14 avril 2016

Field Music - Commontime (2016)

Pour les retardataires - mais leur rayonnement demeure très insulaire - les deux frangins du Wear Peter et David Brewis usinent une discographie sans faille dès le début des années 2000. 
Ceci est leur 5ème album, si l'on ne tient pas compte de la compilation excitante de B-sides des débuts (Write..) ni de Field Music Play.... (leur album de reprises), ou bien de la bande-son Music For Drifters de 2015.

Plus rien néanmoins depuis le Plumb de 2012, une éternité donc qui avait vu les deux frères pérenniser des projets parallèles (School Of Language pour David, The Week That Was pour Peter), et un break salutaire nourrir leur nouvelle oeuvre d'expériences domestiques telles le couple, la paternité.

A dire la vérité, ça n'est pas tant pour cette mise en abyme réitérée du moi amoureux que l'on s'entiche tant de la musique de ces deux oiseaux-là. Commontime, et par delà ses prédécesseurs, renvoie à tout un inconscient rêvé de musique anglo-saxonne et à cette post-punk tant vénérée et fêtée dans nos contrées. Si l'on ne s'étonnera pas de distinguer ici ou là tel emprunt à The Knack ("Same Name") tellement empreint  de ces influences new-wave new yorkaise et anglaise - on devine Peter et David férus de Talking Heads - on est frappés de la manière dont tout ceci est à présent digéré dans un univers du tout possible, où le funk robotique de XTC ou de Devo règnerait en maître ("I'm Glad").

Ici à nouveau, un double album à la durée décente (une heure), qui reprend les choses là où (Measure) les avait laissées. Mais la nouveauté, c'est que la recette parfois éprouvée dans le passé, fonctionne à merveille lors de ce chapitre, dont on ne saurait détacher tel titre plus qu'un autre. Tout juste note t-on une entame des plus accortes "The Noisy Days Are Over", et sa rythmique bien évidemment syncopée qui a le bon goût d'intégrer un final à renfort de saxophone dissonant du plus bel effet, que n'aurait pas renié un Prince à son plus jazzy - le Maître ayant d'ailleurs dans un Tweet célèbre adoubé le morceau.

On fera fi des voix blanches impersonnelles de Peter et David, qui évoqueront ici où là tel Win Butler (Arcade Fire) ou Joseph Mount (Metronomy) voire Kevin Barnes (Of Montreal) pour s'attarder davantage sur la musicalité et l'audace du duo qui n'a pas son pareil pour torcher des morceaux à l'apparente immédiateté mélodique, mais qui néanmoins reposent sur de sacrés changements d'accords, de ruptures harmoniques. ("Indeed It Is", et son piano typiquement percussif, "How Should I Know If You've Changed", "That's Close Enough For Now", et ses inénarrables  bruits de bouche et talk-box signés Peter.

La production dépouillée sait aussi à l'occasion inclure cordes et anches du plus bel effet : la très tendre "The Morning Is Waiting", "It's A Good Thing" ou  bien "They Want You To Remember." au violoncelle enchanteur.

Mais Field Music sait aussi jouer la jouer plus catchy ; dans cet exercice, outre "The Noisy Days...", on les retrouve très convaincants dans "But Not For You", "It's A Good Thing", l'épiphanie "Stay Awake" et ce très curieux "Trouble At The Lights" qui rappelle un peu l'esprit aventureux du Knack, et qui est un peu à la discographie de Field Music ce que "Africa" fut aux new-yorkais d'hier, en terme de rupture thématique d'album (Round Trip - 1981).

Une collection d'influences qui ne doit pas faire fuir le chaland, mais au contraire inciter le curieux avide de nouvelles horizons musicales à découvrir l'un des secrets les mieux gardés de la musique britannique actuelle.

Dont la paire de compositeurs hors pairs qui le compose rappelle encore et toujours les divins Squeeze, probablement l'un des derniers duos d'importance en matière de savoir-faire pop de la perfide Albion.  C'est dire le niveau d'excellence atteint par les frères Brewis.

En bref : le meilleur groupe britannique actuel que personne ne connaît remet ça, et livre ce qui ressemble fort à son meilleur album. Avec de rares mais très pertinents arrangements ici ou là, voila un groupe et un disque qui évoquera Squeeze, autre secret très bien gardé des 80's. Une nouvelle leçon de songwriting classe et définitive.






Le clip de "The Noisy Days Are Over",  ou une hilarante visite guidée de Sunderland  :



"Indeed It Is" :



un lien vers le finale de "Trouble At The Lights

2 Comments:

Unknown said...

une fois de plus, merci pour cette énorme découverte

Phil.

Nickx said...

Ravi de ton commentaire Phil !

Surtout concernant un groupe pour l'instant scandaleusement méconnu.