02 avril 2013

Molly Nilsson - live à l'Institut Suédois de Paris le 19/03/2013


Pour son ouverture, le festival Les Femmes s'en mêlent accueillaient dans le petit auditorium de l'Institut Suédois de Paris Molly Nilsson, berlinoise suédoise dont la discrétion reste inversement proportionnelle à la créativité. Je voue un culte étrange et secret à la pop synthétique lo-fi de Molly Nilsson. Et pourtant (…et pourtant ou... c'est pourquoi ? Entre les deux, l'auteur balance), j'ai toujours eu peur de la voir sur scène. Peur de voir ses petites pièces s'écrouler sur la pauvreté du dispositif physique, peur de voir la magie disparaître derrière l'apparat cheap de ses concerts. Parce que Molly Nilsson a toujours tout fait toute seule, et que la voir en concert, c'est voir une femme appuyer sur un bouton play et chanter par-dessus des morceaux entièrement pré-enregistrés, parfois même jusqu'aux parties vocales.


Mais très vite, ce qui pouvait apparaître comme une supercherie révèle en réalité toute la magie de la musique de Molly Nilsson, tant le dispositif minimaliste participe au final à la théâtralité de la performance. Et le contexte n'est pas étranger à la beauté de la scène. Tout se passera devant de grands rideaux noirs. Et pourtant, c'est sur le côté, par la petite porte fondue dans le décor, que Molly Nilsson, toute vêtue de noir, fait sa timide entrée. Après un court silence, elle se penche au-dessus d'une petite table, elle-même recouverte d'une grande nappe noire, et appuie sur un bouton qui lance les premières notes de la bien nommée "A Song they won't be playing on the radio" (Follow the light, 2010). C'est l'une de ses plus belles chansons, mais aussi celle qui présente l'une des plus longues introductions instrumentales, un beau moyen pour Molly Nilsson de poser dès le début les conditions de la jouissance du spectacle proposé.

En effet, que faire lorsqu'il n'y a pas de ligne de chant à interpréter, qu'il n'y a qu'à laisser les synthétiseurs virtuels se donner la réplique ? La chanteuse répond par l'attitude : à peine quelques pas de danse esquissés, les yeux baissés. Mais du reste, rien. Et le spectateur, d'emblée ému par le courage de la jeune chanteuse solitaire, ne peut qu'accepter la particularité formelle de la performance qui suit. Là où d'autres préfèrent faire semblant de jouer quelques notes de clavier, Molly Nilsson choisit d'être honnête dans sa démarche, et laisser la musique apparaître dans toute son immatérialité.

Par la suite, Molly Nilsson, entre deux interventions pince-sans-rire, interprétera principalement des extraits de son quatrième et dernier album History, sorti en décembre 2011, un disque où les amples ambitions se heurtent aux moyens limités, où la vision cosmique des grandes thématiques de l'Histoire récente se concentre à travers le prisme déformant des lentilles fendillées d'instruments de mesure cassés. Ces instruments, claviers mécaniques détraqués, sont invisibles. Ils sont tous contenus dans la boîte magique de la sombre diva. Ils donnent cependant l'illusion de jouer en coulisse, quelque part derrière ces grands rideaux noirs. C'est avec ce troublant jeu d’illusions que Molly Nilsson, dans ces moments d'attente, où, seule et muette, elle danse timidement derrière son micro, donne corps au pouvoir magique de sa musique, qui, en dépit de son intangibilité évidente, parvient à toucher son auditeur de manière puissante et profonde. L'illusion, le théâtre, la sombre chanteuse et les projecteurs aux couleurs primaires : l'analogie saute aux yeux. Nous voici plongés dans la célèbre scène du Silencio de Mulholland Drive. Ici, cependant, les sièges resteront immobiles. Mais nous n'en ressortirons pas moins secoués.

Crédit photo : Vinciane Verguethen pour Les Femmes s'en mêlent

1 Comment:

Anonyme said...

Pas d'enregistrement vidéo ?! La description donne sacrément envie. Bonne publication mais frustrante !