L'histoire météorite des Dolls sera évidemment placée sous le signe du chaos. Déjà la veille de l'enregistrement, le premier batteur Billy Murcia meurt d'overdose.
Lui succède Jerry Nolan qui hélas l'imitera quelques années plus tard, alimentant le mausolée précoce des Dolls. Et tout autour de lui gravitent les figures improbables des guitaristes Johnny Thunders - qui tire son pseudo des Kinks et non du chanteur rhythm and blues - et Sylvain Sylvain, d'un géant à la basse nommé Arthur Harold Kane, et d'une frappe aux faux airs de Jagger, le principal compositeur du groupe et chanteur David Johansen.
Tout cet aréopage a pour point commun un look qui même pour l'époque glitter apparaît scandaleux. Cela donne ainsi l'une des plus fameuses pochettes d'albums de l'histoire qui voit les 5 Dolls grimés en putes, de vulgaires trannies arborant cheveux crêpés et maquillage outrancier. Et tous bien qu'assis, sont surélevés de leurs platform-boots. Le tout surmonté de cet incroyable logo / bâton de rouge à lèvres. Pour un combo dont aucun membre ne se revendique queer, les New York Dolls font d'entrée de jeu très fort.
Fans de rock'n'roll pionnier - la seule reprise du disque est le "Pills" de Bo Diddley - de rhythm and blues, girl groups (hommage évident aux Shangri La's sur "Looking for a kiss") et doo wop, New York Dolls sera donc la prochaine réponse au glam rock anglais ; Mercury leur label décidant d'octroyer à ses poulains le plus fou des musiciens-producteurs, Todd Rundgren. Quitte à être en léger décalage.
Car c'est peu dire que le style no bullshit des poupées s'accommodera mal de la flamboyance du mégalomane prodige. Qui donnera lieu à d'homériques affrontements entre les deux parties... et aussi à une idée reçue qui desservira les New York Dolls.
Détracteurs et pisse-froids n'admettront jamais qu'au-delà de ses qualités intrinsèques New York Dolls sonne non seulement bien ; mais contrairement à tant de ses contemporains conserve une fraîcheur ainsi qu'une intemporalité inédites pour une production de cette époque.
Le disque claque, pourrait avoir été enregistré des décennies plus tard tant il sonne moderne. C'est si parlant lorsque les deux Les Paul cisaillent "Jet boy" et "Bad girl", notamment sur des intros particulièrement jouissives. Et qui de sérieux pour objecter au clinquant de la batterie hénaurme de Nolan sur "Vietnamese baby", morceau gonflé au napalm.
Ailleurs, aux avant-postes, l'on se déchaîne aussi ; et David Johansen de sa gouaille de tapin n'est pas en reste. Qui offre du cri testéroné à l'hymne proto-punk qu'est "Personality crisis", des roucoulements bienvenus sur les bluettes "Lonely planet boy" et "Trash" : la première déroule en quelque sorte le répertoire des Ramones à venir, la seconde par son instrumentation étoffée serait une réponse yankee à Roxy Music.
Assumant haut et fier leur songwriting, les new yorkais accolent la mention (orig) à leur irrésistible mantra "Frankenstein" ; car un morceau du même nom a déjà été publié la même année. Ce crescendo échevelé offre une connotation sexuelle mais par delà, constitue un hommage à New York, à la faune dont la ville s'honore.
Les punks de la scène frémissante ne s'y tromperont pas qui emprunteront tant aux Dolls, de leurs accoutrements revolting aux hymnes braillés et insouciants ; sans parler du recours systématique au pseudonyme.
Car la saga des poupées sera fulgurante : déjà le sophomore Too Much Too Soon (74) malgré des passages excitants sonnera la redite et s'appuiera pour partie sur des reprises. La dope aura ainsi fait son oeuvre et n'offrira aucun recours malgré l'inepte reformation tronquée des années 2000.
En bref : la scène punk balbutiante ne se remettra pas de ce debut flamboyant. Beaucoup paieront leur tribut à la comète transgenre new-yorkaise. Essentiel et inégalé.
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