi j'aimerais bien que pour Orties il se passe quelque chose.
Moi je dis [ Antha] il y
a trop de filles et pas assez de meufs. Il faudrait qu'il y ait plus
de meufs qui s'engagent dans des causes.
8- Si on revient à la
musique en elle-même, on peut penser à des groupes comme Kap
Bambino. Ce rapprochement est-il pertinent ?
Justement, pour le
prochain projet on va sans doute collaborer avec eux.
Eux c'est quand même pas
du rap. Mais j'adore ce qu'ils font et il y a un bon pourcentage
d'accords avec nous. Ça
faisait longtemps que je n'étais pas allé à un concert où je me
dis « ça claque ». C'est cool de faire des chansons avec
eux.
9- Pouvez-vous citer
quelques-unes de vos influences ?
On a été vachement
influencées par des groupes comme Christian Death, du death-rock,
des références un peu plus goths, ensuite Nirvana. On a aussi
écouté beaucoup de Black Métal. Après des mecs comme Eminem.
En ce moment, c'est
vraiment Doc Gynéco. Je n'écoute plus que lui. Doc Gynéco et du
classique. Du Chopin. Sinon tout le monde me casse la tête. Depuis
que j'écoute Doc Gynéco je trouve ça hyper inspirant. J'aimerais
bien faire un truc comme ça, qui fait penser aux tropiques.
10- A l'écoute, l'album
paraît dispersé, certains morceaux sont assez hardcores, d'autres
plus dance. Pouvez-vous parler de la composition de l'album ?
Il est dispersé. C'est
ça qui est intéressant. C'est ça qui est bien dans le rap, ce
n''est pas toi qui fait ta musique. Donc, tu vas t'entourer de
plusieurs beatmakers, de plusieurs ambiances différentes. Mais moi
je trouve que malgré tout ses chemins qui partent de façon
dispersés se retrouvent sur une ligne droite. Et, on a fait une
sélection. On a enregistré une centaine de titres. C'est une façon
de parler mais on en a enregistré au moins une cinquantaine avant de
faire une sélection. On avait envie de faire chier les gens et de
leur mettre de la dance. Juste aussi pour montrer qu'on n'était pas
que ça. On est surtout pas du rap gothique car ça nous a collé,
mais on n'est surtout pas que ça. Les descriptions de notre groupe
correspondent plus du tout. Pour moi le ciel bleu, le côté
exotique, tropique ça me plaît aussi maintenant.
En fait, l'unité de
Sextape, c'est la déception
amoureuse, c'est l'amour impossible. Ça
finit très mal. Dans « Soif de toi », j'étais en
pleine descente , j'étais à fond sur quelqu'un.
11- Est-ce que vous avez
hésité entre le français ou l'anglais pour chanter ?
De toute façon, je ne
sais pas chanter en anglais, je ne vais pas me forcer. Je connais des
gens qui savent pas très bien parler en anglais, mais ils ont un
groupe et ils chantent en anglais, je ne sais pas comment c'est
possible. Ils écrivent le texte en français et après ils
traduisent le texte en anglais façon google trad. C'est horrible. On
est beaucoup plus riche dans notre langue maternelle. C'est comme si
Rimbaud s'était demandé s'il allait écrire ses textes en anglais.
Je ne sais pas pourquoi les gens se mettent des contraintes comme ça.
12- Quand on fait
attention aux paroles de vos chansons, vous n'avez pas l'impression
d'exprimer une vision très violente de la société ?
Pas si violente que ça.
Ça part en général de
ce qu'on a vécu, ça part de la réalité. Les gens sont tellement
habitués à la naïveté. Quand j'écoute les clips, par exemple,
sur M6. Là on entend toute la naïveté des chansons. Il y a
quelques années, quand Gainsbourg était encore là, il y avait plus
de gens comme Isabelle Adjani... Il y avait plus d'intelligence dans
les textes. Ce qui choque, ce n'est pas que Orties soit violent. Ce
qui me choque, c'est toutes les conneries qu'on entend. Les mecs ils
écrivent un couplet en huit minutes et ils se disent « c'est
tellement cons que ça va se vendre ». Dommage que Amy soit
morte, car c'était une des seules à cette heure-ci chez qui il y
avait quelque chose de plus.
13- Pouvez-vous me dire
chacune le titre que vous préférez dans l'album ?
[Antha] Franchement, je
pourrais pas te dire, car ils ont tous une touche à apporter. Ils
vont tous ensemble et sont dans une espèce de continuité et on
arrive au dernier titre « Orgasme ». C'est une espèce de
colonne vertébrale qui s'enchaîne.
[ Kincy] moi c'est
« Panne de courant » car j'aime bien son format qui
change. C'est un peu comme si on avait fait une petite installation
sonore. C'est marrant d'innover sur des formats différents. Il n'y a
même plus d'instru, c'est déstructuré. J'ai écrit le morceau dans
l'esprit haïku avec des mots détachés.
14- Pour finir,
pouvez-vous définir votre musique en cinq mots ?
« Le Mouvement Des
Astres Morts » ou « Racaille De Paris Á
Hawaï ».
Prochain concert :
15 février au Scop Club ( Paris)
(Photo : Chill O.
Stylisme : Harmony Coryn
Make up : Chloé Ribero)
Stylisme : Harmony Coryn
Make up : Chloé Ribero)
1 Comment:
Au même niveau que du Liza Monet, il faut arrêter de vous ridiculiser gratuitement comme ça!
A la question: "Pour finir, pouvez-vous définir votre musique en cinq mots ?"
La réponse la plus juste: Gigantesque merde pour pucelles bourgeoise.
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