27 octobre 2014

Curved Air - Airconditioning (1970)

Le bel objet que voilà :  LE premier picture disc de l'histoire de la pop music - pas de l'histoire du microsillon hein, puisque dès les années 40, on pouvait découvrir des compiles qui étaient affublées de vinyle coloré. Bien, parlons musique à présent.
 
Ce groupe sera le parfait cauchemar de tout jeune amateur de musique pop intègre. Pourquoi un cauchemar ? Eh bien, parce que de la même façon qu'on ne se droitise qu'en vieillissant, il est souvent inenvisageable de s'adonner aux plaisirs infects de la musique progressive pour qui n'a pas atteint disons la trentaine voire la quarantaine - encore que Radiohead récemment ait beaucoup œuvré pour phagocyter et (au passage) détourner et rendre populaire cette terminologie affreuse qu'est le prog-rock.
 
Surtout lorsque cette musique déjà dépositaire des groupes les plus ...embarrassants de l'histoire de la musique célébrant le solo virtuose et répétitif, les plages de démo instrumentale réparties sur autant de faces indigestes que le permettent les double ou triples albums de rigueur, se pique de remplacer les soli d'orgue et de guitare par des démonstrations de............ violon, plus particulièrement à la gloire du "prêtre roux" (c'était son surnom), dont l'œuvre est prétexte à moult titres à sa gloire ("Vivaldi", "Vivaldi with Cannons", "Ultra-Vivaldi" sur l'album Phantasmagoria).
 
Le malade mental responsable de cet habillage peu rock'n'roll si l'on excepte l'alto électrique de John Cale au sein du Velvet et les premiers efforts d'Angelo Branduardi, se nommait Darryl Way, et avec son acolyte le guitariste et multi-instrumentiste Francis Monkman, était le principal pourvoyeur de chansons au sein du quintette né des plus belles années communautaires, et les vocaux étaient tenus par la belle et douce Sonja Kristina (future épouse de Steward Copeland au passage) ; les disques, fait remarquable pour l'époque, loin d'être bavards, dépassaient à peine les 40".
 
S'il fallait décrire ce curieux aréopage de hippies furieux UK, on pourrait citer Jefferson Airplane en moins psychédéliques (et même moins étirés), et tous les groupes folk formidables de la perfide Albion, qui de Fairport Convention à Steeleye Span en passant par Trees, Tudor Lodge ou Pentangle, étaient tous emmenés par de chevrotantes et rouées chanteuses.
 
Curved Air, et c'est bien, n'oublia pas d'être électrique sur ses quatre premiers albums, et tout en incluant ainsi la jam propre au cahier des charges de l'époque ("Propositions"), savait se montrer suprêmement doué pour les hymnes roboratifs et couillus ("It Happened Today", "Stretch", "Screw" et surtout sur cet incroyable morceau - probablement l'un des tous meilleurs de l'époque -  le fascinant "Hide and Seek", cauchemardesque (encore) histoire de cache-cache improbable avec personne à retrouver dans l'obscurité naissante : observer la structure, la manière dont sont utilisés tour à tour piano et guitare sur ce morceau demeure encore un sujet d'émerveillement quelque quarante années plus tard.
 
C'est sans doute pour cela que l'on préfèrera Airconditioning à Second Album (1971), Phantasmagoria (1972)  ou bien Air Cut (1973) qui pourtant chacun, contiennent leur lot de perles. Et le violon dans tout ça ? Etonnamment discret et bizarrement pas plus écoeurant que les habituels longs soli d'orgue baveux, il est surtout bien produit............. tout comme il peut éclater en jets pyrotechniques sur les morceaux dédiés à la gloire de Vivaldi, parfois parsemés d'effets électroniques et qui c'est cocasse évoquent éventuellement les Concertos Brandebourgeois de Bach, incontournable influence de bien de choses qui comptent en pop music.
 
Dont fait sans problème partie Curved Air ; ses méthodes de composition, les effets de manche apparents étant inversement proportionnels au pédantisme ambiant de la musique progressive (quel vilain mot) d'alors - albums courts, chansons pop, esthétisme de bon aloi. Un grand groupe à (re)découvrir.

En bref : pour que prog et rock associés ne soient plus forcément un gros mot, trions le bon grain de l'ivraie et laissons nous aller à l'écoute nouvelle des pionniers méconnus de Curved Air, en attendant avec sérénité le tome 3 d'Assayas !




"Hide and Seek" :



"Propositions" en live :

5 Comments:

Anonyme said...

super album mais je trouve la chronique super dure envers le prog qui a quand même apporté de sacré albums et a inspiré pas mal de gens (buggin des flaming lips sur the soft bulletin c'est du jeu façon steve howe de yes, et zaireeka si c'est pas du prog mon cul c'est du poulet). Faut être un(e) rustre punkoïd ou être inculte pour ne pas avoir aussi peu d'estime pour le prog et son influence sur la pop music.

Ju said...

Ne connais pas bien Curved Air, vais aller voir ça !

Au passage, petit lien pour débattre autour du mot prog avec les Flaming Lips :
https://www.youtube.com/watch?v=2RKZpwaMdRc

Bises

Nickx said...

@Anonyme
Dommage que tu n'aies pas saisi l'humour de ma chronique qui se voulait en fait une réhabilitation du prog (et avant tout la réhabilitation de ce groupe que je trouve exceptionnel qu'est Curved Air).

Je fais pourtant une petite digression en parlant de l'âge requis qu'il faut pour aimer le prog (on pourrait en dire autant du jazz même si c'est un cliché je sais) tout comme pour se mettre à voter à droite, quand on a été très jeune au moment de l'émergence du prog et/ou de l'émergence de la gauche.

Et si tu n'es pas trop découragé devant mon inculture, je te conseille de parcourir ce blog et d'y relire les chroniques que moi ou d'autres avons laissé ; tu verras que je n'ai rien d'un punk à chien !

Et que Caravan et l'école de Canterbury en général, Procol Harum que je vénère, Magma et tant d'autres figurent en bonne place.
Je me suis même mis il y a un certain temps déjà à Rush !

Vois pas trop en revanche ce que The Soft Bulletin a de prog et les Flaming lips en général on de prog, tout au plus peut-on les qualifier de psychédéliques, mais je connais un membre éminent de DODB qui ne va pas tarder à donner son avis là-dessus:))

Pour moi le rock psyché, c'est quelque chose qui part dans tous les sens, mais qui fait surtout dans la démesure dans les effets et le traitement sonore, tout en gardant des structures de chansons assez classiques, voire parfois simplistes.

Exemple le premier Pink Floys de Syd Barett.

Tandis que le prog fait lui dans la surenchère instrumenale et virtuose, et use de constructions de morceaux plus alambiquées, avec souvent des suites par exemple.

Las, je ne vais pas te faire un cours, je sens que tu maîtrises la chose bien mieux que moi, et j'attends d'ailleurs humblement tes conseils quand aux choses qui ne sont pas chroniquées ici.

En revanche là où tu ne m'auras pas, c'est sur Yes et Genesis ; et c'est pourtant pas faute d'avoir fait des efforts.

Dernièrement, un ami pourtant pas très prog m'avait chaudement recommandé Fragile, et je n'ai pas tenu plus d'une demi-heure, c'est-à-dire la durée d'intro d'un morceau.

Ju said...

Ahah je savais que Nickx irait de sa petite réponse à Anonyme !

Oui en effet je ne vois pas trop ce que The Soft Bulletin a de Prog, Zaireeka à la rigueur..

Mais justement la vidéo que j'ai posté en commentaire donne l'avais des Lips là-dessus. Elle a été faite au moment de la sortie de Electric Wurms, leur side project (chronique bientôt), qui n'a pas grand chose de prog non plus au final, mais c'est une autre histoire.

Sinon pour apporter une pierre à l'édifice je me dois de préciser qu'ici (à Montréal), les disquaires ont bien souvent un rayon "Psych/prog". Comme quoi il doit bien y avoir une corrélation entre les deux genres, tout au moins une esthétique commune (dans les pochettes tout au moins).

Bisous

Nickx said...

Tu t'es régalé à modérer là mon cochon ?

Ah mais tout ça dit sans aigreur !

Je suis ravi qu'Anonyme (putain, les gars...trouvez-vous un pseudo !) kiffe ce disque !

L'important, comme tout ce qu'on chronique, c'est de faire partager au plus grand nombre ce qu'ils ont raté.

Nous-même à qui cela arrive tous les jours (de faire des impasses) savons de quoi il retourne.