28 octobre 2013

The Velvet Underground - s/t (1969)

     Sa greffe de foie a donc eu raison de monsieur Lewis Allan Reed. Avant-gardiste chez Warhol, junk balançant des cigarettes allumées à son public, maqué au travesti Rachel, puis rangé des voitures et macrobiotique, avant un ultime soubresaut en associé de Metallica (!), cet homme a eu plusieurs vies.

Mais même si sa carrière en solo est plus que digne et recèle des chefs-d'oeuvre, on est en droit de lui préférer celle de son acolyte John Cale,ou bien son legs souverain au sein de son légendaire groupe.

Tiens, John Cale puisqu'on en parle.... il est absent ici, de ce troisième et éponyme LP du Velvet qui est  aussi, et de loin son meilleur.

Sur la pochette, il n'est déjà plus trop  question d'avant-garde ou de défonce telles qu'expérimentées lors des années Factory. Lou Reed arbore un col pelle à tarte et ses premières bouclettes, Sterling Morrison une moustache renfrognée, Moe Tucker sur le divan a du mal à dissimuler les affres d'une grossesse à venir qui la tiendra éloignée de la majeure partie des sessions de Loaded (70), l'album testament du groupe, le dernier avec Lou Reed. Du coup, Doug Yule le petit  dernier et remplaçant de John Cale, surveille ses nouveaux compagnons de jeu en se demandant s'il n'est pas échoué chez Fleetwood Mac, le glamour en moins.

C'est justement Doug Yule et sa voix de séraphin qui montre la voie en interprétant l'hymne au transsexuel Candy Darling ("Candy Says"), première d'une série imparable, il y aura "Caroline...", "Stéphanie... (en fait double déclinaison d'une même chanson), puis "Lisa Says". Le style apaisé et très mélodique de ce magnifique premier morceau tranche avec les aspérités et l'option bruitiste des deux premiers albums, d'où l'on ne voit guère que "Sunday Morning" et "There She Goes Again" qui soient dignes de partager l'écrin sonore de The Velvet Underground.

S'ensuit "What Goes On", probablement l'un des plus belles chansons de tous les temps, à la suite de 4 accords particulièrement pillés, réhaussée d'un harmonium discret, et aux lyrics envoyés par un Lou rageur. Où l'on retrouve l'option production sourde, avec guitares martelées en avant.

"Some Kinda Love" est une énième ballade épurée, presque joviale qui amène la dramatique de l'un des plus beaux textes reediens, ("Pale Blue Eyes")  et ci-devant une chanson d'amour princière ; qu'on en juge à l'aspect irréellement poétique de ces paroles "If I could make the world as pure / And strange as what I see / I'd put you in a mirror / I'd put in front of me / I'd put in front of me / Linger on your pale blue eyes." Tout ou partie de l'art des géniaux Yo La Tengo reposerait des années après sur cette classieuse ballade. "Jesus" clôture la face A de choeurs angéliques et magnifiques qui trouveraient leur place sur le meilleur Simon and Garfunkel.

Puis le groupe s'énerve à nouveau à travers "Beginning To See The Light" et son faux finale ; on sent le groupe plus soudé que jamais sur ce titre qui narre d'un ton enjoué la lose et pose la question de savoir quel effet ça fait d'être aimé. Toujours centrées sur la première personne, la sourde "I'm Set Free" (ce son de cymbales feutrées, leur marque de fabrique !) et le badin "That's The Story of My Life", superbes compositions donnant comme toute mélodie "évidente" une impression de facilité qui bien sûr n'est qu'un leurre. Enfin, vient ce curieux "The Murder Mystery" et ses menaçantes suites de notes inversées à la guitare et à l'orgue, où s'opposent la voix trafiquée de Lou et celle enfantine de Moe, dans un registre psalmodié/parlé qui n'est pas sans rappeler "The Gift", inusable incantation de John Cale sur White Light/White Heat. Enfin, respiration finale (qui manquait cruellement aux albums précédents qui jouait sur des stridences hypnotiques un peu gonflantes) ce primesautier "After Hours" chanté faux comme on aime par une Moe Tucker aux accents de petite fille - tout l'art vocal de Giorgia Hubley, super leader batteuse des non moins super Yo la Tengo reposerait etc....etc....      

L'évocation du seul groupe d'Hoboken (New Jersey) ne doit évidemment pas occulter l'immense influence du Velvet sur tout un pan de la new wave et de la pop folk indé anglo-américaine.  Et ce disque  génial mérite à coup sûr d'être emporté parmi les quelques privilégiés sur la proverbiale île déserte de nos traumas adolescents.

En 1985, l'impensable se produirait lorsque sortirait des cartons de MGM (le label de The Velvet Underground ) l'intégralité d'un album (V.U) enregistré aussi en 1969 où abondaient les chefs d'oeuvre dont nombre seraient repris - en moins bien - par Lou Reed sur ses premiers albums solo ("I Can't Stand It", "Lisa Says", "Ocean", "Andy's Chest" ). Ce disque, il convient de l'avoir aussi dans sa discothèque, pour percer l'art sans nul autre pareil des ballades brumeuses et cafardeuses de Lou Reed.


En bref : le premier et unique album du Velvet chez MGM est une oeuvre fondatrice qui réussit l'exploit de reléguer assez loin derrière les deux premiers opus avec John Cale. L'un des 10 plus grands LP's américains ? On a notre petite idée...





"What Goes On" (l'une des plus grandes chansons de tous les temps) :




"Pale Blue Eyes" (what else ?) :


7 Comments:

Ju said...

L'un des 10 meilleurs LP américains ? Me hasarderais-je à te demander les 9 autres ?
Bises

Nickx said...

A peu près que des choses chroniquées ici :

Younger than Yesterday - The Byrds

Radio City - Big Star

Surf's Up - The Beach Boys

Spirit - 12 Dreams of Doctor Sardonicus

Bryter Layter - Nick Drake

et plus près de nous :

Lifted or Rge Story is in the Soil - Keep Your Ear to the Ground - Bright Eyes

Come feel the Ilinoise - Sufjan Stevens

Liars - Drum's Not Dead

Animal Collective - Merryweather Post Pavillion


Tu remarqueras que je me suis compliqué la tâche dans ce très objectif exercice qui consiste à mélanger oldies et oeuvres récentes, ce qui pèle-mèle m'a fait mettre de côté des choses aussi essentielles que Dylan, White Tripes, New York Roll Ensemble, New York Dolls, Ramones, Elliott Smith, Fiery Furnaces, TV on the Radio, Isaac Eyes, Marvin Gaye, Al Green, Curtis Mayfiel, James Brown, et toute la soul en général !

Et heureusement que stricto sensu, The Band et Neil Young ne sont pas américains mais canadiens !

Mais pour en revenir au sujet qui nous préoccupe, ce 3ème Velvet est vraiment digne de figurer au panthéon des plus grands disques US....des 60's, si tu veux !

Nickx said...

Il fallait lire subjectif, bien entendu et "...the story " au lieu de "...rge story..", bien entendu !:::)))

Nickx said...

Oups, je m'aperçois que j'ai oublié mes Beck, Mercury Rev, Sparklehorse et mon Ty Segall :

Alors reprenons, ce coup-ci, qu'avec des albums des 6O's.

Aux 6 déjà mentionnés, rajoutons Nashville Skyline de Dylan, Roll Over de New York Roll Ensemble, Trouble Man de Marvin Gaye ainsi que Hot Buttered Soul de Isaac Hayes.

Voila, j'arrête là.

Ju said...

Je me doutais que ce commentaire te ferait tourner la tête !

Par contre c'est moi ou Nick Drake est Anglais ? Que fait-il dans les 10 meilleurs LPs américains ?

Nickx said...

C'est pas toi ; un moment d'égarement !

Allez, on rajoute Blonde on Blonde ; c'est pour moi ! :)

Nickx said...

Bon, mon Top Ten des late sixties/early seventies ; pour rappel

Velvet Underground, Byrds, Big Star, Beach Boys, Marvin Gaye, Isaac Hayes, New York Roll Ensemble, Spirit et Dylan X 2,

ça vous convient ou pas ?

(je sais que n'y figurent pas Simon & Garfunkel, Mamas and Papas et Electric Prunes et vous ne pouvez pas savoir comme je m'en veux !)

Venez m'insulter, j'aime ça.....