C'est à ce jour l'une des plus importantes et des plus volumineuses anthologie de la musique populaire américaine. Publiée dans une première édition, il y a maintenant plus de 60 ans, elle concentre dans six albums pas moins de 84 morceaux de folk, de blues et de musique country. C'est également et surtout une invitation de premier choix pour (re)découvrir les racines profondes de ce brassage culturel et musical qui a pu germer de ce terreau nord-américain. Une terra nova chargée de promesses, d'accomplissements et de désillusions pour tous ceux qui se sont embarqués dans cette traversée de l'Atlantique. Car c'est bien de la terre dont il est question. De ses hommes et de ses femmes qui ont contribué à sa découverte et à sa conquête. D'histoires quotidiennes et ordinaires. De destins infimes et foncièrement humains.
À l'origine se trouve un véritable boulimique de la culture. Harry Everett Smith cumule autant de facettes que de casquettes. Artiste avant-gardiste, ce réalisateur de films expérimentaux est également archiviste, féru d'anthropologie, d'ethnologie musicale et collectionneur invétéré. On le dit également porté sur la mystique. Mais ce qu'on retient de lui reste bien évidemment cette gargantuesque anthologie qui a exercé un influence déterminante dans le retour folk qui s'est opéré au cours des années 1950 et 1960. Elle constitue une source d'inspiration directe pour des artistes comme Bob Dylan ou encore Joan Baez, et une bible pour la scène folk de Greenwhich Village. Grand amateur d'art en général et de jazz, celui-ci côtoie les pionniers de de son temps tels Charlie Parker, Dizzy Gillepsie ou encore Thelonious Monk.
En 1940, Smith se prend d'affection pour les 78 tours de vieux blues, de country, de Cajun - musique emblématique des Cadiens de Lousiane, et de gospels. Il en accumule plusieurs milliers et développe un intérêt grandissant pour la conservation et la classification de ces enregistrements qui étaient considérés à l'époque comme éphémères et condamnés à l'oubli. En 1947, la rencontre de Moses Asch, le patron du label Folkways Records, concrétise le projet de Smith de publier ces titres enregistrés entre les années 1927 et 1932. Ces deux dates ne sont pas le résultat du hasard. En 1927, l'enregistrement électronique rend possible la reproduction d'une musique précise ; et 1932 correspond à l'arrêt des ventes de musique folk - populaire - due à la Grande Dépression. Cependant, les deux hommes ne disposent pas de toutes les licences nécessaires afin d'officialiser l'anthologie. Techniquement, c'est donc sous la forme d'un bootleg de grande envergure qu'elle circulera pendant 50 ans jusqu'à l'obtention de la totalité des licences, en 1997, à l'occasion de sa réédition par la maison Smithsonian Folkways.
Anthology of American Folk Music répond à un cahier des charges quasi universitaire. L'anthologie est ainsi découpée en trois thématiques : les "ballades", la "musique sociale" et enfin les "chansons". Dans ce premier volume, Smith a compilé plusieurs versions américaines des "Child Ballads", cette collection de 305 ballades d'origine anglaise et écossaise, agencées de façon à former une fresque narrative qui évoque les sujets typiques de ce style musical : la romance, les expériences surnaturelles, la morale, le meurtre, les héros populaires… On reconnait donc une fonction essentiellement didactique à ces titres qui illustre la vie quotidienne et paysanne de l'époque. Une manière pour les émigrants de transmettre et de faire perdurer les traditions importées de la vieille Europe.
Le deuxième volume s'attache donc à retranscrire l'importance et la place de la musique en terme de sociabilité. C'est-à-dire des morceaux joués à l'occasion des rassemblements et des fêtes populaires. Le côté narratif et didactique de la folk s'efface au profit de l'instrument, de la danse et de son rôle récréatif. Les mélodies prennent donc une tournure bien plus enjouée que sur le volume précédent. Les titres font référence à la spiritualité et à la liturgie catholique ("Wake Up Jacob" de Prince Albert Hunt's Texas Ramblers, "Little Moses" de la Carter Family, "Judgement" du Rev. J.M. Gates…). Quant au dernier volume, les "chansons", il évoque les thématiques de la vie quotidienne : le travail, le mariage, l'alcool, la prison, la mort… On peut citer à ce titre "Le vieux soulard et sa femme" interprété en français cadien qui relate, comme son nom l'indique... les déboires d'un vieux soulard avec sa femme.
Le deuxième volume s'attache donc à retranscrire l'importance et la place de la musique en terme de sociabilité. C'est-à-dire des morceaux joués à l'occasion des rassemblements et des fêtes populaires. Le côté narratif et didactique de la folk s'efface au profit de l'instrument, de la danse et de son rôle récréatif. Les mélodies prennent donc une tournure bien plus enjouée que sur le volume précédent. Les titres font référence à la spiritualité et à la liturgie catholique ("Wake Up Jacob" de Prince Albert Hunt's Texas Ramblers, "Little Moses" de la Carter Family, "Judgement" du Rev. J.M. Gates…). Quant au dernier volume, les "chansons", il évoque les thématiques de la vie quotidienne : le travail, le mariage, l'alcool, la prison, la mort… On peut citer à ce titre "Le vieux soulard et sa femme" interprété en français cadien qui relate, comme son nom l'indique... les déboires d'un vieux soulard avec sa femme.
L'intérêt de ces trois volumes et de la brochure qui les accompagne dépasse alors les seules motivations musicales. C'est un véritable objet d'art en soi, façonné par un auteur qui a dirigé dans sa totalité la conception artistique de l'anthologie. Smith s'est évertué à rédiger lui-même les notes en les agrémentant d'une méthode inhabituelle de collages fragmentaires. L'illustration principale qui apparait également sur chacun des trois volumes est un gravure de Théodore de Bry que Smith nommera le "Celestial Monochord", en référence à un traité mystique du scientifique et alchimiste Robert Fludd. L'anthologie a enfin contribué à ce que cette musique mais surtout cette culture, largement considérée comme marginale, revienne sur le devant de la scène. Et ce, pour les années encore à venir.
En bref : une œuvre d'art totale et indispensable qui offre une vision aussi large qu’érudite de la musique folk américaine dans cette première moitié du 20e siècle.
Il est à noter qu'un quatrième volume,
"Country Music & Bluegrass", compilée par Smith lui-même, est sortie en 2010 sur le label
Revenant.
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