Dire que ce 3ème opus de la bande australienne la plus en vue du moment était attendu, appartient au doux monde de l'euphémisme. C'est ainsi plus de trois ans après la révolution Lonerism, et devant la densification du contingent de groupes estampillés "psyché" que Tame Impala tente une mue esthétique en glissant vers le monde sécurisé d'une pop chargée en glucose. Un bonbon qui colle aux dents avec les plaisirs et douleurs que cela peut entrainer.
Autant le dire d'emblée, il ne reste dans ce Currents que quelques fragments de la matière instrumentale utilisée jusqu'alors par les australiens sur leurs premières oeuvres, Innerspeaker en tête. Comme une tendance coriace dans le paysage pop actuel, les synthétiseurs prennent ici le pouvoir, affirmant leurs mains mises sur des mesures, qui à défaut de faire tournoyer les sens en jouant le jeu de la gamme, préfèrent endolorir l'esprit de nappes synthétiques profondes et cotonneuses. On est de fait loin de renouer avec les mouvements sinueux imprimés au firmament sur des morceaux tel qu'"Endors-Toi" ou "Music Walk To Home By", démontrant à cette période tout l'avant-gardisme de Kevin Parker, oscilloscope à l'appui. Bien que ce nouvel album sonne d'une manière nouvelle, et c'est là sa plus grande réussite, les idées de l'insaisissable impala semblent s'asphyxier dans une chambre d'échos chargée en nostalgie. Si ce cadre entoure de manière cohérente les morceaux lascifs dépeignants les ressentis romantico- existentiels de son auteur, le tout manque d'air, d'espace, d'évasion.
Et la voix tournant relativement trop à l'aiguë du maintenant mature Kevin Parker sur "Past Life", "Yes I'm Changing", "Cause I'm a Man" n'y est pas étrangère. On avait pu observer ses accointances avec les vocalises du chanteur polychrome qu'incarnait en son temps Michaël Jackson, voir la reprise de ce dernier "Stranger In Moscow" et son duo avec Mark Ronson "Daffoldis", pour s'en convaincre. Et ce qui fut alors un renseignement sur le devenir possible de Tame Impala atteint désormais une entière confirmation de ce qui était pressenti, à savoir la définition d'une musique au schéma strictement pop, que certains écarts, soniquement aventureux, réussissent à peine à ébranler. En résulte le constat amer que les seuls titres véritablement emballants du disque sont au final les plus courts, "Gossip", "Diciples" et le fabuleux "Nangs" dont la progression écrasée sous une réverbération aplatissante constitue l'un des seuls moments d'évasion du disque. Au-delà, des pistes comme "The Moment" et encore "Reality In Motion" parviennent timidement à renouer avec cette progression touchant du doigt les cieux, créant sur de fugaces élans, ces moments d'ivresse que l'on aurait souhaiter plus nombreux. Le reste du disque tire vers l'anecdotique, le passable, et pire l'ennui, la faute à une audace en berne, qui pourtant était l'une des marques de fabrique des australiens.
L'étape du troisième disque n'est jamais une chose aisée et si Currents blesse le coeur par son manque de consistance, inéluctablement relié à des souvenirs musicaux d'une autre ampleur, sa chair nouvelle excuse un tant soit peu la délicate mièvrerie qui le compose, déliquescente et collante, quoiqu'on en dise. Passé cette humeur lascive, il n'est pas sûr que l'écho de ce nouveau Tame Impala puisse résonner plus loin que la caisse de résonance dont il est issu. Il reste à espérer que la bande de Perth se rappelle à la réalité de son animal totémique, plus à l'aise dans les grands espaces que coincé entre quatre murs.
En Bref : Currents est un disque certainement charnière dans l'évolution de Tame Impala en raison de la transformation artistique qu'il engage. Passé cet effet de surprise, le manque d'ambition et le minimalisme de mauvais envergure font de ce disque un objet bancal, qui on l'espère servira de bascule vers un ailleurs plus inspiré...
"Nangs"
3 Comments:
Je te rejoins plutôt.
Outre que -jetons un pavé dans la mare- Lonerism ou Innerpeaker ne dégageaient déjà à mon goût rien qui puisse s'apparenter à une révolution musicale
(tout au plus des disques de slacker enregistrés seul chez lui sur son PC, avec un manque de chaleur évident dans le son, qu'aurait pu leur conférer l'implication d'un véritable groupe), ce disque nullissime, bien qu'attendu comme "the next big thing" par une presse de moins en moins aventureuse - hier c'était les MGMT, aujourd'hui c'est Kevin Parker et tous ses avatars, les Jacco et autres- qu'en restera-t-il dans .... mois ?
J'ose la grande question suivante : et si à sa manière - bien que le garçon n'ait sans doute rien demandé - : et si Tame Impala était la nouvelle imposture du rock ?
Rien à foutre en tout cas de ces voix impavides qui se ressemblent toutes, on veut du charisme, du maniérisme, bref autre chose que la voix d'un énième Lennon du pauvre....
L'histoire jugera......en attendant, la pochette de ce nouvel opus est absolument odieuse !
Sachons néanmoins rendre grâce à Bouddha d'avoir usé de la nuance nécessaire et qui me fait grandement défaut (mais que j'assume) pour essayer d'extraire sa substantifique moelle à ce.....brouet.
Moi aussi je suis d'accord avec vous 2, surtout quand je lis partout que cet album est un chef d'oeuvre....Du coup, je me sens moins seul ;o)
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