Je n’avais jamais entendu parler de Gigi Masin il y a encore six mois. C’est au jeune label Music From Memory que je dois cette découverte, grâce à sa salutaire initiative de compiler, pour sa deuxième sortie, le meilleur du compositeur italien sur deux vinyles. Les morceaux réunis ici couvrent une période de 25 ans, entre 1985 et 2010. La moitié d’entre eux sont inédits, les autres sont sortis sur divers albums, compilations et B.O. de films. Relativement méconnu, Gigi Masin évoluait dans le microscopique underground vénitien dans les années 80 et produisait des œuvres au croisement de l’ambient, du new age et de la musique contemporaine. Ignorés pendant longtemps, ses albums, en particulier Wind, ont été redécouverts ces dernières années, samplés par des dizaines d’artistes, de Björk à To Rococo Rot en passant par le beatmaker japonais Nujabes.
Si l’on peut y entendre du Brian Eno, du Philip Glass ou du Vangelis, Talk To The Sea offre surtout un condensé d’un musicien au style unique, extrêmement délicat et méditatif sans sombrer dans le décoratif. Les 17 morceaux témoignent d’un désir profond de capturer des images et des sensations douces et nostalgiques, comme une légère brise marine caressant un visage. Ses deux premiers albums s’intitulent d’ailleurs Wind et Wind Collector. Mais attention, on n’est pas ici dans une compile Nature & Découvertes. Le design sonore est majestueux, les compositions complexes, bien que souvent minimalistes.
Pianos arrangés, drones, field recordings, cloches et vibraphone se mêlent à des nappes de synthé aquatiques et à quelques accords de guitare épars. Il y a parfois un semblant de beat, comme sur "Fata Morgana", qui sonne comme du pré-Burial, ou sur le très Boards Of Canada "The Nylon Dollar". Mais on est globalement dans un magma ambiant assez fascinant et parfois très avant-gardiste. Une pièce comme "Music For Chameleons" (1985), avec son solo de guitare cosmique, fait penser à pas mal de groupes psyché/kraut récents, à commencer par Emeralds. Le choix du titre d’ouverture est discutable puisque c’est l'un des rares morceaux chantés du disque. Malgré son petit côté Phil Collins, "Call Me" s’avère finalement aussi attachante que le reste, après quelques écoutes.
Après l’excellent LP synth-funk de Leon Lowman, et avant la bombe disco El Sur du guitariste majorquin Joan Bibiloni sortie il y a quelques semaines, Music From Memory a frappé un grand coup avec ce Talk To The Sea absolument sublime. J’attends maintenant avec impatience chaque sortie de ce très prometteur label hollandais. Quant à Gigi Masin, sa carrière prend une nouvelle tournure. Sorti de l’anonymat, il recommence à jouer live et on lui commande des remixes. Celui du "Falling Leaves" de Sven Weisemann est par exemple très recommandable.
En bref : sublime rétrospective d’un compositeur italien méconnu, auteur d’indispensables œuvres ambient empreintes d’une douce nostalgie.
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