de gauche à droite ; James Hoare, Daniel Nellis et Max Oscarnold
Courtesy of Sami Mehaddi
Superbe écrin que ce Théâtre Denis toutes places assises, dont on devine qu'avec la Villa Noailles qui surplombe la ville, il s'agit de the place to be pour passer une bonne soirée. Dans ce cadre feutré du festival Faveurs de Printemps se sont tenues quelques jours auparavant les prestations de l'admirable Peter Von Poehl, l'homme qui a plus que donné des idées de songwritting à Jacco Gardner et la revenante folkeuse Vashti Bunyan, pour donner une idée de l'intimisme des lieux.
Rappel des épisodes précédents. Dans une scène pop-folk anglaise que l'on n'a eu de cesse de fustiger (à raison), car on la trouve mollassonne, consensuelle et bêtement suiveuse (voir les endives psyché de Temples qui veulent être MGMT à la place de Tame Impala), mais au sein de laquelle une presse locale et racoleuse a cessé d'exister et donc de nous bombarder des next big things toutes les semaines, la résistance s'organise.
Déjà, l'émergence de Palace nous avait mis la puce à l'oreille sur la foi de deux premiers EP prometteurs. Quelques OVNI pop n'appartenant à aucune chapelle et chouchous de la rédaction commencent à faire parler d'eux (The Field Musicbien sûr, abondamment défendus ici), mais aussi les Ultimate Paintinget autres Veronica Falls)
Tiens, ça tombe bien, on retrouve James Hoare l'un des deux hommes forts du quartette dans ces deux déclinaisons, tandis que son compère Max Oscarnold officie aussi chez les copains psyché de Toy.
Que dire de cette galette qui ne quitte plus guère nos platines ? Qu'elle n'a pas inventé le fil à couper le beurre, qu'il nous est donné ici d'écouter des voix diaphanes sur un tapis de guitares malingres, de frémissements de balais, avec quelques notes de piano ou d'harmonium épars. Bref, qu'il n'est pas question d'avant-garde, de révolution ou de quoi que ce soit d'autre ; seulement de chansons brumeuses qui touchent au coeur.
Sauf qu'ici, le caractère emotional de ces chansons ("Memories", "Just A Dream", "1969", "Bridge By A Tunnel") transpercent l'âme comme, au hasard, des albums d'Elliott Smith, Sparklehorse, Gravenhurst ou Yo La Tengo avant eux avaient su le faire.
Il est d'ailleurs savoureux et typique des affres de la création que d'offrir pareilles beautés languides à partir d'une relation tumultueuse de deux démiurges ; Hoare et Oscarnold ont semble-t-il pris le temps de se faire la gueule et se rentrer dans le chou avant que de se rabibocher et d'unir leurs forces dans Foxhole.
Ceci est le troisième album des Proper Ornaments, sans doute le plus cool, le plus mélancolique ; tandis que le précédent et très bon Wooden Head renvoyait encore à l'influence évidente des The Jesus And Mary Chain - ces titres de chansons, ce chant alterné, ce côté slacker sympathique - d'ailleurs une édition limitée de l'album propose en sus un 7" constitué de deux covers de Darklands, bien-sûr tout sauf un hasard.
Le chant Reedien en moins, on pense aussi à Felt, aux Feelies, au Monochrome Set, aux Love and Rockets acoustiques, bref à tout un tas de groupes ayant opté pour l'option guitares à la coule, on fond toutes les voix ensemble et basta. De "Backpages" dont l'intitulé et le rendu fleurent bon Dylan revisité par les Oyseaux magyques à "The Devils", affleurent aussi les fantômes du Velvet. Et autorisent certains sommets tels "Cremation (Blown Away", "Just A Dream", "Bridge By A Tunnel", "When We Were Young". "The Devils"...). Et ces jeunes poussent le bon goût jusqu'à s'afficher sur la pochette.
Le genre de mood qui résume leur humeur. "Memories may fade / Some remain the same / They won't take your place / Memories can change / The truth will be arranged / Sometimes it's' OK". Ravissant.
En bref : un coup de coeur, une émotion au service de belles chansons d'un quatuor émergeant d'Outre-Manche. Pas d'artifices inutiles, juste un songwriting de qualité. A l'ancienne.