02 avril 2015

Angelo Badalamenti - Fire Walk With Me (1992)

Alors qu'on annonce une suite "twenty years after" à la saison 2 de la série Twin Peaks (ne nous emballons pas trop vite puisque Lynch vient d'annoncer qu'une histoire de contrats avec les acteurs compromettrait la chose), le mélomane frétille : que nous prépare le génial Badalamenti pour cette suite ? Histoire de patienter, on peut se replonger dans cette BO sortie en 1992 et qui atteint des sommets. La vie à Twin Peaks après le meurtre de Laura Palmer est passablement inquiétante, mais cette plongée dans les bas fonds de la pauvre âme défunte va encore plus loin : faux semblants, confusion mentale, perdition, dépravation, folie, énigme du mal, tout ça est magnifiquement rendu par une musique qui ne ressemble à aucune autre, où alternent et parfois se mélangent musique d'ascenseur, guimauve kitschissime, soul hallucinée, smooth jazz magistral, swamp blues et poussées de fièvre hardcore et bruitiste. Avec Badalamenti, Lynch a trouvé son Morricone : un compositeur doué et un amoureux des sons, des textures et des timbres (ah! les guitares morriconiennes, un son d'enfer !).


Le morceau titre commence sur un tempo très lent par un improbable duo entre un synthé plombé et une trompette bouchée, dialoguant sur un champ de ruines : tout est foutu, alea jacta est, la petite Laura Palmer n'ira pas bien loin sur la route de l'épanouissement personnel. Parti pris de la simplicité extrême, le synthé pachydermique progresse sur une grille très basique, tandis que la trompette, doucement portée par le legato des cymbales,  joue à la perfection des nuances piano/forte, sur une mélodie entièrement composée en mode mineur naturel. Et puis sans prévenir, une blue note, celle qui vous déchire le coeur, parce qu'elle arrive au bon moment, tandis qu'une basse introduit un peu de swing dans toute cette désolation.

Autre sommet émotionnel : "Sycomore Trees". Attention Badalamenti nous la joue All Stars : Jimmy Scott au chant, et Ron Carter à la basse ! Un bourdon, deux notes de piano lancinantes, et la voix transgenre de "Little Jimmy" Scott ( trés lynchien en doublon du fameux nain qui hante les rêves de l'agent Cooper), qui chante une promenade et une possible rencontre "Under The Sycomore Trees". Tandis que Ron Carter à la contrebasse joue très libre, hors tempo, une musique intérieure, qui rappelle les grands moments de la "Freedom Controllated" du deuxième quintet de Miles Davis. Musique très dépouillée, d'une densité extraordinaire, pour l'ultime rencontre entre Dale Cooper et Laura Palmer, dans le monde parallèle de la Black Lodge.

En Bref : une BO fascinante par sa capacité à coller aux images de Lynch, à tromper l'oreille en proposant une musique d'ascenseur hautement raffinée et exigeante. Histoire de patienter...









Et pour le plaisir, la reprise de "Fire walk with me" par Fantomas : Mike Patton en Julie Cruise de la trompette bouchée, ce bon Buzz à la guitare, et Monsieur Terry Bozzio au centre d'un drum kit monstrueux , "a little cute drummer", dirait un grand génie moustachu... :


2 Comments:

Nickx said...

Pas forcément favorable à un sequel, vu que j'ai longtemps considéré le film supérieur à la série, normal vu qu'il n'était consacré qu'à la première saison, l'histoire de Laura Palmer.

La deuxième m'a fait un peu chier !

Mais pour le reste, l'impeccable Kyle MacLachlan, tous ces géniaux seconds rôles, cette musique si kitsch et si roots à fois, ce générique tellement daté qu'on croirait voir un épisode de Dallas, la sculpturale et excellente Sheryl Lee qui est au cinéma ce que Debbie Harry est à la musique, la très perchée femme à la bûche, tout ça ......

c'est effectivement un grand souvenir, avec tous ces faux semblants, ces images cauchemardesques de l'inconscient qui portaient déjà les germes de Lost Highway et Mullholand Dr, rhaaaaah !

Ju said...

Super série (surtout la saison 1 en effet), super film, et superbe musique !

Un peu sceptique quant à un reboot effectivement..

Merci HIPHOP !