30 avril 2018

Nico - The End... (1974)

Cet album, comment dire....constitue l'une des oeuvres les plus effrayantes à avoir jamais été gravées dans la cire. Et là où les oeuvres précédentes aux accents médiévaux - dans ce que l'on a coutume de nommer la trilogie de Nico - The Marble Index (69) et Desertshore (70) - se posaient déjà un peu là niveau matière sonore sinistre, The End..., son dernier volet enfonce carrément le clou.



Et contribue sans doute beaucoup à l'anagramme glacé qui colle à la peau de la mannequin allemande devenue chanteuse sur le tard, le film Nico Icon qui lui a été dédié dans les années 90.

Il est déjà loin le temps des belles des champs, l'époque arty masochiste très pop de la Banane ; puis ce premier album (Chelsea Girl) au visuel magnifique, mais tellement neuneu dans sa production. Qui surtout malgré un brelan de chansons magnifiques, était le fruit de l'inspiration de Lou Reed, John Cale et notamment Jackson Browne, son amant d'alors, pour leur protégée.

Non, c'est bien sûr à partir de 1969 que l'oeuvre malaisée de Nico prend tout son sens. La maman de Ari Boulogne fils de, et compagne du réalisateur Philippe Garrel qui la shoote (sans jeu de mots) pour chacune de ses pochette, s'est acheté - bien avant Anna Calvi - l'instrument qui fera sa gloire : un harmonium.

Et  là, après avoir écumé les labels - Verve, puis, MGM,  Elektra, Reprise - on la retrouve sur Island, normal c'est déjà le label de John Cale, Kevin Ayers et Eno, ses fidèles compagnons de route, immortalisés sur June 1, 1974.

Nico, qui a eu à peu près autant d'amants que de rencontres artistiques, s'inspire évidemment de ses dernières amours avant sa rencontre avec Garrel. C'est donc Jim Morrison et son "The end" qui servent de prétexte au 4ème ouvrage solo de Christa Päffgen.

John Cale est une fois de pus aux manettes, joue de tout (on entend même son alto), Manzanera gratte, Eno bidouille ; et Nico est à l'harmonium.

Cinq des sept chansons qui composent ce disque malade sont d'elles. Les deux reprises sont donc une reprise invraisemblable de "The end" qui transfigure l'originale, martelée, percussive remplie de choeurs et d'échos mortifères. Et "Das lied der Deutschen", ni plus moins que l'hymne allemand. Sur lequel, Nico qui a parfois eu des déclarations raciales très peu inspirées atteint du haut de son accent martial aisément le point Goodwin.

Si l'on ajoute à ce "Deuschland über alles" qui fait froid dans le dos, des sons de synthés on ne peut plus frigorifiques qui sur "Innocent and vain" évoquent carrément un cimetière d'éléphants - les mêmes barrissements dont s'inspireraient plus tard les Smiths pour "Meat Is Murder" - on comprend aisément qu'on n'est pas ici à la fête du rire.

Néanmoins comment résister à la glaciale beauté de ces "It has not taken long", "Secret side", "Valley of the kings", parcourus de striures sonores façon Danse des Morts ! Comment rester de marbre (quoique le marbre en définitive...) face au chant déchirant de "You forget to answer", sur lequel Nico prouve qu'elle n'est pas seulement une icône, une figure de papier glacé ; mais que son chant, son interprétation, ses compos tiennent le haut du pavé. Cette émotion que l'on sent sourdre à chaque instant.

Le paradoxe de The End...c'est qu'il ne sera même pas le chant du cygne de Nico. Dans une carrière de lose, faite d'errances et de hiatus - l'affaire des bandes perdues de Drama Of Exile - il y aura encore de sublimes choses, même si inégales. Sur l'album précité et sur Camera Obscura et ses sonorités electro. Mais plus rien d'aussi jusque-boutiste, d'aussi  désespéré. Jusqu'à cet accident de vélo de 1988.

En bref : l'enfer de Dante fait microsillon. Ou du Linda Blair en mode petite fille apeurée. Dans tous les cas, le disque sublime et ultime de Nico.
 

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