07 mars 2016

Mick Abrahams Band - At Last (1972)

Au départ, l'affaire paraît mal engagée. Il y a bien sûr cette pochette magnifique, ronde comme le premier Curved Air, dépliable comme le Odgen's Nut Gone Flake des Small Faces dont le visuel est assez proche. Et on imagine déjà se perdre dans son contenu un peu comme on le ferait dans un vieux Hawkwind des familles.

Que nenni, ici le contenu est diamétralement différent, et très basiquement éloigné de tout idée de concept-album ou de planerie éventuelle. Même si ces genres ne sont évidemment pas une fin en soi, aurait-on a ici affaire à une énième déclinaison rock de bûcherons 70's, aux visages massifs et aux moustaches qui ne dépareraient pas les albums Panini de nos tendres années ? Une pop maousse bêtement bluesy sur quelques titres, et pop épique sur les autres ? Non, car cet objet est de fait le premier et unique album de ce qui n'est pas tout à fait un supergroupe tel que pouvaient les engendrer la décennie chérie.


Car en fait de gros poisson, il n'y a que Mick Abrahams, bretteur et co-fondateur de Jethro Tull avec Ian Anderson, qui lassé des aspirations artistiques du farfadet unijambiste, et sans doute désireux d'apparaître un peu plus dans la mire, décide de quitter le groupe après There Was (68), d'obédience plus bluesy que ses successeurs, pour voler de ses propres ailes. Sur la pochette d'icelle il est le bûcheron effrayant au centre.

L'homme crée tout d'abord toutes voiles boogie-blues déployées Blodwyn Pig, qui enregistre deux albums. Puis avec quasi le même personnel, s'arroge la légitimité d'enregistrer sous son seul nom et sort un album éponyme (71) dont au moins un titre ("Awake") est grandiose. Sans doute l'ego insuffisamment rassasié, son quartette devient quintette, non sans que Abrahams ait consenti à lui accoler le nom "Band" ; on voit ainsi mieux qui est le boss.

C'est donc un vrai faux premier album qui  nous occupe ici, si l'on tient compte du line-up ; mais aussi que sur les deux déclinaisons, ils sont deux à se partager le chant et la composition, Abrahams, majoritairement et son compère guitariste et organiste Bob Sargeant. Qu'est-ce qui fait donc que ce combo oublié mériterait d'être exhumé dans la rubrique rock lourd seventies, chère à l'excellent Jonathan Witt (R&F) ?

Eh bien pour une fois, les morceaux sont à la hauteur : il y a la ballade soul très rythmée ("Absent Friends"), ses cuivres majestueux, sa progression ambitieuse, sans que jamais l'esbroufe tant redoutée ne s'en mêle. L'incroyable "Maybe Because" qui préfigure vaguement "Ziggy Stardust" le temps d'un brelan d'accords après l'inévitable intro à la tierce, est une chanson d'anthologie où le chant puissant et testéroné d'Abrahams donne toute sa mesure ! 8' d'un pur régal de jam lors d'un pont affolant, qui le dispute en esprit funky avec un Lafayette Afro Rock Band, c'est dire le niveau de la chose.

At Last ose le gimmick tant risqué mais payant lorsque maîtrisé, de l'album qui monte en puissance. Après les feux d'artifice des deux pièces citées, chacune présente sur une face, une autre ode au rêve hippie disparu qui  ne paye pas de mine au prime abord : "The Good Old Days" évoque le meilleur de Procol Harum. C'est d'ailleurs au niveau du chant qui parfois donne dans la soul aux yeux bleus ("Absent Friends" mais aussi ""Whole Wide World" et "You'll Never Get It From Me") que ce disque impressionne. L'instrumentation monstrueuse notamment ce son de basse à décoiffer un vulgaire mp3, est à l'avenant.

Enfin, nous lancerons avec ce disque une réhabilitation plus générale des grands chanteurs que personne ne connaît, qui tous ont oeuvré dans un registre soul, blues, pop dans des combos marquants : qui peut se targuer de citer en soirée les noms de Jay Ferguson (Spirit), John Drake (The Amboy Dukes), Mickael Kamen (The New York Rock Ensemble), John Kay (Steppenwolf), et même de rendre ses lettres de noblesse à Jack Bruce (Cream) bien sûr le plus connu de tous  ? Liste non exhaustive à laquelle on peut rajouter sans remords Mick Abrahams.


En bref : un tour de force vocal et instrumental qui jamais ne tombe dans la tant redoutée démonstration. Virtuoses mais pas bavards. La fin du rêve hippie encapsulé par de grands oubliés moustachus qui soulent, rockent, rythment et bluesent leur monde. Remarquable.



"Absent Friends"


"Maybe Because"


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06 mars 2016

Tindersticks - Paloma (Nîmes) 05/03/16


Christine Ott avait la lourde tâche d'ouvrir pour Tindersticks ce samedi au Paloma. Ondiste de son état, son instrument ce sont donc les mythiques Ondes Martenot, création de Maurice Martenot, qui furent à la création française ce que le Theremine fut pour les russes. Sorte de synthétiseur à étages doté d'un oscillateur, on peut l'entendre outre chez les pionniers de musique concrète comme Pierre Henry, lors de l'ascension de la tour de Lord Mc Crashley par Fandor dans Fantomas ou bien en intro du "Broken Train" de Beck (Midnight Vultures)... exemples parmi tant d'autres.


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